A la suite de l’article sur La Timba et les différents Genres de la Musique Cubaine et de la discussion qui en a suivi, Rumberito nous a indiqué une publication décrivant les relations entre la Timba et la Rumba et écrite dans le cadre d’une thèse d’ethnomusicologie espagnole.
Nous avons traduit cet article et avons essayé d’en garder le style académique voire verbeux et ‘intéllo’ à certains égards.
Loin de partager nombres des arguments et certaines thèses (sujettes à caution) de cet article, il en demeure néanmoins intéressant sur le plan des références musicales, historiques et sociologiques et aussi pour la documentation qu’il apporte.
Nous apporterons nos commentaires et dans une certaine mesure la contradiction aux contresens de cet article avec l’aide de musiciens et de danseurs diplômés de Cuba et ayant bien connu cette ‘Période Spéciale’.
Nous avons toutefois indiqué en gras les affirmations qui nous semblaient justes et dignes d’apporter un éclairage pertinent.
Timba, rumba et l’appropriation de l’intérieur[1]
Íñigo Sánchez Fuarros
Résumé
Le présent article prétend discuter les lectures de la Timba qui la considèrent comme une simple continuation de la tradition de musique populaire cubaine, et qui, d’une certaine manière, supposent l’existence de traditions musicales plus ou moins fixes, avec ou à partir desquelles les musiciens actuels établissent des relations de continuité ou de rejet.
En prenant le concept d’ « appropriation » comme point de départ, je ferai valoir que la « tradition » n’est pas quelque chose qui est passivement reçu mais qui, pour pouvoir être héritée, doit disposer de la complicité active du récepteur de cette dernière, en mettant l’accent, de cette manière, sur la participation active du sujet, par opposition à ces approches musicologiques qui cherchent uniquement à analyser au travers de l’existence de traces qui démontrent (ou non) la fidélité à une tradition déterminée.
Je parlerai, dans ce cas, « d’appropriation de l’intérieur » pour dénoter ce processus de sélection, d’invention et d’utilisation postérieure de la tradition, appliqué au cas concret de la relation entre la Timba et la rumba.
Todos los negros finos /
nos hemos reunido /
y hemos decidido /
no tocar más rumba.
Free Hole Negro[2]
Le début de la décennie des années 90 a été particulièrement critique pour la population cubaine. Le pays se levait chaque jour sans provisions, les vitrines des magasins vides et la population plongée dans l’embarras. Il s’ouvrait une étape d’incertitude qui a été euphémiquement baptisé « Période Spéciale ». La disparition de l’Union Soviétique et du Conseil de l’Aide Économique Mutuelle (COMECON), la disparition des principaux marchés extérieurs et des fournisseurs de l’île, combinées à l‘inefficacité de la structure économique cubaine et à la continuation de l’embargo américain, ont plongé Cuba dans leur plus grande crise du siècle passé.
Dans le cadre quotidien, la crise a été traduite par une diminution considérable des moyens matériels et du pouvoir d’achat du peuple cubain, avec des répercussions sur le plan subjectif. « Rien, il n’y avait rien, tu comprends ? », condamnait une femme cubaine, interrogée sur les premiers temps de la « Période Spéciale » (Reposé 2000:26). Les défaillances dans l’approvisionnement électrique, la réduction dramatique du transport public, la pénurie d’aliments et une inflation démesurée, entre autres facteurs, ont placé la population devant une situation inextricable. À partir de 1993, et au vue de la gravité de la situation, le gouvernement cubain a été forcé d’entreprendre quelques réformes, tant dans la sphère économique que dans le système politique et social, lesquelles ont été traduites, dans les grandes lignes, en une plus grande ouverture politique du régime. [3] Toutefois, ces réformes, en même temps qu’elles allégeaient partiellement les difficultés de certains cubains, ont provoqué à leur tour l’augmentation des inégalités sociales, suite à un accès inégal au dollar, converti pendant ces années en la monnaie « forte » (cf. Ritter 1995,.1998). La société cubaine entrait, de cette manière, dans une décennie pleine de contradictions et d’incertitudes.
La fond sonore de cette période a été principalement marqué par l’interprétation de la clave de Timba. Ce style de la musique populaire dansante, apparu à la fin de la décennie des années 80, s’est transformé très vite en un véhicule important de la représentation collective pour de vastes catégories de la population cubaine. Grâce à l’influence de styles musicaux étrangers, à l’utilisation particulière que les musiciens firent de la tradition, à l’agressivité des arrangements musicaux, grâce à des paroles directes, à une mise en scène provocatrice, la Timba a rassemblé un public avide d’instruments qui leur permettraient, d’une part, d’exprimer ce que c’était que de vivre la réalité cubaine de la fin du XX siècle et, d’autre part, d’articuler des possibilités d’intervention sur cette dernière réalité. La Timba devient durant ces années comme un espace expressif alternatif face à celui offert par la propagande officielle, ou celui forgé depuis certaines positions en exil. Autrement dit, la Timba s’est développée avec la vocation de devenir un langage parlant du quotidien réel et où les mots sont à nouveau récupérés pour designer ce qui existe réellement.
L’objet de cet article ne sera pas d’analyser les utilisations politiques, sociales ou culturelles qui sont faites de la Timba, à travers différents domaines, ni non plus de la définir en termes musicaux. [4] Dans le présent travail je me centrerai sur l’étude de certains des processus qui la constituent, et plus concrètement le processus de l’appropriation. Dans ce travail, j’aborderai la Timba comme un espace d’appropriations multiples, en me centrant sur l’utilisation que les musiciens timberos font de l’univers socio musical de la rumba. Ce cas particulier n’annule pas d’autres formes d’appropriation qui peuvent se produire, et de fait elles se sont produites, au sein de la Timba. Les analyser toutes est une tâche qui échappe aux limitations du présent travail. Pour illustrer mon exposé, je me servirai de quelques exemples pris dans la production discographique des orchestres de Timba les plus populaires que la décennie des années 90, spécialement de NG la Banda, considéré par beaucoup comme le groupe qui a donné naissance à ce mouvement.
« Expropriation », appropriation et « appropriation de l’intérieur »
Le concept d’appropriation acquiert de la pertinence dans le domaine de la musicologie au sein des débats qui apparaissent autour de la « world-music ». Dans cette perspective, le concept d’appropriation est compris, généralement, comme un geste impérialiste, associé à des notions de pouvoir, de contrôle et de domination culturelle, et fréquemment sous la forme d’un musicien occidental qui s’approprie des « musiques exotiques » et qui les transforme en objets de consommation soumis à la logique commerciale du capitalisme (cf. Barañano 2003 et Keil et Feld 1994). L’influence des études postcoloniales dans ce type d’analyses s’avère évidente (cf. Born et Hesmondhalgh 2000).
Sans aller trop loin dans l’histoire récente de la musique populaire cubaine nous trouvons un bon exemple d’appropriation, auquel l’anthropologue brésilien José Jorge Carvalho s’est référé comme « expropriation » (Carvalho 2003) : le phénomène de la Buena Vista Social Club. Produit par Ry Cooder, cet album a diffusé dans les tous les foyers et sur toutes les scènes de l’hémisphère occidental un catalogue de musiciens cubains vieillissants, qui, du fait de ce musicien américain, ont popularisé un répertoire composé de vieilles mélodies de la musique cubaine traditionnelle. De cette manière, on a fabriqué une image de l’île où celle-ci était réduite à un paradis exotique, gentil et inoffensif, ancré dans le devenir du temps, et adapté aux goûts du public (occidental) auquel un tel produit était destiné. Transformé de cette manière en un phénomène musical fulgurant en dehors de l’île, avec d’importantes implications non seulement pour le développement ultérieur de la musique populaire cubaine mais aussi pour l’ensemble de la « world-music » (Neustadt 2000), l’intense campagne promotionnelle du disque a abouti avec la première d’un film – Buena Vista Social Club, Le Film -, dirigée par le célèbre réalisateur Wim Wenders.
Ce film rassemblait des moments d’une des tournées internationales de promotion du disque, et il montre une peinture de la vie a Cuba, soigneusement montée dans une structure narrative qui, bien loin d’être innocente, dissimulait une morale curieuse, et est synthétisée dans cet extrait de la page Web officielle de Wim Wenders:
The film [Buena Vista Social Club] helped immortalize both the music and its now-famous practitioners who had been living in near poverty, all but forgotten in their own country.[5]
Ce film [Buena Vista Social Club] a aidé à immortaliser à la fois la musique et ses interprètes désormais célèbres qui ont vécu proche du seuil de la pauvreté, tous mais oubliés dans leur propre pays.
Effectivement, une bonne partie du succès de Buena Vista Social Club a été dû précisément à l’histoire lancée autour de la production du disque, un « conte de fées » habilement fabriqué dans lequel on nous présente la figure de Ry Cooder, d’abord, comme le découvreur des talents qui avaient été oublié dans leur propre pays et, ensuite, comme l’âme charitable qui les dégage de la pauvreté et à qui il restitue la place légitime qu’ils devraient occuper : les théâtres et les auditoires du monde entier. L’ironie de l’affaire est que pendant ce temps, la musique véritablement populaire dans l’île, la Timba, restait ignorée et occultée hors de Cuba par le succès de la saga » Buena Vista Social Club ».
En retournant au sujet qui nous occupe, quelques musicologues se sont référés, toutefois, au processus d’appropriation dans un sens plus positif, comme une partie intégrante d’une démarche locale qui entreprend la récupération de ses racines, la préservation de la tradition. En tant que contrepoint polyphonique relative à la première interprétation, cette « seconde voix » peut être comprise, en suivant Steven Feld, comme « une mélodie d’admiration, voire même un hommage et un respect, une source fondamentale de connectivité, de créativité et d’innovation » (Feld 1994 : 238). C’est précisément la lecture que le musicologue cubain Leonardo Acosta fait de la Timba: »[nous croyons que] la Timba est héritière d’une longue tradition de musique populaire dansante et c’est dans cette perspective nous devons la traiter » (Acosta 2003).
La thèse que défend Acosta me paraît effectivement applicable au cas concret de la Timba, bien que, à mon avis, elle parte d’hypothèses qu’il serait nécessaire de réviser. D’abord, il suppose que la relation entre la Timba et la tradition des musiques populaires cubaines est le résultat d’une évolution naturelle. Il s’agirait, par conséquent, d’une relation passive. Sans discuter le fait que la Timba doit être comprise dans un contexte global de développement expérimenté par la musique populaire cubaine tout au long du siècle passé, nous ne pouvons pas oublier, toutefois, que la tradition est quelque chose qui est reçu passivement, mais, qui pour être héritée, doit disposer de la complicité active du récepteur de cette dernière, parce qu’il est, en définitive, celui qui la reconnaît comme telle et l’accepte. Deuxièmement, cette approche musicologique suppose, explicitement ou implicitement, l’existence de traditions musicales fixes avec ou à partir desquelles le musicien actuel établit des relations de continuité ou de rejet. Ces approches , à la lumière des recherches musicologiques récentes, s’avèrent difficiles à soutenir. Pour tout cela, je préfère considérer la relation de la Timba avec la rumba comme un processus actif d’appropriation. Et, pour cette raison, en parallèle au concept d’appropriation comme « expropriation », je propose l’utilisation du concept « d’appropriation de l’intérieur ».
En ce sens, une analyse qui tient compte cette dimension « de l’appropriation de l’intérieur » mettra nécessairement l’accent sur la participation active du sujet qui se présente comme le corollaire, le point culminant ou simplement le continuateur d’une tradition précédente, contrairement à une approche musicologique qui viserait à évaluer les traces qui subsistent de la survie ou de la fidélité à cette tradition. Ce changement de perspective enrichit le concept d’appropriation, en permettant de le décrire comme un processus actif qui est articulé dans deux mouvements : sélection et, dans beaucoup de cas, invention d’une tradition déterminée, et utilisation postérieure de cette dernière. Processus qui, de mon point de vue, et toujours à propos de la relation entre la Timba et la rumba, révèle une prise de position politique concrète par les musiciens timberos.
“En la calle”
En 1989, le groupe NG la Banda (Nouvelle Génération la Banda) fait irruption dans la scène musicale habanera avec une tournée atypique par les quartiers de la Capitale pour présenter leur second disque, intitulé ‘En La Calle’ (Cortès 1992). Ce travail marque un point d’inflexion dans le développement de la musique populaire dansante cubaine, en cela que l’on y découvre/voit les bases d’un nouveau style qui, une fois consolidé pendant les années 90, sera connu sous le nom générique de Timba. Parmi les nouveautés qu’apporte ce travail, et qui finiront par être des traits caractéristiques de la Timba, nous pouvons souligner la présence proéminente de la rumba et d’autres traditions d’origine afro-cubaine, tant sur le plan musical comme dans les aspects non strictement musicaux. [6] Le style de ‘En La Calle’ me paraît, de ce point de vue, assez exemplaire de ce changement. [7].
L’image en couverture de ce disque est un instantané dans lequel les membres de l’orchestre sont photographiés dans un Solar [16]. Le sol terreux, les bâtiments du fonds, ainsi que les vêtements étendus qui encadrent la photographie, rendent compte de tout cela. Dans ces cours intérieures, propres aux quartiers humbles de La Havane, les habitants se réunissaient généralement autour des tambours pour faire la Rumba, et c’est dans ces dernières que s’est forgée la rumba de Solar. La rumba est un style musical cubain, dont les origines remontent au XIXème siècle, et qui est interprété, traditionnellement, avec des instruments de percussion et des voix. La percussion crée, dans ce cas, une base rythmique répétitive, de texture complexe, sur laquelle improvisent le percussionniste soliste et le chanteur « guia » (« guide »). De plus, la danse, individuelle ou en couple, selon le style de rumba, est un autre des éléments indispensables de toute performance ‘rumbera’, laquelle atteint différentes intensités selon le degré d’interactions entre les danseurs, les musiciens et le public. [8]
En même temps qu’une forme divertissement et de distraction des travaux quotidiens, cette rumba spontanée servait aussi, selon le musicologue cubain Leonardo Acosta, « de chronique de la maison ou du Solar, dans lequel les événements quotidiens sont raconté, mais dans lequel sont aussi rassemblés des aspects de la vie sociale et politique » (Acosta 1991:55). Mais, retournons à l’image. La pose des musiciens, engoncés dans des costumes impeccables, contraste avec celle des enfants, à moitié habillés et dans une certaine mesure perplexes devant l’objectif de l’appareil. Situées dans le centre de l’image, d’une couleur jaune frappante, les tumbadoras (les Congas) servent d’axe autour duquel on dispose les sujets photographiés, en délimitant un espace semi-circulaire, « l’espace propre de la rumba » (Daniel 1995:75). Instrument au pouvoir agglutinant, les tumbadoras représente ici, métaphoriquement, le pouvoir de la rumba véhiculant un certain sens de la communauté vaste et unificatrice. La spontanéité, réelle ou prétendue, de l’image fait que, loin d’être statique, elle projette un certain dynamisme qui invite à la participation : les tumbadoras sonnent au rythme de la clave, jouées par un des membres du groupe, tandis que le reste des musiciens frappent des mains ou rient tout simplement.
Cette image synthétise, à mon avis, la relation symbiotique complexe que les deux styles, timba et rumba, entretiennent entre eux. [9] Equivoque si elle en est, l’image recueille à la perfection la tension entre la tradition et la modernité, c’est-à-dire, entre les mouvements de continuité et de rupture, tandis qu’elle interroge les limites qui séparent, d’une part, le monde de la rumba et, d’autre part, l’univers récemment créé de la Timba. Les déclarations suivantes d’Issac Delgado, qui a été le chanteur de NG la Banda dans cet album, renforcent cette idée, tandis qu’elles approfondissent un peu plus la relation complexe entre la Timba et la Rumba : On parle aujourd’hui de Timba comme d’un nouveau rythme ou d’une tendance de notre musique populaire contemporaine, quand réellement depuis les temps anciens, les rumberos se réunissaient pour danser, parler, sentir (…) et depuis lors ceux qui « chantaient et dansaient » le mieux étaient les timberos, les vrais timberos. (Delgado 2001. L’emphase c’est de moi).
Quels liens existent donc entre la Timba et la rumba ? Quels processus d’appropriation ont eu lieu entre les deux styles ? J’aimerais me concentrer sur trois aspects. D’une part, l’appropriation par la Timba de l’espace physique et symbolique de la rumba, c’est-à-dire, du Solar. D’autre part, comment la Timba récupère la musique comme outil de dénonciation et comment rend au musicien sa fonction de chroniqueur social, à travers l’emphase qu’il porte a ce qui est relatif au quotidien. Tous ces éléments étaient présents dans le rôle que la rumba jouait dans le Cuba prérévolutionnaire. Et finalement, de quelle manière la Timba rassemble quelques éléments musicaux de la rumba et les incorpore dans son style compositionnel propre.
Le son des quartiers
Si nous revenons à nouveau à l’image à laquelle nous faisions allusion précédemment, nous pouvons apprécier comme le titre lui-même du disque, ‘En La Calle’ (‘Dans la rue’), ne fait qu’aboutir à ce qui est évident : un regard perspicace n’est pas nécessaire pour vérifier que, effectivement, les musiciens sont photographiés « dans la rue », et non ailleurs. Toutefois, le titre peut être lu au-delà du plan descriptif comme une prise de position, laquelle prend un sens, à mon avis, à la lumière de la distinction historique qui identifiait la rumba comme une musique de la rue, ce qui est la même chose de dire une musique subalterne ou marginale, et qui l’opposait à une autre musique populaire qui était interprétée dans les salons de danse. L’appropriation de la rumba par l’État après le triomphe révolutionnaire, résulta en ce que la Timba, durant les années quatre-vingt-dix, vint réclamer l’héritage de cet espace
L’approche de NG La Banda pour aborder cette distinction rigide et pour occuper l’espace de la rue, n’est pas resté, toutefois, dans une simple déclaration d’intentions, mais, au contraire, ce groupe a entrepris une tournée pour apporter son projet musical, la Timba, à des quartiers et des communes qui se trouvaient hors des circuits habituels de diffusion de la musique dansante, ce qui a constitué un fait sans précédent dans l’histoire de la musique populaire cubaine. [10]. En outre les noms des quartiers sont entrés en force comme partie intégrante de leurs chansons. Sans aller plus loin, la chanson « La Expresiva » (Cortès 1992) nous est présentée comme « l’hommage de NG La Banda à tous les quartiers de La Havane », lesquels sont dépeints à travers une succession de refrains qui font appel directement aux habitants de chacun de ces quartiers. Ces allusions continuelles aux quartiers de La Havane par les orchestres timberos contribuent à rendre propice une certaine rivalité entre les danseurs des différentes communes constituant la ville de La Havane (cf. Mastro 2004), tandis qu’ils fixent l’identité de la Timba comme une musique éminemment originaire de La Havane.
Dans ses origines, l’espace propre de la rumba était circonscrit au Solar. Étymologiquement, le mot « Timba lui-même » nous resitue immédiatement à ces cours intérieures, dans lesquelles il était utilisé comme synonyme de rumba, de festivité, et où on s’exclamait généralement « la Timba est bonne! » pour décrire ce que les musiciens, les chanteurs et les danseurs faisaient de bon, ainsi que pour qualifier le niveau de ‘sabrosura’ (NDLT : saveur, jouissance, extase) de la festivité. De cette manière, la Timba va revendiquer le Solar comme son espace naturel, bien que son espace réel soit un autre. Je crois que nous pouvons distinguer deux dimensions superposées en ce sens. La Timba s’approprie le Solar, comme espace émotionnel, un espace de la mémoire affective visant à la relier avec les racines d’une certaine tradition, fondamentalement celle de la population afro-cubaine qui vit dans la ville. Toutefois, l’espace réel de la Timba, le paysage de ses chansons et celui du public auquel il s’adresse, est celui du quartier. Il se crée, de cette manière, entre ces deux types urbains, la rumba et la Timba, un intéressant jeu de différence et une dissimulation. La Timba ouvre les limites du Solar au quartier, mais elle s’adresse à celui-ci comme si il s’agissait de l’ancien Solar rumbero.
Un bon exemple de cette superposition d’espaces nous le trouvons dans l’un des sujets d’un autre travail précoce de NG La Banda, ‘No se puede tapar el sol’ (‘on ne peut pas couvrir le soleil’ Cortès 1990), « Los Sitios entero ». « Los Sitios » est le nom d’un des quartiers qui appartient à la commune populaire de Centro Habana. Quartier populaire, de classe humble, connu comme étant le berceau de rumberos célèbres, » Los Sitios entero » passe pour être, par essence, une chanson en hommage à ce lieu. La chanson commence directement avec le refrain, utilisant un procédé appelée ‘ataque por el estribillo’ (‘attaque par refrain’ López Blanc 2004:2), refrain qui sera répété tout au long de la composition :
Coro: Nací en La Habana
soy habanero.
Jesús María, Belén
y Los Sitios entero.
Refrain: Je suis né à La Havane
je suis havanais.
de Jesús María, de Belén
et de Los Sitios en entier.
Sur ce dernier refrain, le soliste va développe le sujet, et en l’occurrence, par une succession de « guias » (d’appels) qu’ils chantent à la gloire de la ‘sabrosura’ (le charme, l’ambiance, la folie) du quartier et à leur idiosyncrasie (*) particulière. Dans le refrain lui-même on apprécie déjà la superposition de deux espaces, celui de la ville et celui du quartier, lesquels constituent, comme nous avons indiqué, l’espace réel de la Timba.
(*) En philosophie, l’idiosyncrasie est un ensemble de particularités et de traits de caractères propre à chaque individu, qui représente ce qu’il est en tant qu’être conscient, ce qui définit son ontologie.
Un de ces « guias », au milieu de la composition, prépare le changement qui fera place à la partie centrale de la chanson. L’allusion directe à la rumba, au « rumbón », avance ce qui reste à venir :
Guía: Los Sitios me está esperando
para tocar un rumbón,
y cuando suena la clave
me palpita el corazón.
¡Te digo, rumbero!
Appel: Los Sitios m’attendent
pour jouer un rumbón,
et dès que sonne la clave
mon cœur palpite.
Je te le dis, rumbero!
Un break prolongé de la batterie marque l’entrée des Metales (cuivres), et après un peu de ceux-ci puis une marche isolée de la campana (cloche : percussion latine), « on attaque » la rumba. Le Solar est incarné alors dans la forme d’un guaguancó, interprété dans sa manière traditionnelle – avec seulement la percussion et la voix -, et c’est à partir de là que le chanteur entonne sa chanson d’hommage particulier à Los Sitios :
Guía: Pretendo con esta rumba
homenajear a Los Sitios,
que es un barrio…
le-le-le-lele-lelelé, ¡güiro!
bien bonito.
Appel: Je prétend avec cette rumba
faire hommage à Los Sitios,
qui est un quartier…
le-le-le-lele-lelelé, ¡güiro!
bien beau.
Dans le contexte de la composition, la rumba fonctionne ici comme une métonymie (**) du Solar, en ce sens que c’est depuis ce Solar ‘recréé’ musicalement qu’est interpellé le quartier, et depuis celui-ci qu’est interpellé la ville, « La Habana entera » (« à La Havane en entier »). Il conviendrait de demander, alors, si le rôle que le Solar accomplissait dans la rumba, – en tant qu’espace vécu, l’espace de vie et d’expérience vécue- est le même rôle que le « quartier » joue maintenant dans la Timba ; ou si, au contraire, c’est plutôt à travers la Timba que les quartiers se vengent de ceux qui veulent les renier – hôtels, moyens de communication, autorités – et conquièrent, de cette manière, ainsi ces espaces interdits – les cabarets, la radio ou le marché d’exportation prioritaire, entre autres.
(**) La métonymie en philosophie est la substitution d’un concept par un autre par correspondance logique. Il s’agit d’un type de métaphore substituant un sens par un autre lie par une relation déterminée : cause et conséquence, contenant et contenu, entité et symbole, auteur et œuvre, etc.
« Le Cuba réel »
La présence du quartier conditionne nécessairement la thématique de la Timba, la même manière que le Solar a conditionné en son temps l’univers référentiel de la rumba. Malheureusement, rares sont les documents sonores ou visuels qui nous permettent de savoir comment sonnait la rumba ou comment on dansait ces rumbas de Solar aux débuts du XXème siècle. La bibliographie secondaire nous offre, pour sa part, une image de la rumba selon laquelle celle-ci fonctionnait à cette époque comme « un moyen d’expression publique de ceux qui manquaient de moyens de représentation » (Moore 2002:213). Ses textes parlaient non seulement de ce qui arrivait à l’intérieur du Solar, mais aussi on y discutait aussi de sujets politiques, ou bien on y critiquait l’oppression et les mauvais traitements infligés à la population noire en particulier, et cubaine en général, par les Etats-Unis ou par le gouvernement cubain de l’époque, à une époque où la rumba, tout comme d’autres manifestations artistiques afro-cubaines, étaient réprimées et étaient censurées par le pouvoir en place. [11]
Après le triomphe de la Révolution en1959, de profondes transformations sociales se sont produites, dans le but de déraciner les structures néo-colonialistes qui régnaient encore au sein de la société cubaine. Ceci a supposé l’élévation du statut du folklore, et sa reconnaissance comme partie intégrante de la culture nationale, grâce à laquelle, selon les termes du musicologue cubain Argeliers Leon, la rumba a cessé d’être, durant ces années, « de la musique d’un seul partie de la population pour constituer une expression généralisée de ce qui est profondément cubain » (Leon 1981:141. Mon emphase). La rumba se transforme ainsi en un symbole culturel, acquiert le statut de danse nationale et se « folklorise », à travers la professionnalisation de ses interprètes, la création de compagnies de danse et les centres d’enseignement, ainsi que par la prolifération d’espaces publics pour sa représentation. On a désamorcé ainsi le potentiel de critique sociale inhérente à la rumba, bien que dans la mémoire collective, la rumba soit chargée de connotations ethniques, tant positives que négatives, comme la musique des noirs, et assimilée à des valeurs de marginalité et de protestation. [12]
La timba, pendant les années de la « Période Spéciale », va récupérer cette valeur potentiellement critique de la rumba, et reprend le quotidien comme source d’inspiration, en délaissant pour cela les artifices rhétoriques sophistiqués et en rétablissant un langage « de vérité ». J’en veut pour preuve certaines des compositions de NG La Banda, ainsi que d’autres groupes plus jeunes, comme la Charanga Habanera ou « El Medico de la Salsa », pour en citer certains. [13] Outre les changements dans le langage, – donné pour vulgaire, violent, machiste ou grossièrement argotique (chabacano) -, la Timba met sur la table des sujets qui s’avèrent délicats et que, pour différentes raisons, la censure officielle occulte ou ne permet pas d’aborder ouvertement. Tel est le cas des cultes afro-cubains, qui occupent une place importante dans l’univers thématique de certains des orchestres timberos les plus populaires. Des compositions comme « Santa Palabra » (Cortès 1995), traitent ouvertement de la problématique qui entoure ces cultes et traitent des instances officielles qui ont censuré ou ont interdit ces pratiques à certains moments de l’histoire.
Dans d’autres cas, les musiciens recourent à l’allégorie, comme ressource littéraire pour se référer à la situation sociopolitique difficile du moment, comme dans le cas du refrain suivant, popularisé au début des 90 :
Coro: No se puede tapar
el sol con un dedo
la verdad es la verdad,
mala cara no quiero (Cortés 1990)
Refrain:
On ne peut pas recouvrir
Le soleil avec un seul doigt
La vérité est la vérité,
Je ne veux pas de mauvaise mine (Cortés 1990)
(NDLT : a mal tiempo buena cara : contre mauvaise fortune bon cœur)
Mais parfois, les musiciens ne sont pas aussi métaphoriques. Dans cet autre refrain du chanteur Paulito FG, la critique de la demande constante de sacrifice par l’appareil étatique est assez explicite,
Coro: San Dame y San Dame…
Guía: Claro.
Coro: y ¿San Toma dónde está?
Guía: si todo no es recibir,
hay que dar a los demás… ¡también! (Fernández Gallo 1997)
Coro: Saint Donne Moi et Saint Donne Moi…
Guía: Bien sur.
Coro: et Saint Thomas, ou es tu ?
Guía: S’il s’agit de ne rien recevoir,
Il faut bien en donner encore plus… Encore! (Fernández Gallo 1997)
Souvent, la musique elle-même se présente comme une des voies possibles d’échappatoire ou l’ »antidote » devant le manque d’opportunités et devant un futur incertain. Il suffit de prendre comme exemple ce refrain d’un autre succès de la première époque de NG La Banda :
Guía: Si no bailan con NG La Banda
Seguro que el sol no les da
Así que…escucha comodice:
Coro: Ni el sol te da
Guía:Si tú no bailas conmigo… (Cortés 1992)
Guía: S’ils ne dansent pas avec NG La Banda
C’est sur que le soleil ne lui apporte rien
Ainsi écoute comment on dit :
Coro: Le soleil ne te donne rien
Guía:Si tu ne danses pas avec moi… (Cortés 1992)
Avec ces sujets, les paroles de la Timba abordent aussi d’autres sujets épineux qui sont consubstantiels à la vie de la « Période Spéciale » : la prostitution (cf. Neustadt 2002 et Perna 2003), les nouveaux styles de vie, la culture de la consommation, les inégalités, la promiscuité, la tromperie en amour, etc. (cf. López Blanc 2004). Ils le font outre d’une manière directe et explicite, si bien qu’il ne fut pas surprenant que la Timba fusse accusée, en général, de grossièreté (chabacanería) et de vulgarité. De fait, il s’avère très significatif que la même accusation de vulgarité, qui a été attribuée en son temps à la rumba prérévolutionnaire, ait été utilisée durant les années 90 par quelques prises de positions du discours musicologique cubain et par d’autres instances à caractère officiel, pour délégitimer la Timba, non seulement sur la base des contenus de ses textes mais aussi à cause de sa danse, effrontément provoquante et explicite [14]. À propos des critiques versées sur les paroles de ses chansons, José Luis Cortès, dit « Le Grossier » (El Tosco), leader et fondateur de NG la Banda, s’est défendu en affirmant que :
las élites ignoran la dura realidad cotidiana de la vida en la isla. Nosotros somos cubanos y en nuestras canciones hablamos de la Cuba real (citado en Cantor 1999).
les élites ignorent la dure réalité de la vie quotidienne dans l’île. Nous sommes cubains et dans nos chansons nous parlons du Cuba réel (cité dans Chanteur 1999).
De cette manière, avec un point de vue sur les affaires du quartier, la Timba rend au musicien sa fonction de chroniqueur social, et à la musique son role d’outil de dénonciation, en occupant le poste qu’une rumba, une fois officialisée, avait perdu.
“La Clave de rumba, avec la guapería rumbera”
La Clave de Rumba avec l’agressivité rumbera
Si la volonté d’appropriation de l’espace paraît claire ; si les paroles essayent de reprendre les fonctions les plus critiques de la rumba, du point de vue sonore l’appropriation par la Timba d’éléments musicaux propres à la rumba s’avère également évidente. Je me référerai brièvement à trois d’entre eux que je considère dignes d’intérêt.
D’abord, il s’agit d’indiquer comment, la Timba adopte comme Clave de référence la Clave de rumba, face à la tradition de la musique populaire dansante cubaine qui est encadrée dans le complexe générique du Son. De manière significative, le producteur de musique cubaine Ned Sublette s’est référé à la Timba comme « clave de rumba, avec guapería rumbera » (Sublette 2001). Du point de vue compositionnel, ce choix fournit une plus grande liberté pour l’improvisation et la sophistication de la section rythmique des orchestres timberos, en l’approchant de l’esprit propre de la rumba, ce qui s’est traduit par des orchestrations chargées et une sonorité complexe, avec une grande emphase sur tout ce qui est percussif. D’autre part, la clave de rumba, aussi connue (et ce n’est pas un hasard) comme « clave cubana », articule un fort ressenti de cubanidad (‘Cubanité’), grâce à sa cadence caractéristique, qui nous transporte immédiatement à l’imaginaire de la rumba, « l’expression la plus pure de la cubanía » (Linares 2001). La cubanidad à laquelle se réfère la Timba est, en tout cas, une identité qui – contrairement à leur parent mulâtre, le Son – est construite sur la base de l’affirmation de la fierté de être afro-cubain (noir), à partir, entre autres, de son identification à des styles musicaux associés avec ce qui est ‘black’ comme la rumba.
Mais, l’appropriation que la Timba fait des caractéristiques musicales de la rumba est encore plus évidente dans l’importance que toutes les deux accordent au choeur ou au refrain, comme élément sur lequel se structure la composition. [15 ] Dans le cas de la rumba, la section de chœur (coro) – réponse marque le moment culminant de la performance, un moment de grande énergie, quand la rumba explose et entame un dialogue intense entre le chanteur soliste, le choeur et le ‘quinto’ (percussionniste soliste), et auquel participent les danseurs et le public. Dans la Timba, pour sa part, le chœur (coro) se transforme en » corpus essentiel de l’oeuvre » (Elis et Alfonso 1999). Cette appréciation est renforcée par Juan Formell, un des compositeurs actuels les plus prolixes que la musique dansante cubaine, pour lequel « la qualité du refrain est celle qui décide du succès d’un morceau dansant » (cité dans Padron 1998:34). Le poids spécifique de cette section est important dans la composition, au point que fréquemment elle se transforme en une succession de ’coros’. Le montuno est généralement aussi l’espace réservé pour l’improvisation, il s’ensuit que, en live, les morceaux se rallongent ad infinitum selon l’inspiration du chanteur, celui-là même qui improvise les « guias » entre coro et coro, et entre les réponses que celui-ci reçoit du public à ses appels.
Musicalement, le montuno se caractérise par la répétition des cycles harmoniques et la récidive du tumbao du piano, par de fréquents changements tempo et d’une plus grande présence de tout ce qui contribue à la production de cet accroissement progressif de l’intensité musicale par des breaks (bloques). C’est aussi le moment où la danse atteint son apogée, son intensité maximale. Les mouvements des danseurs sont exacerbés au rythme de la musique et commence ce que l’on appelle le « despelote » : une succession de mouvements vertigineux, ouvertement sexuels et aux noms aussi figuratifs qu’expressifs que sont « le tembleque » (le tremblement) ou « la batidora » (le mixeur). Les musiciens interpellent alors les danseurs en utilisant des coros au langage simple, direct, trivial, habituellement à la seconde personne du singulier. De cette manière, l’auditoire qui fait sien le coro et la voix individuelle du compositeur se sont transformés en une voix collective comme une expression communautaire, processus qui atteint son paroxysme dans le « despelote » que nous décrivions il y a un moment. Les danseurs commencent ainsi à faire partie de l’univers des sens de la musique et, de cette manière, le montuno peut être considéré comme le moment de communion authentique entre le groupe et le public.
L’appropriation par la Timba d’éléments musicaux propres à la rumba atteindra, en tout cas, son expression la plus claire quand la rumba sera incorporée telle quelle dans les compositions de Timba. Parfois elle apparaît comme introduction, en situant l’atmosphère du sujet (« El Tragico », Cortes 1995) ; d’autres fois, elle acquiert le statut de section indépendante dans la composition, comme nous avons vu dans le cas « Los Sitios entero » ; ou bien, elle est incorporée dans les arrangements et dans l’orchestration de la composition timbera, sans que sa structure cesse d’être parfaitement reconnaissable (« De La Habana » de Paulito Fernández Gallo 1997). On révèle ainsi l’intention d’appropriation par la Timba, durant les années de la « Période Spéciale », du potentiel symbolique – critique, consolidateur d’identités, etc. – qui avait été traditionnellement associé à la rumba de Solar du Cuba prérévolutionnaire.
Conclusion
Considérer la Timba comme le développement naturel de la tradition de musique dansante cubaine est, je crois, une simplification de la signification culturelle et sociale de ce genre musical. En ce sens, analyser les relations entre la Timba et la tradition musicale cubaine, spécialement la rumba, depuis ce que j’ai appelé « appropriation de l’intérieur » révèle une complexité de relations qu’un autre type d’analyse oublie. En s’identifiant au monde de la rumba, les groupes timberos retournent au Solar comme source d’inspiration, récupèrent la fonction du musicien comme chroniqueur social et de la musique comme outil de dénonciation, en re-actualisant de cette manière les valeurs propres de la rumba avant que celle-ci n’ait été incorporée au discours officiel et par conséquent coupées ses possibilités comme agent d’agitation sociale. La Timba est fixée dans la tradition, choisit entre les possibilités qu’elle lui offre, et s’approprie le sens original de la rumba et offre, de cette manière, un espace alternatif pour penser la réalité cubaine, en proposant de nouvelles lectures du sens Communauté et « Cubanidad ».
Notes
1- Ce travail a été effectué tandis qu’il jouissait d’une bourse de Formation du Professorat Universitaire, du Ministère l’Éducation et de la Science (AP2002-0142). Une première version de ce dernier a été présentée sous forme de communication dans le VIII Congrès de la Société Ibérienne d’Etnomusicología (SiBE) A celui qui appartient la musique ? La musique comme patrimoine et comme culture (Saragosse, 25-28de marzode 2004). Je remercie à Josep Martí pour commentaires précieux sur cette première version. La même manière, je m’aimerais montrer mon remerciement à Rubén López Blanc par les suggestions et les commentaires à cette nouvelle version, qui sans doute l’ont notamment enrichie. Gerardo de Crémone m’a offert son hospitalité et amitié, en créant les conditions nécessaires pour pouvoir armer ce texte à des moments difficiles pour moi. Ma gratitude aussi vers él.[§]
2-« Superfinos negros », del disco Habana Blues B.S.O. Dro East West. 2005.[§]
3-Entre les mesures adoptées pour pallier la crise on peut souligner l’ouverture de certains secteurs de l’économie nationale à l’investissement étranger, l’expansion de l’industrie touristique, la légalisation timide de l’emploi d’indépendant, la libre circulation du dollar ou la création de marchés agricoles. Pour une analyse plus détaillée des implications économiques, politiques et sociales « de la Période Especial »cf. Moreno (1998).[§]
4-Quelques travaux qui offrent une caractérisation générale de la timba sont l’article des musicologues cubains Beau González et Casanella Cué (2003), la monographie excellente de Perna (2003), ou l’introduction concise au travail de López Blanc (2004). Pour une discussion sur les définitions emic et etic de la timba cf. Sánchez (2001).[§]
5-source http://www.wim-wenders.com/art/buenavistasocialclub.htm[date de consultation, septembre 2005][§]
6-Pour une analyse de ce disque par rapport à ses implications en termes d’ethnicité cf. Perna (2002).[§]
7-L’image objet de la discussion correspond a la couverture de l’édition que, sous le nom de ‘En La Calle’, la compagnie discographique américaine Qbadisc a lancé en format CD durant l’année 1992. Dans ce CD on a rassemblé des thèmes des deux premiers albums de NG La Banda (En La Calle et No Se Puede Tapr El Sol). La couverture de l’édition originale du vinyle « En La Calle » (EGREM, 1989) est composé seulement du nom du groupe, dans de grandes lettres oranges, et le titre du disque, en noir et dans la partie inférieure, sur un fonds blanc, conception sobre qui est partagée avec d’autres 33 tours publiés par le label discographique cubain à cette époque. L’image qui illustre la couverture de l’édition de Qbadisc est, en tout cas, une photographie professionnelle, avec une mise en scène parfaitement prévue, dans laquelle les musiciens posent d’une certaine manière, et qui n’est absolument pas accidentelle. Cette circonstance, pertinente, à mon avis, soutient l’argument que je prétends exposer. Je remercie à Kevin Moore, comme éditeur du portail Internet timba.com, pour l’information offerte sur l’origine de l’image de couverture de ‘En La Calle’.[§]
8-Le complexe de la rumba est composé de trois parties qui possèdent des caractéristiques propres. Le yambú, une partie lente de la rumba, dont la danse marque un mouvement pelvien de possession et dans lequel les danseurs imitent les mouvements difficiles d’une personne âgée. Le guaguancó est la modalité la plus connue. Plus rapide que le yambú, le couple de danseurs développe un jeu attraction et rejet qui aboutit au vacunao, c’est-à-dire avec la possession symbolique de l’homme sur la femme. Finalement, la Colombia dévoile la chorégraphie la plus acrobatique. Dansée seulement par des hommes, le rythme de cette variante est rapide et entrecoupé.[§]
9-Bien que ce travail vise à analyser les emprunts de la Timba sur la rumba, un aspect non moins intéressant que cette relation impliquerait d’aborder ce qu’a signifié, pour la rumba de des 90, l’irruption de la Timba dans la scène musicale cubaine dans ces années-là.[§]
10-Il convient de souligner comment cette initiative s’est ensuite cristallisée, peu après, dans un circuit stable de musique populaire dansante qui a permis aux orchestres plus jeunes d’apporter leurs projets musicaux à un public qu’ils n’auraient pas pu approcher avec facilité, d’une autre manière, en faisant des concerts dans des espaces normalement dédiés au tourisme. Il est aussi intéressant de noter comment, tandis que ceci arrivait, les groupes timberos ont porté « le barrio » et toute sa problématique, au coeur de la scène musicale habanera émergente, concentrée dans des hôtels exclusifs et les établissements visant au tourisme international (Perna 2002:216), lieux où curieusement, les destinataires de ces chansons, les gens du quartier, avaient un accès restreint.[§]
11-Un rumbero singulier de cette époque, Gonzalo Asensio, davantage connu comme Oncle Tom, reflète de manière exemplaire certains de ces événements dans les paroles des rumbas. Prenez comme exemple le guaguancó suivant, dans lequel il dénonce l’outrage au drapeau cubain par des Marins américains : « Entendez Monsieur le président/je veux savoir ton avis/sur la réclamation/qu’a présenté ce cubain/contre ces Américains/qui sont venus depuis l’étranger/renverser le drapeau/de notre sol cubain » (cité en Acosta 1991).[§]
12-Sur le sujet rumba et ethnicité cf. Moore (2002)
13-Les exemples sont innombrables, il suffit d’aller à la discographie de chacun des groupes mentionnés. Des chansons comme « El Tragico », « Chronique sociale » ou « Picadillo de Soya », toutes de NG La Banda, constituent une excellente galerie de personnages et de situations tellement crûment quotidiennes dans la vie de la « Période Spéciale » qu’elles finissent par apparaître irréelles.[§]
14-Un bon exemple de ce discours accusatoire vers la timba nous pouvons le trouver en Casanellas (1999).[§]
15-Cette section est connue comme montuno, et ainsi je me référerai à elle a partir d’ici et plus en avant.[§]
16-Le Solar est un lotissement, un ensemble d’habitations ou d’appartements minuscules, généralement construits ou réaménagés autour d’une cour intérieure, où s’entasse une population modeste, souvent noire. Il s’y crée une communauté de vie du fait de la promiscuité où les gens se retrouvent pour tout mais surtout pour faire la fête. Il existait des Solars où de nombreux artistes vivaient en communauté dont le célèbre Solar de La California (Centro Habana) chanté par Issac Delgado :
Donde vive un ingeniero, un constructor
Un ecobio y un doctor, un obrero
Donde sube y baja el dólar
Se venden los cucuruchos, se hacen los pues y las manos
Se hace el amor en colores
Se hacen primos, hermanos, que son buenos
Y de segunda mano tambien
Bibliographie
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- CASANELLAS, Liliana. 1999. “Textos para bailar. ¿Una polémica actual?”. Salsa Cubana 7-8:12-15.
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- ELI, Victoria y Alfonso, Mª A. 1999. La música entre Cuba y España: Tradición e innovación. Madrid: Autor.
- FELD, Steven. 1994. »Notes on World Beat »
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