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A l’heure du renouveau du casino et de la rueda de casino à Cuba, pour la première fois le casino et la salsa sont l’objet d’une étude approfondie menée par une spécialiste du folklore cubain et de la danse cubaine . L’analyse porte sur les éléments sociologiques et culturels qui ont contribué à la naissance de cette danse à Cuba au début des années 50 et son évolution jusqu’à nos jours.

Dans la première partie, elle met très clairement en évidence dans chaque danse (contredanse, danzòn, son, chachacha…) les éléments qui vont donner naissance à la danse casino.

Dans la deuxième partie, suite à une enquête minutieuse auprès des anciens  » casineros  » et restituant le contexte culturel des différentes époques l’auteur nous éclaire sur ce qu’a représenté et ce que représente actuellement le casino et la rueda de casino à Cuba et dans le monde.

Une troisième partie est consacrée à la description des pas de bases de casino et passes de base ruedas apportant des explications sur leur origine et la signification des noms de passes.

Cet ouvrage offre un véritable appui pour tous ceux qui bataillent depuis longtemps pour que le casino  » la salsa cubaine  » soit reconnue et enseignée dans toute sa dimension technique et culturelle et est à recommander vivement à tous les enseignants de salsa cubaine, ainsi qu’aux musiciens, pratiquants…

Il me paraît très important que les enseignants et tous ceux qui s’intéressent au casino et la salsa puissent avoir accès à ces informations. Ce livre est en espagnol, mais relativement facile à lire pour ceux qui ont quelques bases mais pour le moment je ne l’ai vu qu’à la Havane.

Barbara Balbuena Gutiérez est née à Camagüey en 1960. Professeur et danseuse de Danse moderne et Folklorique, licenciée en Arte Danzario, Docteur en Sciences de l’art.

En 1996, elle obtient le prix national de recherche avec son œuvre El ireme Abakuà

En 2001, elle obtient le prix de la recherche culturelle avec son texte Las celebraciones rituales festivas en la Regla de Ocha.

Les antécédents du Casino

Depuis le 18ème siècle et peut-être même avant, de nombreuses danses de salon à la mode provenant d’autres pays furent introduites à Cuba (contredanse française, menuet, rigaudon, quadrille, valse…)

Apres avoir atteint leur apogée, elles y ont subi un processus d’adaptation aux nouvelles conditions socio-culturelles et géographiques, ce qui souvent a entraîné la criolisation de la musique comme de la danse tandis que dans d’autres cas surgissaient de nouvelles danses de salon (contredanse créole, la danza, la habanera, le danzòn)…

L’auteur met en évidence à travers l’étude des différentes danses cubaines les éléments qui ont influé directement dans le casino.

La Contredanse cubaine, avec particulièrement le pas de base et l’utilisation des 4 temps musicaux, la présence du  » bastonero  » qui dirige la danse (chanteur de la rueda) et la position de danse ouverte.

La Danza où pour la première fois on voit apparaître la position de danse fermée (influence de la valse) et le paseo qui consiste à déplacer le pas de base en avant ou en arrière.

Le Danzòn qui au niveau danse et au niveau musique intègre des traits caractéristiques de la culture cubaine et dont les différentes figures peuvent se retrouver synthétisées ou ayant subi une évolution dans le casino.

Le chachacha et le son dont l’auteur dit qu’ils ont été les piliers fondamentaux pour la création du casino comme nouveau style de danse.

Le son fut la manifestation dansée la plus représentative des couches humbles de la population. Il fut tout d’abord rejeté dans les salons élégants mais il a fini par s’imposer,devenant la préférence du peuple. C’est le  » son urbain  » qui va le plus influencer dans la naissance du casino ;

Le chachacha fut la conséquence d’un processus créatif qui a son origine dans le  » danzon de nuevo ritmo « .

L’apport du chachacha au casino fut fondamentalement chorégraphique principalement dans les figures pas dans les pas de base. Beaucoup de figures de chachacha coïncident avec celles du casino et surtout l’exécution de la rueda.

A la fin des années 50, surgit la rueda comme une variante du chachacha connu populairement comme le  » chachacha en rueda » : les couples exécutaient des figures à l’unisson, l’un derrière l’autre en formant un cercle qui avançait dans le sens des aiguilles d’une montre ou à l’encontre. Elle était dirigée par un homme qui avait developpé une bonne habilité à la danse, auquel signal (connu des danseurs) les couples réalisaient des changements de couple, combinaisons de tours et autres figures inventées à cette fin.

L’origine de la rueda de  » chachacha  » peut provenir du  » danzòn  » qui se dansait également en forme de rueda mais sans changement de couples .

Le son également se faisait en rueda et dans le  » son montuno  » on réalisait des figures et changements simples de couple.

Les débuts du casino 1950-1959

L’auteur expose les différents facteurs qui vont influer dans l’émergence du casino

Les espaces de danse (sociétés de divertissement) qui se multiplient avec une différenciation toujours entre les clubs des blancs, des mulâtres et des noirs

L’apogée d’importants groupes musicaux cubains

L’engouement pour le son et la guaracha

L’invention du chachacha

La fondation de la télévision

L’influence culturelle des Etats-Unis (rock’n roll)

La naissance du casino est lié au Club Casino Deportivo (société de blancs)

Cette nouveauté créative plut aux jeunes et ils furent imités par les danseurs d’autres clubs nautiques de Playa (quartier de La Habana) et plus tard dans les autres sociétés de la capitale

On disait : on va faire la rueda comme au casino est devenu par la suite on va faire la rueda du casino

Autre version : le nom viendrait du fameux orchestre  » Conjunto Casino « , un des orchestres les plus populaires de l’époque.

Les fêtes des 15 ans des filles ont favorisé le développement du casino

Le casino aurait d’abord été dansé en rueda avant d’être dansé en couple

Il n ‘y pas de musique particulière attribuée au casino qui se dansait sur les musiques à la mode dans la mesure où le rythme le permettait.

1960-1980 :étape du développement du casino

Avec la révolution, les clubs privés sont nationalisés et la plupart sont transformés en centres sociaux pour les travailleurs qui vont se convertir en principaux centres de divertissement pour les jeunes.

Dans ces centres va naître une nouvelle génération de danseurs de casino. Les ruedas sont formées par des personnes appartenant au même lieu de divertissement, amis… Elles étaient souvent reconnues par l’habileté de celui qui les dirigeait ou du lieu où elle se pratiquait.

Une des plus fameuses a atteint cent couples .Composée de blancs de métis et de noirs sans distinction de couleur de peau. Elle était réputée pour ne jamais se tromper et quand cela arrivait, le fautif subissait les moqueries de groupe avant d’être rejeté.

Selon l’auteur, le développement du casino à cette époque est aussi la conséquence de la politique culturelle qui offre un accès illimité à la culture pour tout le peuple cubain.

Les Ballets Folckloriques , les écoles de formation des danseurs vont intégrer dans leur programme de danses populaires cubaines le casino.

De nouveaux genres musicaux et dansés apparaissent

C’est l’époque du mozambique, pilòn, pacà, dengué, mais aussi de la pénétration de genres étrangers comme la bossa nova, le twist, le rock. Ils influèrent également dans le casino. Les danseurs compliquèrent leurs passes et incorporèrent des mouvements en provenance de ces danses dans le but d’enrichir la danse et de rendre plus compliquée son exécution.

Cependant les lieux consacrés à la danse disparaissent peu à peu car devenant lieux de rixes..

A partir des années 70, la musique cubaine prend un nouvel essort

1969 : création de los Van Van par Juan Formell et d’une nouvelle interprétation du son : le songo

1973 : création de Irakere par Chucho Valdes créé notamment avec des musiciens issus de la Escuela Nacional de Artes.

1978 : création de Son 14 dirigé par Adalberto Alvarez

1979 : création du programme « Para Bailar » qui avait comme principal objectif de sauver et de revaloriser les danses populaires cubaines délaissées par les jeunes qui préféraient danser sur les musiques étrangères ;le très grand succès du programme démontre que les jeunes s’étaient éloignés de la musique cubaine du fait de la disparition d’espace pour les orchestres et pour la danse

La musique salsa

Apparut dans les années 60 aux Etats Unis portés par les émigrants portoricains et cubains,

l’auteur la définit comme une interaction culturelle caribéenne très complexe qui a son origine dans la tradition musicale de ces pays bien qu’il existe la conviction que le tronc commun est la musique cubaine et principalement le son.

A Cuba également la  » salsa music « s’est établie et fut acceptée par le public et les danseurs de casino.

Les fêtes des 15 ans des filles contribuent au développement de la danse casino .

Le casino en pleine splendeur se caractérisait à cette époque par la qualité la virtuosité et le style des danseurs.

L’auteur a relevé certains paramètres qui définissaient le danseur virtuose :

Danser a contretemps de la clave ; c’était un symbole d’élégance et aussi un défi

Exécuter des changements brusques dans le tempo.

Réaliser des tours très rapides en couple enlacé sur son axe, sans perdre le rythme et en se maintenant face à face.

Exécuter des passes différentes , la plus grande quantité possible de manière continue et sans se tromper

Savoir improviser (dibujar) jouer avec le rythme, et combiner le pas de base avec des jeux de jambes

Réaliser des grands déplacements sans se  » perdre  » au niveau musical et avec sa partenaire

Ne pas se tromper dans une rueda

 » Chanter  » la rueda

Même si le casino était une danse de masse, il y avait un caractère sélectif , des niveaux de qualité exigés en fonction des lieux de danse ou des ruedas ainsi qu’une exigence dans la manière de s’habiller.

Inventer un nouvelle passe était un fait créatif une recherche constante pour les danseurs dans un esprit de compétition.

Le style de danse était aussi fonction du quartier.

Certaines personnes incorporaient dans leur danse des mouvements caractéristiques de leur milieu social qui n ‘étaient pas toujours acceptés comme c’est le cas pour les mouvements empruntés à la rumba.

Cette période va consolider le casino dans le fait d’être le genre dansé le plus populaire.

Troisième étape : l’actualité du casino 1981-2000

L’auteur continue de faire le parallèle entre le dévelopement de la musique cubaine et le casino.

Elle nous parle du début des années 80 ou au niveau musical existe une recherche de nouveaux chemins dans l’interprétation, la virtuosité et la créativité provocant un développement du casino qui atteint des dimensions internationales sous le nom de  » baile de salsa. « 

Certains evènements musicaux vont être marquants

La venue d’Oscar de Leon en 1983 dont la façon de danser sur scène va inspirer les danseurs de casino.

A partir de 1988, de nouveaux groupes surgissent NG La Banda, Isaac Delgado, Dan Den, Charanga Habanera, Manolin, el medico de la salsa, PaulitoFG y su élite…

La majorité de ces groupes, renouvellent le jeu de scène qui inclut le montage ou l’improvisation de mouvements chorégraphiques que réalisent en premier plan les chanteurs et en certaines occasions le directeur du groupe.

Les chorégraphies oscillent entre la réalisation du pas de base casino du casino, avec différents changements dans les accents rythmiques par rapport à la clave, également la combinaison de ce pas de base avec d’autres genres de la danses cubaine comme le mambo, la rumba et la conga.

Un des éléments qui met le plus en relation la musique et la danse est le texte des chansons ;

utilisation de termes et expressions populaires ou double sens..

En général,ces expressions s’utilisent dans le refrain et tous les créateurs affirment que leur contenu détermine le succès du morceau.

Exemple  » hay que estar arriba de la bola « , « ay dios amparame « 

Ces éléments expriment une gestuelle sociale, émotionnelle, fonctionnelles et rituelles. se traduisant par l’utilisation des différentes parties du corps de manière spontanée

La plupart furent créés par les musiciens , les danseurs intégrant ces éléments dans leur danse.

.La danse se pratique désormais en couple libre , ruedas, lignes de couples qui improvisent ou exécutent à l’unisson différentes figures, un homme avec deux filles,, personnes seules..

L’objectif fondamental est le plaisir, coupant tous types de barrières sociales démontrant la satisfaction spirituelle que représente la danse pour la majorité des cubains.

Le développement du tourisme international et la sortie des groupes cubains à l’extérieur du pays ont contribué au rayonnement de la musique et de la danse populaire cubaine.

A Cuba, les espaces de danse constituent un élément de grande importance pour que s’établisse le contact direct entre les musiciens et les danseurs.

A partir de 1985, réouverure de nouveaux lieux : le Salon Rosado de La Tropical

L’auteur conclut que le casino contemporain s’est enrichi en incorporant de nouveaux déplacements, figures et mêmes des pas empruntés d’autres genres populaires ou folkloriques cubains.

Aujourd’hui le pas de base de casino s’exécute en prenant en comme guide rythmique les différents accents de la musique à l’intérieur du choix à temps de clave ou à contre temps.

En général, le tempo est plus rapide et il existe une grande polyrythmie dans la percussion, ce qui favorise l’ajout de mouvements de pieds dans le pas, qui n’altèrent pas en essence la forme traditionnelle

Il est possible d’accentuer la première croche dans le premier pas

Attendre le premier temps, et avancer sur le deuxième croche, dans ce cas on accentue le troisième pas dans la quatrième croche.

Depuis quelques années, il y a une tendance à accentuer la troisième croche

Ce thème est sujet à de grandes polémiques la réalité étant qu’il n ‘y pas une manière unique de marquer le pas en relation avec la musique.

Le casino actuel peut se danser en couple enlacé en position fermée, en couples lâchés placés face à face, en files ou en rueda…

A la différence des étapes antérieures, les couples se séparent pour avoir une plus grande liberté de mouvements et surtout pour pouvoir improviser.

L’improvisation s’exécute en n’importe quel moment mais fondamentalement quand on atteint le moment le plus intense de la musique, où se produit une grande polyrythmie dans la percussion, la partie la plus rapide et où coïncide l’improvisation du chanteur et l’alternance du refrain et chœur. Cette partie les musiciens l’appelle  » bomba  » ou  » timba « .

Le mot  » timba « 

Il a acquis une connotation très spéciale dans le milieu de la musique populaire dansée à Cuba , sujet d’une profonde polémique pour définir théoriquement ce complexe phénomène musical.

Le  » despelote  » correspond a ce moment le plus  » caliente  » du morceau : il se réalise en couple lâché. C’est à ce moment que l’on reproduit les gestes et mouvements qu’improvisent le chanteur ou que chantent le chœur.

 » El tembleque  » ; mouvement vibratoire de tout le corps à partir de la zone pelvique qui se transmet a tout le corps et fait partie du style despelote.

Il peut également arriver que les danseurs réalisent d’autres pas issus des différentes manifestations des cultures afro-cubaines comme les danses de santerìa, de la rumba, makuta, yucca… ou d’autres genres populaires comme le mambo, le chachacha ou la conga.

Un autre forme de danser le casino est celle en  » en double file  » : ligne de garçon, face à ligne de fille avec un fonctionnement ressemblant à la rueda mais plus simple. Il n’y pas de passes traditionnelles mais des morceaux chorégraphiques dont certains se retrouveront appliqués en rueda, ; en plus sont intégrées sous cette forme les pas et mouvements du despelote.

Il faut également beaucoup d’habileté et de dextérité pour intégrer la forme en double files

La rueda de casino est actuellement la forme préférée des connaisseurrs de casino du à la très grande variété de pas et figures, passes, phrases chorégraphiques et variantes de pas que le peuple a inventé en partant des ruedas traditionnelles, imitant les leaders des groupes musicaux, synthétisant la culture dansée cubaine, incorporant manières et expressions de personnages du cinéma ou de feuilletons télévisés,.. apparition de doubles ruedas de casino..

L’auteur souligne l’importance de la famille dans l’apprentissage du casino

Les femmes vont gagner en liberté d’improvisation

Le style de danse  » reparto  » (du quartier)

Jeunes danseurs appartenant aux quartiers marginaux de la Havane qui se caractérisent par l’invention et la réalisation de mouvements, gestes et pas vulgaires : ils ont inspiré beaucoup de pas du despelote

Les fêtes des 15 ans continuent dans les années 80 à être le lien pour danser et chorégraphier les ruedas de casino , valses, de 15 couples

Actuellement la fête des 15 ans comprend une valse une rueda de casino et un merengue

En conclusion l’auteur nous dit que le casino est bien une conséquence de l’évolution et de l’intégration des genres dansés proprement cubains et aussi de l’intégration d’influences étrangères

.Le casino d’aujourd’hui reflète le caractère du peuple cubain, synthétisant les composantes de la nation cubaine

Danse de divertissement dont la dynamique contemporaine se reflète dans la grande créativité et la liberté de ses mouvements corporels et spatiaux.D’entre les différents facteurs qui ont influé dans l’apogée du Casino à Cuba , existe la dimension qu’a prise la musique salsa au niveau international. Identifié comme danse de salsa cubaine, le casino s’est converti en véhicule idoine pour mieux apprécier cette manière de faire de la musique.

L’auteur poursuit en parlant de l’importance de la salsa cubaine au niveau inetrnational grâce au dévelopement du tourisme : spectacles, stages organisés pour les étrangers à Cuba, mais aussi tournées des compagnies folkloriques, cubains résidants à l’étranger, étrangers montant leurs propres écoles, festivals de salsa sans oublier l’aspect commercial lié à ces évenements fustigeant dans la foulée les personnes peu scrupuleuses qui profitent de la mode salsa pour inventer des « méthodologies », « pas » ou « figures »qui n’ont rien à voir avec la réalité du casino, les accusant de dépradateurs de la culture cubaine.

L’auteur souligne le fait que pour des étrangers vouloir danser comme les cubains est difficile car la cubanité résulte des gestes, attitudes, sentiments manière de penser et de l’ame du cubain. Elle conclut en disant que le casino continuera de se développer en continuant à puiser dans ce qui fait sa cubanité, sa propre dynamique sociale.

J’ai tenté à la fois de traduire et de résumer les idées principales de ce livre très riche et très intéressant. Beaucoup de détails manquent et ils font toute la saveur et l’intérêt de ce livre dont je vous recommande la lecture.