Le guaguancó est né dans les faubourgs de la Havane et de Matanzas à la fin du XIX ème siècle. Véritable genre musical, la rumba comporte de nombreuses variétés qui se sont nourries les unes des autres. Comme son prédécesseur le yambú, le guaguancó a aussi assimilé des composantes de la columbia tout en gardant un style propre et original. Comment un style musical a-t-il pu garder pendant plus d’un siècle sa popularité ?
La persistance extraordinaire de la rumba est dû à une spécificité cubaine de l’esclavage. Aboli très tardivement (1860) il ne s’est pas accompagné d’une destruction quasi totale de la culture des esclaves comme dans de nombreux autres pays esclavagistes, les USA par exemple. L’esclavage à Cuba était très important en densité et en variété. Fernando Ortiz a dénombré plus de cent groupes éthniques différents à Cuba et il estimait qu’à la fin du XIX ème siècle il y avait encore quarante ’nations’ distinctes qui avaient su préserver leur identité à l’aide d’associations d’entraide, de clubs ou de loges, connues sur le nom de « cabildos » (les cabildos Yoruba, Congo -Bantu-, Arara -Fon-…). Tolérés par le pouvoir, les cabildos étaient des regroupements d’esclaves, d’anciens esclaves affranchis et de leurs descendants. Dès la fin du XIX ces sociétés prirent des noms de saints catholiques et tissèrent des liens avec l’Eglise. Les dieux du Panthéon Yoruba ont pris ainsi un deuxième nom catholique. Camouflage pour préserver une culture, ou tactique d’intégration d’une Eglise, cela a permis de conserver à travers le temps de nombreuses cultures. Le caractère très organisé, parfois très fermé, très secret, de ces regroupements a permis de conserver la mémoire en particulier les chants, des rites, des cérémonies, des instruments et des rythmes de ces cultures.
Alberto Zayas « El Melodioso »
Mais la conservation de cette mémoire n’a pas figé le genre au contraire . Les choeurs de guaguancó ont continué d’évoluer en assimilant les mélodies des chorales de chant et de « clave » pendant les premières années du XX ème siècle. Sur le plan rythmique le guaguancó est plus dynamique plus rapide que le yambú mais le chant y est plus fluide. Il s’accompagne avec trois tambours -« salidor », « tres glopes », « quinto »-, des « clave » pour donner le rythme de base, une « cajita », un tronc de « caña brava » (ou le cata formé avec un tronc de bambou) qui se percutait à l’origine avec des cuillères. La polyrythmie est particulièrement riche et mélodieuse. Le tambour le plus grave soutient le rythme et le tambour intermédiaire dialogue avec le quinto.
Le morceau est introduit par un chant unique (« aléléléalalalaaaa ….) qui donne le ton aux musiciens tandis que la clave va donner le rythme. La partie initiale du chant est plus longue que dans le yambú. Le texte est narratif avec de la prose alternant avec des vers de 8 syllabes enchainés par groupes de dix. Les thèmes sont ceux de la vie quotidienne, du pays, des sentiments. Ils sont chantés avec humour ou gravité, et sont souvent des chroniques populaires. L’influence de l’Andalousie est très marquée dans les paroles et les improvisations qui s’expriment surtout dans la troisième et dernière partie constituées de questions/réponses entre le choeur et le soliste.
La chorégraphie est d’une très grande richesse. De contenu érotique c’est une parade, une pantomime sexuelle, un jeu de séduction. Un homme et une femme tour à tour s’attirent puis se repoussent avec une grâce sensuelle, dans une gestuelle explicite. La femme séductrice et aguicheuse se protège avec les plis de sa robe, la paume de ses mains … car l’homme est ardent et la poursuit de ses avances pour la posséder (« vacunarla ») d’un mouvement du pelvis qui se nomme aussi « abrochao ». La femme montre alors sa défaite. Quelques fois l’homme simule un geste de possession avec le pied ou la main. Généralement la représentation continue en entraînant à tour de rôle d’autres couples dans la danse.
Clave y Guaguancó
De nombreux guaguancós ont été composés par des auteurs anonymes et mais aussi par des auteurs notables comme Ignacio Piñeiro (« Sobre una tumba una Rumba », « Papá Oggún », « El Desengaño de Los Roncos », « Para niñas y señoras »), Tío Tom (« Consuélate come yo », « Chango ta’veni »), Evaristo Aparicio (« Xiomara », Alberto Zayas (« El vive bien », « Tindé aró »), Calixto Callava, Santoz Ramirez, Chano Pozo, Pascual Herrera, Silvestre Méndez, Florencio Calle, Esteban Lantri … etc.
Les excellents interprêtes sont si nombreux qu’il est difficile de faire une sélection complète : Chano Pozo, Augustin Gutiérrez, Ángel Contreras, Pedro Izquierdo, Candidi Camero, Carlos Valdés, « Patato », Aristide Soto, Tata Güines, Lazarito Quinto… Sans oublier les orchestres : Estrellas Amalianas, Los Muñequitos, Los Papines, Conjunto Clave y Guaguancó, Yoruba Andabo… ni les chanteurs : Agustin Pina, « Flor de Amor », Miguel Chapottin, Alberto Zayas, Carlos Embale, Juan Núñez, Benito Gonzalez, « Roncona », Juan Campos, Estaban Lantri, « Saldiguera », Hortensio Alfonso, « Virulilla » et les merveilleuses Merceditas Valdes, Celeste Mendoza, Lucrecia Oxamendi, Manuela Alonso, …
Quand aux danseurs ils constituent une pléiade inclassable qui rendent toujours aussi vrai l’interrogation populaire :
« ¿En Cuántas casas, salores, parques de la Habana, Matanzas, Santiago de Cuba, Guantanamo… se ha cantado, tocado y bailado guaguancó ? »
Titre: Cuba Linda | Compositeur: José Deza |
Original | Traduction |
Cuba Linda de mi vida Cuba Linda siempre te recordaré (bis) Yo quisiera verte ahora Como la primera vez Cuba Linda de mi vida Cuba Linda siempre te recordaré (bis) Cundo escucho un son cubano Cundo escucho un son cubano, De los tiempos ya pasada Mi corazón se entristece Y mi juventud revive ese tesoro cubano Tierra de ensueño y encanto Con su son tan habanero Tierra que yo tanto quiero Tierra que yo tanto quiero Y por ella yo me muero Cuba Linda de mi vida Cuba Linda siempre te recordaré Te recordaremos, te recordaré Rumbero te recordaremos Coro : Te recordaremos | Belle Cuba de ma vie Belle Cuba dont je me souviendrai toujours (bis) J’aimerais te voir maintenant Comme la première fois Belle Cuba de ma vie Belle Cuba dont je me souviendrai toujours (bis) Quand j’écoute un son cubain Quand j’écoute un son cubain, Des temps déjà passés Mon coeur s’attriste Et ma jeunesse revit ce trésor cubain Terre de rêve et d’enchantement Avec son son si havanais Terre que j’aime tant Terre que j’aime tant Et pour qui je me meurs Belle Cuba de ma vie Belle Cuba dont je me souviendrai toujours Nous nous souviendrons de toi, je me souviendrai de toi Rumbero, nous nous souviendrons de toi Coeur : Nous nous souviendrons de toi |
Titre: Consuélate como yo | Compositeur: José Deza |
Original | Traduction |
Consuélate como yo Que yo también tuve un amor Y lo perdí Y por eso digo ahora Ya yo no vuelvo a querer ¿De que te sirvió el querer Si a ti también te traiciono Como a mi Coro : Por eso ahora, ya yo no vuelvo a querer | Console-toi comme moi J’avais aussi un amour Et je l’ai perdu C’est pourquoi je dis aujourd’hui Que je n’aimerai plus A quoi cela t’a-t’-il servi d’aimer ? S’il t’a trahi toi aussi Comme à moi Coeur : C’est pourquoi maintenant je n’aimerai plus |
Titre: ¿Dónde andabas anoche ? | Compositeur: Ignacio Piñeiro |
Original | Traduction |
Avísale a la vecina Que aquí estoy yo Que vengan para que aprecie dulce cantar Después no quiero que digan Que di la rumba y no la invité Que vengan para que aprecie sonoridad ¿Dónde andabas anoche ? Qué bien te busqué (bis) Recorrí La Habana y no te encontré Me fuí con mamita, y el Ronco seguí Me gustó su canto Y con el me fuí Coro : Ven, ven, Iroko, ven, ven | Préviens la voisine Que je suis ici Qu’ils viennent pour apprécier le chant doux Après je n’aime pas qu’on dise Que j’ai donné la rumba et que je ne l’ai pas invité Qu’ils viennent pour que apprécier la sonorité Où as-tu passé la nuit ? Je t’ai cherché partout (bis) J’ai parcouru la Havane et je ne t’ai pas croisé Je suis parti avec ma petite chérie et le rauque a continué J’aimais son chant Et avec lui je suis parti Choeur : Viens, viens Iroko, viens, viens |
Titre: La ultima rumba | Compositeur: Inconnu |
Original | Traduction |
Esta es la última rumba | C’est la dernière rumba Que nous chantons dans ta maison (bis) Ecoute-là bien encargada… ???? Il y a une voix qui résonne C’est la dernière rumba Que nous chantons dans ta maison Pour qu’elle vive heureuse Il y a une voix qui résonne (qui retentit ?) C’est la dernière rumba, etc. Chœur *Sobar veut dire : tripoter (tocar), fouler (pieds), pétrir, rosser |
Courte discographie :
Los Muñequitos de Matanzas « Cuban Classics IV »
Carlos Embale « Rumbero Mayor », EGREM
Clave y Guaguanco « 60 Anniversario, La Rumba que no termina », Cuba Chévere
Rumboleros Grupo « Protesta carabalí », Envidia
Grupo Afro-Cubano de Alberto Zayas « El yambú de los barrios »
Grupo Yoruba Andabo « El callejón de los rumberos »
divers interprêtes « Rapsodia Rumbera » EGREM CD0121
divers interprêtes La Rumba Soy Yo – Bis Music, 2000
divers interprêtes La Rumba Soy Yo II – Bis Music, 2004
Yoruba Andabo « Rumba en la Habana » (CD et/ou DVD)
Los Muñequitos de Matanzas « Live in LA » (DVD)
Ouvrages de référence :
« Diccionario de la Musica Cubana », Helio Orovio, Editorial Oriente, Santiago de Cuba 1994
« La conga, la rumba : columbia, Yambu y guaguanco », Helio Orovio, Editorial Letras Cubanas, La Habana 1992
« Los Instrumentos de la Musica Afrocubana », ensemble de 8 livrets, Fernando Ortiz, Editorial Letras Cubanas, La Habana 1995
Sites de référence :
¡Vamos a guarachar !: le meilleur blog consacré à la rumba
Rumbabierta: un excellent groupe de rumba en France
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