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L’arrivée d’un nouvel album de celui qu’on surnomme El Chevere de la salsa
méritait forcément un article dans nos colonnes .

Mais sans pour autant dévoiler un verdict couru d’avance, l’exceptionnelle teneur de ce nouvel opus méritait bien mieux qu’une seule chronique !

C’est pourquoi nous avons décidés de vous livrer , Jack et moi-même, non pas un, mais deux articles pour célébrer cet artiste que nous affectionnons tout particulièrement et qui a une place à part dans le paysage musical cubain .

Mais avant de parcourir ce nouvel album, un petit rappel s’impose pour les lecteurs qui auraient ratés certains épisodes et que nous avions déjà évoqués dans le forum de Fiesta Cubana .

Fin 2006: Alors que des rumeurs circulaient ici et là sur la sortie d’un nouvel album d’Issac ainsi qu’une tournée en Europe prévue pour l’été 2007, une autre rumeur , moins artistique , évoquait son hypothétique exil de Cuba pour les US .

Et cette rumeur s’est rapidement confirmée ,avec dans la foulée l’annonce d’un nouvel album sous la houlette de Sergio George, grand manitou des studios et productions salsa US ( DLG, Victor Manuelle, etc…) ce qui a bien sûr interpellé et inquiété un certain nombre d’Issac addict… (pas vraiment en fait..).

Et voici donc que débarque cette nouvelle et très attendue production du maitre du swing vocal cubain pour laquelle j’ouvre le bal des mots.

En primera plana, vu par Timbalero

– Sir George: Bon Issac, je te propose un deal.
– Issac : Vas y , je t’écoute.
– Sir George: Voilà, je produis ton album si en contre partie tu acceptes de pousser la chansonnette avec Victor Manuelle sur un titre et avec Fragancia sur un autre.
– Issac: Je n’ai pas vraiment le choix, si ?
– Sir George: C’est dans ton intérêt, crois moi . Pour le reste de l’album tu as carte blanche.
– Issac: Ok, va pour placer un ou deux « Chevere » aux cotés de Victor.

Voici une libre interprétation personnelle des échanges totalement imaginaires à l’origine de ce projet et de cette collaboration peu commune entre le timbero-salsero-rumbero Issac Delgado et le producteur inspiré Sergio George.

Et c’est donc avec cette collaboration et ce titre avec Victor Manuelle ; « La mujer que mas te duele », que démarre cet album.

Ce titre fonctionne parfaitement dans le registre salsa romantica et aurait pu tout aussi bien figurer sur un album del Sonero de la Juventud .

La référence au décès de la mère d’Issac ne fait aucun doute même si elle n’est pas clairement exprimée dans le texte. A propos de ce décès , dans les notes de l’album, Issac déclare : « Con el permiso de todos, en homenaje posturno a mi madre »…, Issac reste humble et n’impose rien, pas même sa peine…

Mais c’est sur le deuxième titre que les choses se gâtent sérieusement avec l’arrivée du « Medley » que je qualifierai de rappel biographique musical , rappel d’une déjà longue carrière.

Quelques notes de saxo et ce sont les premières mesures délicieuses de « Necesito un amiga » ( 1990 : « En la calle » ), un morceau essentiel de la carrière d’Issac, lorsqu’il démarrait avec NG la Banda, à l’époque où José Luis Cortès consolidait les bases de la Timba.

Viens ensuite « Que te pasa loco » (1993 : Con Ganas), titre composé par José Luis Cortés lui même et qui n’a pris aucune ride (qui reste d’ailleurs un de mes titres fétiches d’Issac).

Puis à 3 :20, le ciel vous tombe littéralement sur la tête sous une pluie battante de cuivres avec l’arrivée de « No me mires a los ojos » , titre composé par Giraldo Piloto (leader de Klimax) et où le pianiste et fils prodigue Issac Delgado Jr reproduit fidèlement le tumbao originel d’Ivan Melon.

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Ce titre sera d’ailleurs la valeur sûre de ses concerts , durant lesquels se mesure pleinement l’exigence , la rigueur musicale et la générosité de ce « crooner » à la sauce cubaine.

Et pour couronner le tout, un second break introduit « La formula », son hit de l’an 2000 qui termine ce medley euphorisant sur un nouveau coro :
Que no hay ma‘ na’, lo dice la farandula !

Chapitre 3 : « Soñé / La campaña »

Les deux titres du groupe de reggaeton cubain Gente d’Zona sont compactés et présentés ici sous leur format salsa façon Sergio George .

Issac qui swingue, épaulé par des breaks réglés au millimètre, des coros puissants et Fragancia (ex-DLG) qui délivre ici la juste dose de reggaeton, font de ce morceau le plus dancefloor de l’album et fera sans aucun doute les beaux jours des pistes de France, de Navarre, et d’ailleurs (et d’Alsace bien entendu !)

Ay por Dios, ay por Dios, si a la niña le gustan los feos no digan que no.

« Cemento, Ladrillo y Arena » :

Issac , on le sait , est attaché à la musique cubaine , à toutes les musiques cubaines ,et il le prouve une fois de plus avec ce « son- cha », prétexte musical pour réunir trois artistes de 1ère classe dans une succession de solos :

– l’immense Cachao à la basse ,
– le piano jazzy de Gonzalo Rubalcaba ( fidèle compagnon musical des premières heures : Son de Cuba a Puerto Rico sur l’album Con Ganas, c’était lui !! ) ,
– et encore une belle démonstration du maitre conguero Giovanni Hidalgo ( le portoricain aux 8 bras tellement il est veloce le bougre !! ).

Plus qu’un morceau All Stars inutile et opportuniste, ce titre confirme une fois de plus combien Issac met en valeur les musiciens qui l’accompagnent et le résultat est tout simplement parfait, le tout une fois de plus mis en avant par une production impeccable .

Et on repart de plus belle en trombe (-one, ou plutôt en trompettes ) avec « Vengo Venenoso » , où Issac va encore une fois chercher une mélodie qui vous secoue les tripes sans vous lâcher une seule seconde.

Cette mélodie, cette voix, sur les premières mesures sont encore une fois à tomber par terre :

Sin saber no sé por qué te encuentro ahora
No sé por qué, tù te cruzaste en mi camino
Es un peligro este querer, no es una broma
Que son tus besos lo mejor que he conocido

Mais la cerise sur le gâteau apparait à 1mn40, quand débarque par surprise un passage rumba jubilatoire .

Cette touche guaguanco est légère mais suffit à donner à ce titre sa légitimité musicale, son authenticité et à nous rassurer une fois de plus sur la projection artistique d’El Chevere, restée intacte au-delà des étiquettes ,des frontières ou des contraintes de marché.

Quelque soit son pays de résidence, Issac reste rumbero.
Alors quoi de plus normal que de finir sur un rythme 6/8 :

Este año yo vengo acabando .
A ti te canto esta rumba oyé !!
Porqué tengo un swing sabroso ! ( C’est Issac qui parle le mieux d’Issac ).

« Paquito Va »: arrêt sur image.

Sans doute le titre le plus impliqué de cet album, le seul d’ailleurs qu’il ait co-écrit .
Il règne un parfum de Ruben Blades sur ce titre, que ce soit dans sa structure musicale, métissée autour de la Murga , de la Cumbia et de la Salsa que dans les textes.

On y perçoit cette même joyeuse-mélancolie pour rendre hommage au peuple latino d’où qu’il soit et surtout où qu’il aille.
On peut s’interroger sur la volonté d’Issac sur ce titre de parler de son propre exil, à mots couverts et avec la pudeur qu’on lui connait .
Paquito est Issac. Issac est Paquito…

« No lo defiendo pero es verdad,
la gente sufre con lo que él goza.
Es que él no puede hacer otra cosa
y eso a la gente no le hace mal.
Por eso quiero reflexionar,
siempre es de sabios encontrar razones,
lo ves en fiestas y vacilones, pero tambien lo ves trabajar.

Et malgré cette déchirure (c’est ainsi qu’il décrit son départ de Cuba), Paquito va con alegria, Issac peut avancer malgré tout , en restant un hermano latino, humilde y trabajador .

Et bien qu’il rende hommage aux pays d’ amérique latine en fin de morceau ,c’est bien sur un « CUBA » lâché avec force qu’il termine ce titre sublime.

« En primera plana » :

Sans aucun doute pour moi, LE titre de cet album (ça tombe bien c’est le cas justement ! ).

Encore un morceau pour rassurer les fidèles, c’est du pur Delgado, un départ en douceur, cette voix (et quelle voix nom d’un chauve !!) qui vous emporte dans les hauteurs mais derrière, et sans prévenir, s’installe la rythmique qui va faire décoller le morceau, cette même force tranquille que l’on retrouve chez Manolin El Medico de la salsa . De l’orfèvrerie musicale je vous dis !!!!

Et tout ça, ammené d’un simple mais grisant « Dale Candela ».

Et les textes, comme sur l’ensemble de l’album, sont d’une justesse exemplaire.
Y en el amor como en la ruleta, jugaste al rojo, y te salio el negro .

Tu no eres, noticia de primera plana.
Porqué te fuiste, yo no, yo me quede, guarachando ( Esprit de Manolin y es-tu ?)

« De 2 a 3 » :

Encore un titre Delgadesque, encore une mélodie tranquille, lègère, qui accompagne un crescendo rythmique et des coros qui claquent avec précision !

60 minutos de ilusion, siempre de 2 a 3.

Issac revient avec ses soneos , avec aisance , sans forcer, et donne cette impression qu’il pourrait donner la réplique pendant des heures à son orchestre de pointures.

C’est d’ailleurs encore une fois sur scène qu’il montre cette capacité d’improvisation , quand il emmène des morceaux de 15 minutes avec l’agilité d’une plume sur un rhinocéros lancé à 60 km/h !!!

« Deja esa gente » :

Nous venons à peine de quitter Issac et son 5 à 7 de 2 à 3 musical , que démarre sur les chapeaux de roue , le titre le plus « salsa » de l’album avec une fois de plus cette confrontation habile entre une rythmique soutenue et Issac qui pose ses vers en douceurs, juste ce qu’il faut et au moment où il faut pour succiter l’oreille, pour titiller notre système cardio-vasculaire , pour rester d’autant plus accrocher à sa voix de velours.
Le feu et la glace !

Déjalo, déjalo asi, deja a esa gente, y quiéreme a mi.

« Como se baila se toca »:

Alors, question subsidiaire : Comment terminer un album comme celui là , déjà chargé en morceaux sublimes sans en faire un album salsa trop commercial ,au sens péjoratif du terme…?

…Et bien Issac a une fois de plus trouvé la juste voie (et quelle voix !) , un changuï traditionnel , pour revenir aux fondamentaux et comme pour nous rappeler une fois de plus ce qui pourrait caractériser son travail depuis toutes ces années :
la vérité est dans le mélange ( salsa vous dites ?) , mélange des traditions, des rythmes, mais aussi et surtout mélange des origines sans jamais renier sa cubania !

Et c’est en fade-out , progressivement , que termine ce « como se baila se toca » ,… como se toca se baila….comme si Issac et ses musiciens quittaient tout à coup le studio pour aller jouer dans la rue ….en la calle….et nous laisse avec cette impression d’avoir écouté un seul titre au lieu de 10…

Et c’est à ce moment là que vous êtes pris d’un réflexe humain et normal, appelé le syndrôme du « je n’ai pas bien tout entendu , j’en veux encore » qui consiste à remettre aussitôt le début de l’album.

Soyez rassurés , ce syndrôme est bon pour votre organisme et vous êtes au contraire invités à le transmettre autour de vous.

Mais…vous aller me dire…tu nous bassines avec la qualité musicale de cet album sans parler des musiciens justement, ce n’est pas un peu léger comme approche ?!
Sommes-nous sur le site www.fiestacubana-light.net ??

Pas de panique mes amis, j’y viens justement car ces musiciens méritaient un focus tout particulier .

On démarre par Sergio George , pianiste, arrangeur, producteur , j’en passe et des meilleurs. La garantie d’une production irréprochable, qu’on aime ou qu’on n’aime pas les artistes qu’il produit.

Isaac Delgado Jr : pianiste, fils du père et qui accompagne papa déjà depuis quelques années , notamment sur scène.

Gonzalo Rubalcaba : pianiste , jazzman et compagnon de route d’Issac depuis ses débuts.

Osmani Paredes : Autre pianiste de latin-jazz. Solo sur Como se baila se toca

Alaín Pérez : Bassiste, arrangeur, également timbalero sur le changuï final.
Il est le « son » d’Issac depuis « la primera noche ».

Israel López « Cachao »: la légende de la basse revient ici avec son archer pour un solo sur « Cemento, Ladrillo y Arena »

Dennys Savon alias Papacho : conguero déjà présent sur La formula et également sur le projet solo de Mayito « Llego la hora » (le solo de Negrito Bailador c’était lui ).

Giovanni Hidalgo: maitre des congas estampillé Puerto rico, qu’on ne présente plus également.

Les cuivres :
Dante Vargas, Michael Mossman : trompettes
Alberto Barros: trombones
Felipe Lamoglia, Javier Olivencia: sax

Ahmed Barroso Jr : tres

Et je termine par ceux qui , selon moi, réalisent un travail énorme sur cet album et qui sont pour beaucoup dans la réussite de cet album:

Les chœurs :

Guianko Gómez, Kevin Ceballo, Issac Delgado Jr : énorme travail de ces trois choristes qui font littéralement décoller les morceaux et donnent parfaitement la réplique à Issac.
On connaissait déjà bien sur les talents en solo de Kevin Ceballo mais là avec ce trio de choc …c’est un régal…

Et enfin…et sans bien entendu dénigrer le travail des autres musiciens responsable de la qualité de l’album…je vous prie de bien vouloir faire un triomphe pour Monsieur Percussion , énormissime timbalero devant l’éternel , en provenance directe du Vénézuela et véritable requin de studio , présent sur un nombre incalculable d’albums de ces 15 dernières années (et bien entendu sur Con Ganas d’Issac)….j’ai nommé…LUIS QUINTERO !

La précision dans le jeu par excellence !!
Un seul regret : l’absence d’un vrai solo mais bon, là je ne serais plus là pour vous en parler si ça avait été le cas !!

Issac est à un artiste à part entière, je le disais en préambule, et c’est un immense cadeau qu’il nous fait là.

Sa voix, sa générosité et sa rigueur musical sont restées intactes voir accrues par cet exil ( libérateur ? )

Il ne nous reste plus qu’à attendre de pied ferme l’annonce d’une tournée européenne .

Soyez donc rassurés, ISSAC DELGADO n’a perdu ni sa « formula », ni sa cubania et reste malgré les 90 miles qui le séparent de CUBA…

….El CHEVERE DE LA SALSA…et il n’a pas fini de nous enchanter de sa voix bienveillante.

Sa mère peut être fière de son crooner de fils…(que descanse en paz )

Issac, tu eres noticia de primera plana !

En primera plana, vu par Jack el Calvo

1/ Le contexte :

La nouvelle de l’exil d’Issac à Miami en décembre 2006 avait été (comme beaucoup d’autres exils) un choc… «Quoi ? Issac à Miami ?! Oh non!» Derrière ces mots la crainte de perdre artistiquement un des acteurs majeurs et adulés de la scène cubaine… Que nenni !!!!!

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la fidélité d’Issac à sa musique.

– Tout d’abord, ce n’est pas la première fois qu’Issac enregistre sous l’hégémonie latino aux USA. En effet en 1995, Issac signe avec le producteur vedette du moment Ralph Mercado et fait une grande tournée aux USA.
S’ensuit le fameux « Otra Idea » sous RMM en 1997 puis « Primera noche » en 1998 avant de rentrer finalement à Cuba… Ces productions avaient connu un vif succès et finalement ne décevant pas son public…

– Et comme de fait exprès, il est ici co-produit par un ex producteur de la RMM et ancien proche de Ralph Mercado : le grand pianiste et producteur qu’est Sergio George… On l’aime ou on ne l’aime pas mais ce musico-producteur est un véritable découvreur de talents : D.LG., Frankie Negron, Victor Manuelle, La India (découverte à partager avec Eddie Palmieri!) et les premiers excellents disques de Marc Anthony. Un courant novateur et d’air frais à l’époque…

Un courant que Sergio George nomme « Nueva Generacion ». Novateur par sa sonorité très moderne, ses arrangements particuliers et l’introduction pour la première fois du ragga. Le label Sergio George est alors une garantie d’une qualité de son, de respect de l’artiste et de la mise en avant de ses forces…

– Puis aussi parce que comme il le dit si bien dans son édito, Miami n’est que « el norte de la Habana » !!!! Il y retrouve donc une marmite bouillonnante de musiciens cubains plus talentueux les uns que les autres : l’immense Cachao qu’on en présente plus; le génie pianistique de ses premiers disques et un ami de toujours qui l’a aidé depuis le début de sa carrière : Gonzalo Rubalcaba !!! Et enfin son conguero parti avant lui (en précurseur ?!) à Miami, Papacho !

– Et enfin dernière raison : Issac est depuis ses débuts (après son départ de chez NG la Banda) d’enregistrements solo, fidèle à une sonorité, à une qualité qui n’a jamais trompé son public. Pourquoi commencer maintenant ?!! .

Issac est la garantie d’une qualité d’interprétations et de compositions…

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2/ Le disque :

Issac et Sergio George ont-ils eu un accord secret ? Sergio place deux de « ses artistes » en échange d’une co-production : Victor Manuelle et Fragrancia?! Le nom de Gilberto Santa Rosa avait même circulé…

Et c’est donc ainsi que le disque commence : « La mujer que mas te duele » (Jorge Luis Piloto- Yoel Henriquez) en duo avec Victor Manuelle. Et comme un fait exprès, ce morceau commence avec la voix seule d’Issac… « Oui c’est bien moi qui revient… » Cette chanson est troublante à plusieurs points.

La sonorité du morceau ne trahit pas Issac mais sonne également typiquement Sergio George par les breaks, les arrangements des cuivres et les choeurs. Cette chanson trouble aussi car il faut quand même tendre l’oreille au départ pour se rendre compte que Victor Manuelle commence à chanter…!!

Il me semble qu’il tente de calquer à la voix d’Issac (sans jamais y parvenir…). Ce morceau co-signé par l’incontournable Jorge Luis Piloto (quelle usine à morceaux !!!!) sera ou est déjà pour sûr un tube dans le monde latino…

Puis c’est le moment pour lui d’affirmer aux cubains que son passé n’est pas que du passé mais bien encore présent et futur… Le « Medley » de 4 parmi ses plus belles chansons sont réarrangées par Alain Perez et avec au piano son fils Issac Jr. !

Cela commence par le sublime « Necesito una amiga » (interprétée par Issac à l’époque où il faisait partie d’NG la Banda) avec une intro très belle dans un style smooth jazz saxophone à l’appui et qui prend toute son ampleur dès que la voix d’Issac commence avec « La historia que vivimos… ».

Puis on appréciera la transition avec « Que pasa loco » écrite par… José Luis Cortes (NG La Banda)!! Un des grands tubes d’Issac dont l’esprit est totalement gardé intact. Et que dire de l’autre transition qui me fait vibrer dès qu’elle retentit ?

Une plage de synthé « agressive » pour annoncer une des chansons qu’Issac affectionne particulièrement puisque chaque fois que j’ai pu le voir en concert il l’interprétait… « No me mires a los ojos » composée par son ami et leader actuel de Klimax, Giraldo Piloto, rencontré chez NG la Banda…

Le lien est encore présent !! Puis il termine par son propre morceau « La Formula », réarrangée, modifiée, comme s’il nous transmettait que justement la formule, il l’a toujours…!!
Mais quel plaisir d’entendre ces morceaux raffraîchis même si forcément on trouve que le traitement de chaque thème est trop court !

« Soñé/La campana » : voilà un titre typiquement dans l’esprit de Sergio George. Les morceaux de reggaeton à l’origine « chantés » par le groupe phare actuellement à Cuba, Gente D’Zona.

L’introduction est un réchauffé de D.L.G., mais juste après la rythmique salsa et la voix d’Issac reprennent le dessus ! Fragrancia vient donc ici rapper et les breaks avec le piano sont typiquement ce que l’on peut retrouver par exemple chez Victor Manuelle, ainsi que les arrangements des trombones et des trompettes présents dans toutes les productions de Sergio George…

Pour la première fois, Issac intègre dans ses disques du reggaeton. Un titre très commercial encore une fois formaté idéalement pour fonctionner dans l’intégralité du marché latino…

Le morceau suivant est LE morceau all-stars. En effet « Cemento, ladrillo y arena » (José Antonio Mendez/Andres Echevarria) regroupe l’immense « maestro » contrebassiste Cachao (Cemento!), le grand pianiste Gonzalo Rubalcaba (Ladrillo!) (je conseille d’ailleurs aux amoureux de jazz, son disque solo « Solo » de 2006, magnifique de raffinement et de toucher, disponible chez Blue Note) et le non moins talentueux conguero et élève du grand cubain Changuito : Giovanni Hidalgo (Arena!). (anecdote : Issac lâche un « Aouh » en le présentant qui est le cri de guerre du cubain conguero Tata Güines !).

Chacun y va de son solo et fait de ce morceau un moment de pur bonheur musical. Gonzalo y fait un travail énormissime de raffinement et de travail sur le contretemps…

Cette chanson descarga chachacha est une reprise du guitariste José Antonio Mendez (1927-1989). Là encore Issac affirme haut et fort ses racines…et lâche à la fin lorsque le son baisse « Pa’ la gente de la Habana » !

« Vengo venenoso » est une reprise du grand guitariste compositeur chanteur ex-pilier de Ketama (groupe espagnol) Antonio Carmona. C’est pour moi un excellent titre dont la mélodie nostalgique convient parfaitement à la voix d’Issac. Il y inclut des passages de rumba qui enrichissent la structure musicale du morceau. C’est un très beau morceau…

Mais que dire du suivant ? Obsédant… L’introduction est obsédante et d’une grande beauté. « Paquito va » (Hiram Sanchez/Issac Delgado), seul morceau de l’album co-écrit par Issac est sans aucun une de mes chansons préférées de cet opus.

Une forme de cumbia de Colombie ? De murga de Panama ? Une bomba de Puerto Rico ? Peu importe, ce morceau finit en salsa et peu importe car c’est finalement l’idée, le thème de la chanson : « Paquito va pa’donde quiera !! Pa’ donde quiera que haya un bembé ! Pa’ donde quiere que haya una fiesta!!! »

C’est pour moi le meilleur titre par sa conception et par ses inspirations : comment ne pas penser à Willie Colon, à Ruben Blades et même à Willy Chirino… Et surtout, comment ne pas penser au titre « la Vida es un Carnaval » rendu célèbre par sa tante d’adoption Celia Cruz !!!

Cette dernière avait en effet pour habitude de l’appeler « mi sobrino » (mon neveu)… Et pour Issac, il est normal aujourd’hui de rendre hommage à une artiste et à un être humain (disparu le 16 juillet 2003) qui est pourtant en train de changer le cours de sa vie… Et puis comment ne pas avoir comme Issac la gorge nouée lorsqu’après réciter tous les pays d’Amérique Latine, il lâche un Cuba rempli d’émotions ??!!

« En primera plana » (Gradelio Perez Romero/Alain Perez) qui sert de nom à l’album est un morceau dans la pure lignée des vieux morceaux d’Issac Delgado. Et voilà certainement aussi pourquoi il est mon favori également de l’album…

La présence de Gonzalo Rubalcaba ne fait qu ‘accentuer cette sensation. Le refrain est un pur bonheur et Alain Perez fait à la basse un travail remarquable. Le final avec Issac chantant avec les percussions… Ay mama !!!!!!!! N’oublions pas le clin d’oeil à son ami d’exil Manolin el Medico de la Salsa « Y si te fuiste… »!!

« De 2 a 3 » (Gradelio Perez Romero/Alain Perez): idem que le précédent : tous les ingrédients de la vieille formula d’Issac sont bien encore présents : choeurs, breaks, arrangements cuivres, mélodie… Il saupoudre de références cubaines « Sabrosona » de La Aragon et « Eso que anda » de los Van Van. Très beau morceau qui me laisse cependant sur ma faim : 3’15 !!! C’est court !!!

« Deja esa gente » (Gradelio Perez Romero/Alain Perez): morceau énergique superbe. De l’orfèvre… Les mambos des cuivres est magnifiquement bien écrit.

Issac finit par un changüi traditionnel : « Como se baila, se toca » (Marcelino Ruiz Hipolito). Voilà une grande première pour Issac !! Au tres, le fameux Ahmed Barroso (admirable à la guitare électrique sur les enregistrements des Van Van et de Manolin live à Miami), au piano un solo magnifique de Osmany Paredes et aux Congas un duo Giovanni Hidalgo et son conguero Papacho.

Le Kaleidoscope musical d’Issac prend ainsi fin jusqu’à la prochaine production…

Un hommage au grand Alain Pérez qui est à la co-production (et quelle production mes amis… !), à la basse et a composé trois morceaux. (Alain Pérez, « la Sandunguita », c’est aussi lui qui l’a écrite..)

Et n’oublions pas de citer l’un des deux frères percussionnistes vénézuéliens Luis Quintero (déjà présent sur « Con ganas » de 1992 et sur « Prohibido »), qui a joué avec les plus grosses pointures : Oscar D’ Leon, Tito Puente, Celia Cruz, Eddie Palmieri, Ray Barretto, Cachao, Gato Barbieri, Marc Anthony, Gonzalo Rubalcaba, La India.

Je concluerai en affirmant que ce disque est sans aucun doute l’un de ses plus complets et accomplis à ce jour. Que la production , ce dont souffre la plupart des artistes cubains fait plaisir tant elle est propre et soignée.

Je dirai aussi que cet exil est bon pour lui comme pour nous, car avec un tel disque Issac va pouvoir rayonner de plus belle et de manière plus intense…
Issac a toujours été un événement à part entière et ses disques sont des diamants à stocker dans le coffre de son coeur et de son âme…

Ahora Issac va a ser noticia de primera plana !!!!

ISSAC DELGADO : En Primera Plana (La Calle Records: 2007)

1. La Mujer Que Mas Te Duele
2. Medley
3. Sone/ La Campana
4. Cemento, Ladrillo Y Arena
5. Vengo Venenoso
6. Paquito Va
7. En Primera Plana
8. De 2 A 3
9. Deja Esa Gente
10. Como Se Toca Se Baila

Crédits photos :
Photos par Indochino (1) et Dannyrose (2)