Yanek s’est d’abord fait connaître du monde entier par les videos de salsaville.com, puis par ses participations remarquées aux concours de danses de l’émission cubaine « Bailar Casino ». Concours qu’il a d’ailleurs remporté par deux fois en rueda, et une fois en couple. Champion du monde de salsa cubaine en couple et en rueda en Italie (San Marin) en 2004, il est considéré par beaucoup comme une figure emblématique du Casino – le nom de la salsa cubaine à Cuba.
– Yanek et Diana en démonstration à Cuba
– Yanek et Casino.com avec la rueda qui les a fait gagner le concours de l’an passé
Une interview menée par un fil conducteur, mais toujours dans un esprit plus proche de la discussion que celle d’une interview formelle (n’est-ce pas Juan ?), où nous avons eu le plaisir de voir un Yanek très passionné, très gestuel, et peu avare d’anecdotes et de sentiments.
Les écrits ne nous permettent pas de faire ressortir l’intensité et la passion palpables ce soir-là, mais nous espérons qu’un maximum de sentiments seront transmis.
Yanek Revilla Romero. Né le 1er mars 1977, ex-joueur professionnel de base-ball, psychologue et maintenant danseur.
Oui, je travaille dans un hôtel public (donc employé par l’Etat), payé pour enseigner la danse aux touristes.
Je dansais comme tout le monde à Cuba. La danse fait partie de ma famille, surtout du coté de ma mère. Il y avait toujours de la musique dans la maison depuis que je suis tout petit. Mon frère est percussionniste. J’ai toujours eu de la passion pour la danse mais je n’avais jamais pensé pouvoir l’exprimer. J’ai toujours eu une passion forte pour la salsa, j’ai d’abord été un musicien avant d’être un danseur. Mon premier amour, c’était la musique.
Je me suis vraiment impliqué dans le Casino il y a 5 ans, le 16 octobre 2002, avec le groupe casino.com, formé à l’époque uniquement par des membres de ma famille. J’ai alors commencé à créer.
La salsa peut avoir de nombreuses définitions. Pour moi, elle est le résultat de l’évolution de toutes les danses cubaines. J’ai besoin de connaître les racines de la salsa, l’histoire et l’évolution des différentes danses.
Je dansais les danses populaires cubaines avant la salsa : cha cha, mambo, danzon…
Quand j’ai commencé à danser la salsa j’ai trouvé intéressant d’y intégrer ces danses populaires, puis d’apprendre en suivant l’afro-cubain et la rumba.
Parce que j’avais envie de danser la salsa, et dans ces écoles on n’étudie pas la salsa, mais les ballets folkloriques. J’ai fait partie du ballet folklorique Conjonto Folklorico d’Oriente, et aussi d’une compagnie de danse moderne, mais cela ne correspondait pas à ma vision de la salsa.
J’ai monté le groupe mais pas le nom. En fait j’ai été forcé de le faire, car j’avais des amis qui dansaient et qui voulaient participer à un concours international qui avait lieu à Santiago de Cuba. Nous avons monté la rueda en une semaine. Il y avait mes frères, mes cousins et leur compagne. C’était la naissance de Casino.com. Je pense que mes frères sont de meilleurs danseurs que moi. Ils dansaient avant moi, mais uniquement pour le plaisir, ils n’avaient pas les ambitions que j’ai eues par la suite.
Un groupe de danseurs qui partagent la même passion et les mêmes rêves, les mêmes ambitions.
Mais il y a une règle d’or : d’abord ami, puis danseur. Si tu n’as pas envie d’être mon ami, je ne te veux pas dans la troupe, même si tu es une star de la danse. Il n’y a pas de star dans mon groupe, que des amis.
C’est très difficile de recruter. Non pas parce que je suis exigeant, mais parce que peu de personnes ont à la fois les qualités et le désir de faire partie de Casino.com.
Non, pas de casting. Les gens viennent me voir et me demandent de faire partie de la troupe. Je leur expose alors les règles, et les ambitions du groupe. « Partages-tu les mêmes rêves ? ». Je ne veux pas de personnes qui viennent pour qu’on les regarde. Il faut avoir de l’ambition, mais une ambition saine. Quand j’ai démarré Casino.com, j’ai annoncé haut et fort que je voulais être champion du monde. Quand je l’ai dit, je ne savais même pas qu’il y aurait un championnat du monde. Deux ans après, nous étions champions.
L’être humain doit viser haut pour avancer. Si tu penses que tu es limité, même si tu as du potentiel pour faire de grandes choses, tu n’y arriveras pas parce que tu n’y crois pas. Il faut avoir de l’ambition pour faire de grandes choses, et entre amis c’est plus facile. Quand nous sommes allés gagner un concours à Varadero, nous avons dû dormir à 14 dans une seule chambre. C’est à ce jour notre meilleur souvenir.
Comme tous les artistes, j’ai des moments d’inspiration. Ça arrive certains matins, lorsque je me réveille et que je reste allongé. Les figures viennent toutes seules. Je visualise tout dans ma tête, et lorsque j’arrive à l’entraînement ça va très vite car je sais déjà où sont placés les gens et ce qu’ils doivent faire.
Par contre, pour les cours c’est différent. Souvent, j’improvise sur le moment. Presque tout le temps en fait.
J’ai la chance d’être très inspiré en ce moment. Ça sort tout seul. Je n’ai jamais vu de vidéos. Même pas les miennes, les vidéos que tout le monde a vues ici en Europe, je ne les ai jamais vues.
Non.
Non.
Je souhaiterais dire une chose. J’aime créer. C’est un défi pour moi de créer des choses. Si ça fonctionne ou pas, j’en suis responsable.
Ma meilleure inspiration et mes meilleurs critiques sont les garçons de mon groupe. Ce sont eux qui m’obligent à repousser les limites. C’est de plus en plus facile pour eux d’apprendre de nouvelles chorées, ce qui m’oblige à faire des choses plus difficiles.
Avant d’arriver en France, je n’ai pas dansé pendant trois mois. Normalement, un jour par semaine avec Casino.com. Hors période de compétition. Sinon c’est trois fois par semaine. Pour moi je ne m’entraîne pas, je danse, je danse, je danse, j’improvise en dansant. Je danse tout le temps, comme Kiriku (rires).
* Que penses-tu de la salsa cubaine telle qu’elle est pratiquée en dehors de Cuba ?
Je pense que la salsa cubaine pourrait être mieux représentée.
Pour deux raisons.
La première, c’est le manque d’information. A Cuba on pourrait faire 800 DVD de salsa cubaine par an, il y a le potentiel en qualité, mais personne ne le fait, faute de moyens.
La seconde, c’est qu’une grande partie de l’émigration cubaine en Europe n’est pas constituée de danseurs de salsa. Nombreux sont les Cubains qui se disent : « Qu’est-ce que je vais faire ? Je suis Cubain. Je vais donner des cours de salsa. ». Au royaume des aveugles les borgnes sont rois. C’est une bonne chose d’un côté car cela amène de l’information, mais cela nuit à la qualité. Je pense que ça caricaturise la salsa cubaine. La salsa ce n’est pas des pantalons à franges et des chemises bigarrées. Si tu vas à Santiago de Cuba, tu peux voir un homme de 70 ans, habillé avec un pantalon, une petite chemise et des chaussures normales.
Je reprends. En un, le manque d’information. En deux : la majorité des danseurs Cubains qui émigrent sont de la ligne folklorique ou des danseurs de Rumba. Ils savent danser la salsa, mais ce ne sont pas des spécialistes.
Il y a encore une chose. Nous sommes en retard par rapport aux autres styles de salsa. Ils ont des règles normalisées, bien définies. Il y a une pédagogie standard pour les autres styles : LA, NY, portoricaine. Il y a des règles uniformes. Il y a des danseurs avancés de casino qui n’ont même pas les bases. Ils sont capables de faire 500 passes avec les bras mais ne bougent pas les pieds ni le corps, ils ne font rien. Certains font le dile que no d’une façon, d’autres d’une autre, il n’y a pas de pédagogie commune. Certains Cubains dansent sur le 3, sur le 5. Il n’y a pas d’unification.
La revolución ! (rires)
Il n’y a pas de diversité à danser en dehors du rythme. Il n’y a pas de diversité si la musique te dit de danser sur le un et que tu danses sur le trois. « La musica es una sola », et tu danses pour la musique.
Les différents styles c’est autre chose. Chacun a son propre style. Axel et moi on danse différemment, mais on danse tous les deux sur le un, on fait les dile que no comme ils doivent être faits, on fait les passes comme elles doivent être faites. C’est une chose d’avoir un style différent et cela en est une autre de ne pas respecter la musique. Tu peux faire les choses avec ton propre style, mais le casino a des règles. Il faut les respecter.
Le Miami style est le pire. Je ne supporte pas que ce mélange puisse se considérer comme ambassadeur de la salsa cubaine. Ils dansent en cercle mais font des passes de portoricaine. Le pire dans cette dérive est la mise en valeur de passes L.A. Style (il mime des jetés de mains, le mouvement de tête du danseur inclus). Ce n’est pas de la salsa cubaine. Le style maniéré, bras en l’air, des filles dans les ruedas a été inventé par ces gens. On ne danse pas le Casino comme cela à Cuba.
Pour moi, les autres types sont une intention de faire de la salsa une danse de salon. Si tu regardes de la danse de salon, du patinage artistique ou de la portoricaine, c’est la même chose. C’est très chorégraphique. Les danseurs de portoricaine associent aux figures un jeu d’acteur, beaucoup de jeu théâtral.
Exactement. On m’a présenté des références de la salsa cubaine qui ne le sont pas. Ils font du Miami Style. Si tu prends ces gens-là en exemple pour danser la salsa cubaine, tu te trompes de chemin, tu vas à l’opposé de ce que tu es venu chercher, et c’est le plus gros problème de la salsa cubaine. Beaucoup de gens croient danser la salsa cubaine, mais ils se trompent. Et quand tu le leur expliques, ils argumentent.
Toujours à cause du manque d’information. Les gens ne connaissent pas bien la salsa cubaine.
Par exemple, les gens connaissent de moi ce qu’ils ont vu dans les vidéos de Salsaville. Ces vidéos ont été produites en 2002. Depuis 5 ans ma danse a énormément évolué. Depuis, les gens n’ont pas d’information sur moi ou aucun autre danseur Cubain. (ndlr : heureusement grâce à des sites type youtube on peut trouver de plus en plus de vidéos)
Prenez par exemple Manolin. Ses albums n’ont jamais été aussi bons que lorsqu’il vivait à Cuba. Je pense qu’il y a à Cuba une certaine magie que l’on perd en s’exilant.
Concernant cette tendance du Miami Style, j’ai peut-être une explication. Aux Etats-Unis, le marché est très influencé par le LA Style et le NY Style. Pour percer, il faut y ressembler, c’est pourquoi les gens mélangent. La danse en cercle, avec des figures de portoricaine. C’est ce qui fait vendre.
La première chose, et la plus difficile, est l’unification des Cubains en Europe. Il y a une grande compétition entre les Cubains ici, et s’ils ne s’unissent pas, on n’y arrivera pas.
La deuxième chose : il faudrait investir le marché avec des DVD de salsa cubaine. Un exemple : certaines personnes sont très connues dans la salsa NY Style. Ils sortent des DVD avec des figures très compliquées, avec les bras, mais ils ne dansent pas, ne font jamais de démos. Et pourtant leur style est le plus connu du monde en Salsa NY Style. Et tout le monde veut apprendre leurs passes. Tout ça grâce au support d’information.
Je pense que le marché est désormais assez mûr pour que l’on diffuse des DVD sur la salsa et la culture cubaines. Les gens s’intéressent de plus en plus à l’histoire, aux danses Afro-Cubaines, à la Rumba. Il faut profiter de l’essor de la musique cubaine et de la présence d’orchestres Cubains en Europe pour surfer sur cette vague.
Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais pensé à partir de Santiago de Cuba. Si jamais je devais partir de Cuba… Je ne le vois pas… Si je devais partir… Je ne sais pas… Si demain ça devait arriver… Ça n’arrivera pas (rires)… Supposons que je devienne fou, que je tombe amoureux et que je m’en aille, ce sera six mois ici, et six mois à Cuba. C’est la seule façon. Pas par peur de perdre la magie, mais pour mon coeur, je ne peux pas vivre sans Cuba. Sans Siantago.
C’est tout pour moi.
Los monstros : l’Orchestra Reve, Adalberto Alvarez, Pupy y los que Son Son, Van Van, et Manolito Simonet. Ces cinq groupes sont les cinq monstres de la musique cubaine. Les grands resteront les grands.
J’ai une opinion très personnelle à ce sujet. Je pense que les nouveaux groupes doivent trouver de nouveaux chemins. A Cuba si tu fais écouter Maikel Blanco à quelqu’un qui ne connaît pas trop, il pense que c’est du Van Van. C’est pour ça qu’à Cuba personne ne sait qui c’est.
Parce que je suis un fanatique de musique.
A Cuba, ils connaissent le groupe grâce à Sotomayor. Si tu demandes qui est Maikel Blanco, ils ne sauront pas, mais si tu parles du groupe de Sotomayor, alors ils te diront : « Ah oui, Maikel Blanco y su SalsaMayor, je connais, c’est bien ».
Le problème est que le format est le même, violon, flûte, trombone,… Ils ont les mêmes instruments que Van Van, il y a forcément du plagiat. L’influence n’est pas la copie. Je suis un fanatique de la musique cubaine, et je peux te dire qu’il y a des phrases de cuivre qui sont exactement les mêmes que Van Van, des improvisations des chanteurs sont copiées sur Mayito Rivera. Pour moi c’est trop proche. A mon avis, ils vont trouver leur propre chemin, mais ils doivent changer des choses.
Si si, il y a Azucar Negra, Bamboleo, Bamboleo c’est un train, ils sont très forts !
Non ce n’est pas un nouveau groupe, mais Bamboleo change tout le temps : Bamboleo avec Haila, Bamboleo avec Vania, Bamboleo avec Tanya, demain Bamboleo avec Diana (en regardant LaDiosa – rires)… S’il vous plaît, il faut maintenir une ligne vocale. Quand les gens écoutent, il faut qu’ils puissent reconnaître les chanteurs de Bamboleo.
A Cuba, les grands ne sont pas les chanteurs, contrairement à Porto Rico où il y a Gilberto Santa Rosa, Marc Anthony, etc. A Cuba les grands sont les directeurs d’orchestre. Il n’y a qu’une personne à Cuba qui est partie d’un groupe et qui est devenue plus grande que ce groupe, c’est Issac Delgado. Il est sorti d’NG La Banda et est allé plus haut qu’eux.
Tirso Duarte à Cuba a fait partie des très grands moments de la Charanga Habanera, il a chanté avec Pupy y los que Son Son, et maintenant, il ne peut pas faire mieux que ces deux orchestres. Qu’est-ce qu’il se passe à Cuba ? A Cuba il y a tellement de qualité et de compétition que les gens sont très critiques, ils aiment bien comparer. Michel Maza était la voix de la Charanga Habanera. Tout seul il ne fait pas mieux. Les Cubains aiment la musique, les chanteurs ne viennent qu’après. Il faut que les orchestres se stabilisent pour devenir grands.
(Il tape son poing contre son coeur.) Oui un monstre, intemporellement un monstre. On reconnaît son timbre et sa touche en deux secondes.
Maintenant, son dernier disque, celui qu’il a fait aux Etats-Unis (ndlr : En Primera Plana),… (il fait la moue), son disque précédent ? Meilleur. Et le disque précédent ? Encore meilleur. Et l’autre ? Encore encore meilleur. Le nouveau ? (en espagnol dans le texte) : « muy, pero muy portoricano » (rires). Très portoricain. Il a perdu la magie de Cuba. Il a gagné en qualité technique avec Giovanni Hidalgo, avec Cachao, mais même avec ça, le produit n’est pas aussi bien qu’il était avant.
D’abord la musique. Deux choses. La première, il y a les monstres, ceux qui continuent à créer de nouvelles sonorités et qui font avancer la musique. Puis il y a les médiocres, ceux qui font de la musique commerciale, du reggaeton, des Boys Band, avec cinq « chicos bonitos » devant qui font crier les « chicas ». J’étais le plus grand fan, le plus grand défenseur de la Charanga Habanera, jusqu’à la sortie de Charangero Mayor. Depuis Soy Cubano Soy Popular, la Charanga se meurt.
Manolito n’a fait qu’un titre de reggaeton. Avec un titre tu ne peux pas parler de tendance. Ils ont fait ce titre car leur nouveau chanteur (ndlr : Lazaro Diaz) vient de ce courant musical. En dehors de cette chanson, Manolito continue sur sa lancée.
C’est la danse la plus facile pour tous les Cubains du monde entier ! Tu prends n’importe quel Cubain, il danse le reggeaton. Pour un Cubain, c’est plus facile que de danser le merengue. La facilité est la première raison. La seconde est l’influence de Porto Rico qui est juste à côté. A Cuba on capte les radios de Porto Rico où on passe du reggaeton à longueur de journée. Don Omar, Daddy Yankee, Wisin y Yandel, Hector, Tito El Bambino,… C’est encore une fois la facilité. On demande aux Cubains à l’étranger de bouger leur corps. C’est plus facile et plus spectaculaire de danser le reggaeton.
Une autre raison à Cuba, est que lors de l’organisation de soirées, on fait venir un DJ. A Cuba les DJ passent la musique qu’ils aiment eux, pas celle que les gens sur la piste aiment. Et les DJ à Cuba ne dansent pas. Et quand ils ne dansent pas : reggaeton. En plus, Il est plus aisé de mixer sur du reggaeton et ses rythmes très marqués sans couper les chansons, que de passer de la salsa. Chaque DJ veut montrer qu’il sait mixer mieux que son voisin, donc ils font ça sur du reggaeton. Ce qui explique aussi la mode de la musique techno dans certaines boites à Cuba. Mais à mon avis, ce n’est qu’une mode passagère. Dans deux ans la salsa continuera son chemin et le reggaeton se mourra. Après il y aura autre chose, mais il y aura toujours notre salsa. Je ne suis pas inquiet.
Le reggaeton, socialement, c’est une manière qu’ont trouvée les latinos de ressembler aux rappeurs américains : les casquettes, les chaînes en or… C’est la même intention. De plus, les chanteurs ne dansent pas. Si tu regardes les clips, c’est la même chose. Un clip de Daddy Yankee c’est la même chose qu’un clip de Jay-Z : les filles dans la piscines, les grosses voitures… N’oublions pas que Porto Rico appartient aux Etats-Unis (ndlr : Porto Rico est un État libre associé aux États-Unis).
Oui. J’en suis sûr. A Cuba on dit : as-tu été à la Trocha ? La Trocha c’est le thermomètre musical de Cuba. Quand les musiciens créent une nouvelle chanson. Ils vont jouer à la Trocha, pour tester la réaction du public. Si le public ne danse pas, ne suit pas, c’est que le groupe n’est pas bon. C’est pour ça que je te dis que les musiciens composent les musiques en pensant aux danseurs, et à la façon dont ils vont réagir.
Il y a plusieurs courants dans la musique cubaine. Elle est très riche. Le Son, le Changui, la Charanga, la Guaracha,… Tu peux faire un disque avec 70 rythmes différents, parce qu’ils existent dans la musique cubaine. Mais la Timba est la force de la musique cubaine. C’est la terreur de la piste.
En couple, Maraca, parce que c’est la vitesse, et que je suis fan de la musique à 500 à l’heure. Mon énergie, mon point fort, c’est la vitesse. Pour mon groupe, c’est la Revé. « Sa-sal-sa-salsa ! Kan kan kan… » (il chantonne l’intro de « Mi Salsa Tiene Sandunga »). Au final, les monstres.
Non, c’est vrai, je ne prendrais pas Van Van. Où est Kiriku ? (ndlr : référence à un de mes (Kiriku) chambrages sur Yanek dansant sur le 5 à Vic sur une chanson de Van Van) Kiriku m’a dit : « tu danses sur le cinq ! ». Oui, en effet, Van Van change le temps de la chanson. Van Van, Pupy, profitent des breaks pour changer les temps. C’est pour ça que je n’utilise pas leurs chansons.
Meilleur que ce que j’espérais. Bien meilleur que je l’imaginais.
Je ne pensais pas que vous seriez aussi radicaux que moi, je pensais que j’étais l’unique radical, et je suis content d’en avoir trouvé d’autres comme moi (rires). (ndlr : le groupe Toulousain et ses invités présents le soir de l’interview sont connus et reconnus dans le milieu pour être des passionnés de musique et de danse cubaines).
Là où le niveau manque, c’est plutôt dans les ruedas. Il n’y a pas seulement de la danse en couple dans les ruedas. Elles manquent de chorégraphies pour passer au niveau supérieur. Il manque des troupes de danse, des groupes qui font des chorégraphies complètes de suelta, de couple, de rueda.
Pas à la base. Mais, sans le vouloir, cette danse est un spectacle en elle-même. Quand tu vas à Santiago et que tu vois un homme de 70 ans en train de danser avec le coeur, c’est spectaculaire. C’est le plus beau spectacle que tu peux voir. La danse est une thérapie. A Cuba, quand j’étais plus jeune, j’ai fait une étude sur l’influence du Danzon dans la vie des personnes âgées (nldr : Yanek a fait des études de psychologie). Les personnes âgées de plus de 70 ans ne faisaient plus rien, se sentaient inutiles (ndlr : sous-entendu attendant la fin). Cette étude a mis en évidence que la danse leur permettait de retrouver la joie de vivre, l’allégresse et parfois même l’amour…
Si vous voulez danser la musique cubaine, il faut connaître la musique cubaine. Premièrement. Il faut être dans la musique. Il n’y a que comme ça qu’on peut la sentir. Autre chose : il faut aller à Cuba. Il faut vivre la salsa de l’intérieur à Cuba.
Il faut aussi se fixer des objectifs. Si tu sais que tu peux faire des choses, mets des objectifs qui sont au-delà de ce que tu penses. Tu sais danser la salsa. C’est bien. Maintenant il faut danser la salsa avec de l’afro. De la salsa en faisant de la rumba. Il faut que tu aies envie de connaître toutes les danses populaires de Cuba. C’est autre chose de connaître la culture cubaine que d’être simplement un danseur de salsa. C’est un autre niveau.
Que la danse c’est quelque chose de complet. La salsa cubaine ce n’est pas que des passes. Ma guerre est là. Ce que je vois c’est que beaucoup font des passes mais ne bougent pas les pieds. Je veux que les gens ressentent ce qu’ils font. Qu’ils ressentent la joie, l’énergie. Je ne veux pas que les gens soient juste en train d’écouter, mais qu’ils sentent la musique. J’essaie de transmettre ça avec intensité.
Ça ne dépend ni de moi, ni de Cuba. Ça dépend de l’argent que je n’ai pas. Cuba ne t’empêche pas de venir en France. La fois où je n’ai pas pu venir en France, c’était parce que la France n’a pas voulu me délivrer de visa, pas Cuba. C’est plus facile de dire que c’est de la faute de Cuba. Si tu veux venir en Europe, l’Europe exige que quelqu’un se porte garant de toi, que tu aies une assurance maladie, etc. Parce qu’ils considèrent qu’un Latino est un émigrant potentiel. Pour moi c’est un problème, parce qu’on pourrait faire de grandes choses ensemble. Un exemple : en Russie. En Russie, il y a une ville dans le Sud où j’ai vu une discothèque avec 300 personnes qui dansaient la salsa cubaine. Que de la salsa cubaine. Incroyable. Et pas un seul Cubain ne vit là-bas.
Les gens de Moscou. En Russie il y a un très bon niveau en salsa cubaine.
Oui. Je voudrais dire que je veux vivre avec intensité pour que la salsa cubaine, le casino, soit la plus dansée dans la monde, et que tout le monde aime la culture cubaine.
Danser la salsa ce n’est pas quelque chose que tu fais, c’est une manière d’être, une manière de ressentir les choses. C’est ce qui nous a poussé à nous retrouver ici tous ensemble.
C’est ainsi que se conclut la première interview que nous avons l’honneur de vous présenter. Nous avons eu des réponses franches et claires sur toutes nos questions. Sauf pour une qui me (Kiriku) tenait à coeur : « Te gustan las chipolatas » ? Nous ne le saurons jamais…
Photos : Baba NGOM.
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