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C’était un soir… A Rome, un vendredi 26 Janvier 2007 …Imaginez une boite dans la proche banlieue de Rome…Toute neuve…Magnifiquement conçue pour ce genre d’événements… Claudio, Indochino et moi débarquons dans un endroit quasiment vide… et devant la scène, Pupy…en train de discuter avec los que Son Son !!

Il nous accorde alors sans aucune difficulté mais au contraire avec plaisir une interview dans la plus grande intimité des loges…

Le nom que tu as donné à l’orchestre est très gai/joyeux: il est très musical et semble exprimer différentes choses…

Pupy : Le nom de l’orchestre comprend le mot Son dans divers sens: « Los que Son Son » fait référence au genre musical du Son mais aussi à la forme du verbe être, entendu comme « ceux qui ont le droit d’être »… et ceux qui n’y sont pas ne méritent pas d’y être.

Claudio/Jack : il y a une Guaracha sympathique que chantait le grand Cascarita dans les années 40 avec l’orchestre Casino della Playa qui s’intitulait « Coge pa’ la coda » et qui disait :  » los que son son son y los que no, van pa’ la cola, porque tu te pone alante si tu eres de los de atras, ocupa tu puesto y no discuta mas « …….

Pupy : Oui c’est un morceau d’anthologie de la musique cubaine mais c’est un pur hasard

Claudio/Jack : Qu’est ce que la Timba pour toi ? Comment est né ce mot ? De la Team Cuba ?

Pupy : La timba c’est une façon de nommer le Son moderne pour le fortifier puisque le mot Son semble un peu désuet/démodé surtout en dehors de Cuba. Cependant la racine de tout est le Son, qui est celui qui donne sens à toute la musique cubaine dansante. Le terme de Timba a commencé à se répandre pour chercher à insérer la musique cubaine dans des espaces internationaux. Il se trouve que moi je suis né dans le quartier de la Timba (NDLR : d’où les paroles de sa chanson « De la Timba a Pogolotti : « Yo nací en La Timba, rinconcito de mi madre, y a los cuatros años yo ya jugaba con la clave. Después nos mudamos y aprendí distintos toques, porque mi crianza la hice entera en Pogolotti…… » ) et je peux te dire que le mot Timba était utilisé quand on voulait exprimer l’approbation de la puissance rythmique d’un orchestre. Je me souviens qu’on l’utilisait déjà à propos de l’orchestre Ritmo Oriental… L’autre signification est une allusion à une confiture de goyave dont le contenant était une caisse en bois. Le terme « Pan con timba » (qui ensuite devint le nom d’un quartier de la Havane), était par extension, le pain à la confiture. Puis ce nom fut choisi par le Team Cuba pour baptiser la musique cubaine dansante contemporaine. De là, le terme se diffusait dans le monde entier. Quoi qu’il en soit ce terme était déjà utilisé par les musiciens qui étudiaient à l’ENA (Escuela Nacional de Arte). A cette époque à Cuba il n’était permis de jouer que de la musique « cultivée », et la musique populaire n’était pas très bien perçue. Mais arriva le moment où les jeunes musiciens qui aimaient la musique populaire commencèrent à se réunir pour jouer leur musique et ils le faisait en disant « Vamos pa’la timba! » Ceci se passa bien avant le Team Cuba.

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Claudio/Jack : Quels sont tes rêves en tant qu’artiste et en tant qu’être humain ?

Pupy : Mon rêve en tant qu’artiste est de continuer mon travail avec cet orchestre et savoir gérer le succès que le public cubain et international nous donne. Il n’est pas facile pour un orchestre cubain de connaître un tel succès en aussi peu de temps, avec tous les talents présents à Cuba. Si les gens continuent de danser et d’apprécier ma musique je suis heureux puisque c’est la musique que j’aime. J’aime aussi beaucoup le jazz dès que je peux dans mes moments libres. Mais je ne peux pas me considérer un jazzman et je serais ridicule si je me mettais à faire du jazz. Je perdrais toute l’estime reçue jusqu’ici et se serait une offense à tous les grands jazzmen présents à Cuba. En tant que père, je rêve de voir mes enfants se réaliser. Je rêve de la même chose pour mes neveux qui veulent poursuivre le chemin artistique de la famille : mon grand père, mes oncles, et surtout mon père qui joua dans l’orchestre Sensacion et le Conjunto Chapottin, ont tracé une voie dans laquelle j’espère voir se réaliser mes neveux. J’espère être encore vivant pour profiter de leur succès.

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Claudio/Jack : En ce moment à Cuba on donne beaucoup de place, peut être trop, au Reggaeton. Tu penses que ce phénomène durera encore longtemps ?

Pupy : Le Reggaeton a son espace à Cuba comme n’importe où dans le monde. En ce moment il est très populaire et c’est un courant qui a pris de la force. Ce qui est certain c’est qu’on ne peut pas aller à contre courant. Personne ne peut le dire le temps que durera ce phénomène. Lorsque quelque chose de nouveau arrive sur la scène musicale et s’impose comme une mode, il est difficile de juger le temps qu’il perdurera. Chaque courant musical marque l’histoire : la lambada eut son succès et de même le mambo à l’époque de Perez Prado, et encore aujourd’hui on le danse au Mexique ou au Japon. Comme n’importe quoi au monde il faudra attendre pour savoir quel est le destin du Reggaeton. Personnellement j’apprécie certaines choses du Reggaeton, et en déteste d’autres. Et comme souvent dans le Reggaeton tout sonne pareil il est plus facile pour moi de ne rien (il rit amusé).

Claudio/Jack :Il semble que le Reggaetton et la Timba soient concurrents en ce moment pour les jeunes générations cubaines…qui l’emportera ?

Pupy : La Timba a un excellent futur devant elle. En ce moment à Cuba une génération d’adolescents, des enfants de 8-10 ans, m’arrête dans la rue comme si j’étais leur idole. Je suis optimiste parce que c’est cette jeunesse de demain qui continuera à préférer notre musique. Au-delà de tout avec la qualité d’excellents musiciens, arrangeurs, et compositeurs présents à Cuba il ne manquera jamais de force et d’énergie nouvelle pour le futur de notre musique. C’est aussi ça ma mission.
Claudio/Jack : Le répertoire que tu joues dans tes tournées à l’étranger est-il le même que tu joues à Cuba ? Tous les morceaux de Timba (pas seulement les tiens) semblent adaptés à la danse de Casino…

Pupy : Dans la Timba il y a des morceaux très dansants et d’autres qui ne le sont pas. Par exemple, je ne présente pas ici certains de mes morceaux qui ne seraient pas appréciés pour danser. Un morceau comme « Calla Calla » demande un style interprétatif qui s’éloigne un peu du Casino, qui ici aussi, en Italie, a un grand succès. Des morceaux, en revanche, comme « La italiana » ou « el buenagente » ou « la borrachera », se prêtent mieux au public de danseurs qui montrent alors leur enthousiasme.

Claudio/Jack : Récemment dans ton orchestre tu as changé un chanteur (Pepito). Nous connaissons tous les talents de Pepito mais nous ne connaissons pas encore les qualités de son remplaçant…

Pupy : Ceux qui étaient furent excellents, mais ce qui y sont maintenant le sont aussi. Un de mes chanteurs (Mandy Cantero) vient juste de recevoir le prix de meilleur chanteur de 2006 (NDLR : il parle bien ici du FIESTACUBANA AWARD !!) , rivalisant et gagnant face à toutes les meilleurs voix de Cuba, incluant celles qui ne sont plus dans mon orchestre aujourd’hui (NDLR : Tirso Duarte) . Nous avons maintenant un nouveau chanteur qui s’appelle William et qui vivait en Italie. Il chantera certains titres du nouveau disque et il se débrouille déjà très bien sur les morceaux qu’il interprète pendant les concerts, les mêmes qu’interprétaient Pepito Gomez.

Claudio/Jack : Nombreux jeunes chanteurs cubains, parfois même avec piètre expérience, décident de se rendre indépendants et de créer leur propre orchestre. Turbulente jeunesse ou génialité précoce.

Pupy : Chacun est patron de sa propre vie. On peut éventuellement dire que tous ne possèdent pas les qualités pour monter leur propre orchestre. Il y a des talents qui ont la capacité de tracer leur propre chemin, et d’autres, aussi grands qu’ils soient, se prêtent mieux à être dirigés. Certains grands chanteurs sont sortis de leurs orchestres et ont échoué dans leurs nouveaux projets. Il n’est pas facile d’avoir son propre orchestre, les qualités requises sont nombreuses : être un bon compositeur, un bon arrangeur, avoir une bonne base financière, et tout cela ce n’est pas évident de l’avoir simultanément.

Claudio/Jack : Parmi les noms cubains qui sont en train de s’imposer on entend Maikel Blanco, qu’ ici en Europe est un des plus programmés sur les pistes de danse, avec de nombreux morceaux du disque « Recoge y vete ». Sa musique qui s’inspire de certains orchestres à succès, se présente comme un cocktail d’ingrédients déjà connus, particulièrement réussi et captivant. Tu le placerais parmi ce que tout à l’heure tu nous indiquais comme les forces nouvelles pour le futur de notre musique ?

Pupy : En ce moment Maikel Blanco a du succès et plait beaucoup puisqu’il a des sonorités proche des Van Van, Manolito ou même de nous. C’est un bon orchestre mais on ne peut pas dire qu’ils aient la popularité et l’intensité des Van Van, Manolito, Charanga Habanera, Adalberto, Bamboleo, N.G la Banba et de notre orchestre.

Claudio/Jack : Certains talents émergent et d’autres semblent s’évaporer dans les cieux de la Timba…Tosco, par exemple, semble définitivement perdu pour la Timba ?

Pupy : (il sourit) Tosco est un créatif agité-torturé-tourmenté. Je le connais depuis les premières années des Van Van lorsque nous jouions ensemble. Aujourd’hui il a un cercle classique, il a crée une école de flûte, il continue le reggaeton avec un groupe de six femmes…il aime beaucoup de choses et domine nombreux styles.

Claudio/Jack : Tu es également célèbre pour tes grands talents de compositeur. Parmi toutes tes chansons, une de nos favorites est « Con el destino no se puede mas », chanson que tu as dédié a ton fils décédé prématurément. Dans ce morceau il y a un solo de piano qui émeut par son intensité…

Pupy : Personnellement ce morceau, je n’arrive plus à l’écouter et encore moins à le jouer. Je dois être chez moi pour l’entendre. Tu peux en imaginer les raisons. (NDLR : cette chanson qui se trouve sur le disque « Azucar » de los VAN VAN, a été écrite par Pupy en hommage à son fils décédé…)

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Claudio/Jack : Parle nous du nouveau disque que tu es en train de préparer ?

Pupy : Le nouveau disque contiendra des morceaux de divers compositeurs : Angelito Bonne « Yo soy de donde tu quiera » que chantera Mandy. Deux morceaux d’un compositeur qui a déjà collaboré avec nous, Gustavo Cabana, il y aura également un morceau d’Enrique Bonne (le père d’Angelito) qui connut le succès avec la Orquesta Aragon, « il vigilante ». Puis 6-7 morceaux composés par moi-même. Il y aura un nouveau morceau dans lequel j’ai confiance : il s’appelle « la machucadera », il a un refrain qui à coup sûr aura grand succès « los hombres suben las manos y las mujeres mueven la caderas ». Un autre morceau que j’ai composé qui s’appelle « Olvidala » et un morceau composé par Mandy. Sera présent également une nouvelle interprétation du morceau « Batanga », un classique rendu célèbre par Benny Moré, il sera réarrangé par Changuito. Le disque devrait sortir sur le marché en septembre.

Attendez vous à un très beau disque et dès que je l’aurai terminé je le mettrai en circulation. Il arrivera certainement entre les mains de Jack afin qu’il le fasse connaître et aimer de mes fans français.

Claudio/Jack : Merci Pupy !

Pupy : Merci à vous Jack et Claudio de votre attention pour ma musique.
Puis, 30 minutes plus tard, Pupy monte sur scène et donne un concert d’exception avec un enchaînement de titres sublimes : « Que cosas tiene la vida », « Buena gente » « A la italiana », « La bala de Billy », « la Machucadera » (nouveau titre qui sera LE futur tube de Pupy !!), « La bomba soy yo » avec sa série de solos à couper le souffle , « la Borrachera » et en bis « De la timba a pogolotti »…

César Pedroso, quand il joue, a toujours ce regard affectueux sur ses musiciens et sur son public qui fait de lui un artiste hors norme… Son tumbao quant à lui est juste unique…
Mandy fut dans un grand soir encore une fois, transcendé par son Award avouera-t-il après !!
Je fus également séduit par le nouveau chanteur William en période d’essai qui ressemble fortement à Aramis tant au niveau vocal que physique…
Si le concert fut excellent, que dire de ce public plutôt tiède ?!

PS : Merci à Claudio Marucci pour son accueil exceptionnel et à Gaëlle pour la traduction !

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