Il débarque au Festival BAILAR CUBA à Dampierre le 12 Mars 2010 !
Sixto Llorente, mieux connu sous le surnom de « El Indio », peut être considéré comme une « icône musicale » du Trabuco (le groupe de Manolito Simonet) pour son timbre vocal si caractéristique.
Doté d’un esprit facétieux et séducteur, d’une sympathie irrésistible et d’un immense talent pour l’improvisation, Sixto est profondément attaché à la Musique traditionnelle cubaine.
Il débute en autodidacte avant d’entrer dans une célèbre Charanga, la Orquesta Aliamen.
Il poursuit une carrière de Sonero pendant une vingtaine d’année lorsque Manolito lui offre le premier rôle avec « Marcando La Distancia », le tube immortel du Trabuco.
El Indio a collaboré à de très nombreux projets musicaux de très haute facture aux côtés des plus grands Soneros de Cuba.
El Indio nous a accordé une interview exceptionnelle à FiestaCubana.net et à TimbaSocialClub.net
Il sort un premier disque « Espíritu y Tradición » en solo avec notamment le grand Orlando « Maraca » Valle ou il interprète avec génie tous les grands classique du répertoire cubain en passant par Arsenio Rodriguez et le grand Benny Moré, son modèle.
Tout récemment, El Indio a travaillé comme chanteur et co-auteur aux cotes de Bill Wolfer sur les 2 derniers disques de MAMBORAMA, fruit de la collaboration des meilleurs musiciens cubains avec ce pianiste californien.
Apres avoir quitté le Trabuco de Manolito Simonet, Sixto se prépare à lancer son 2ème album en solo, cette fois-ci avec son propre projet musical appelé « Son Del Indio ». Ils sont sur le point d’arriver en Europe.
Interview réalisée par DJ Leonel « El Farandulero Mayor » @ www.fiestacubana.net &
Claudio Marucci y Stefano Santini @ www.timbasocialclub.net
Habana Vieja, La Havane, le 21 Fevrier 2009.
Leonel – Comment on doit t’appeler : Sixto ou El Indio
El Indio: Il y a peu de personnes qui me connaissent comme Sixto, seulement ma famille. Mais à Cuba tout le monde me connaît comme El Indio.
Leonel – … Et pourquoi on t’appelle El Indio?
El Indio – On m’appelle El Indio.. Tu sais comment ca se passe, les anciens aborigènes cubains avaient une couleur de peau un peu plus claire que la mienne… Moi j’ai surtout des origines plus africaines. Ils avaient des cheveux plus réguliers (lisses). Les indiens des Caraïbes sont ainsi, comme moi, avec cette couleur de peau.
Leonel – Mais il y a du sang indien dans ta famille ?
El Indio – Si, du côté de ma grand-mère.
Leonel – Mais tu as aussi un nom français !
El Indio – Mon premier nom (paternel) est d’origine des Canaris. Mon deuxième nom (maternel) est un nom français.
Leonel – … Et comment ça se fait?
El Indio – Ce nom français vient de la Province Centrale, de Cienfuegos exactement. A Cienfuegos il y a un théâtre qui s’appelle ainsi, le théâtre Tomas Terry. Ils donnèrent au théâtre le nom de cet homme. Ma mère avait ce nom là et d’après ce que l’on m’a raconte, Tomas Terry avait beaucoup d’esclaves, il y a donné son nom à tous ses esclaves. De fait c’était un nom français.
Leonel – Nous te connaissons parce que tu es un grand Sonero, parce que tu as chanté avec Le Trabuco de Manolito Simonet. Il n’y a pas longtemps tu es parti du Trabuco pour réaliser un nouveau projet musical qui s’appelle Son Del Indio. Cela a le format d’une Sonora.. Raconte-nous un peu.
El Indio – Mon agence artistique s’appelle Clave Cubana et elle dépend d’Artex. Le directeur de l’agence qui gérait le Trabuco m’a demandé de rester avec eux, Clave Cubana et Artex m’ont aidé à créer ce nouveau projet de 9 musiciens, avec le format de la Sonora mais avec un Trombone. Et ca sonne vraiment très bien.
Leonel – Nous y reviendrons à la fin de cette interview. Racontes-nous comment tu as commence ta carrière musicale ?
El Indio – Ma carrière est celle d’un autodidacte et elle s’est faite petit a petit dans le Son créole, dans les quartiers, à droite a gauche, au coin de la rue, dans ma famille. Depuis tout petit je jouais des Congas dans ma famille, avec mon oncle. Vers 10 – 11 ans, je sortais dans la rue pour jouer et pour écouter tout ce qu’ils chantaient, comme le Son traditionnel cubain, et c’est comme ca que j’ai appris. Apres quand je suis alle de Cienfuegos a Santa Clara, j’ai integre la Orquesta Aliamen (NDLR : une célèbre Charanga de Villa Clara). C’est la que j’ai appris un peu le solfège jusqu’au niveau intermédiaire. J’ai aussi pris des cours d’harmonie que je n’ai pas continué parce que je suis ensuite parti a La Havane ave Manolito Simonet.
Leonel – A Cienfuegos tu vivais dans un quartier très Rumbero!
El Indio – Oui, je vivais à Cruces dans la province de Cienfuegos. Dans mon quartier on enseignait les mouvements du Folklore (NDLR : Afro-Cubain). On jouait les toque de santos (NDLR : cérémonies/rituel musical de la Santéria avec les tambours Bata), la conga et les comparsas (NDLR : rythmes et danses de rue pour le carnaval et les fêtes populaires). Tout venait de mon quartier. C’est de là que vient El Indio comme Sonero et je le dois à ma famille.
Leonel – Et dans ta famille, il y avait des musiciens?
El Indio – Il y avait des musiciens autodidactes qui jouaient le Tres, la guitarre, qui chantaient… Mais moi j’ecoutais les musiciens et je les étudiais.
Leonel – Tu avais un voisin, à à peu prés 7 kilomètres, un personnage très célèbre qui a été ton guide musical.
El Indio – Le meilleur Sonero de Cuba, le grand Benny Moré. Il est et restera le meilleur. Ma maison, ou plutot la maison ou vivait ma mère était à 7 kilomètres de Santa Isabel De La Lajas. Sa musique m’a beaucoup influencé. Depuis tout petit je l’écoutais, tout comme j’écoutais la Orquesta Aragon. Ce furent des guides… Je viens de là, de cette musique.
Leonel – Comment es tu entré dans Aliamen?
El Indio – La Aliamen est venu dans mon village. Je l’écoutais à la radio lors d’une émission 3 fois par semaine et cela me plaisait beaucoup. Je ne me rappelle plus comment s’appelait cette émission. En définitive Aliamen est venu dans mon village alors que je chantais déjà en amateur dans le cabaret. Je suis allé les voir au théâtre et lorsque leur répétition s’est terminée je les ai invités à venir me voir chanter. Je les ai invite et j’ai mis une bouteille de Ron (Rhum cubain) à leur table. J’ai commencé à chanter un air de musique traditionnelle. Ca leur a plus et bien que je fusse très jeune, je n’avais à peine que 17-18 ans. A cette époque je travaillais dans un garage de mécanique a Cienfuegos. J’ai du faire quelques papiers et je suis entré dans La Aliamen. C’était en 1973.
Leonel – Comme tu étais un chanteur empirique (autodidacte) cela n’a pas été difficile pour toi de chanter avec Aliamen ? Cet orchestre avait le format d’une Charanga et jouait une musique assez académique.
El Indio – Le problème c’est que je suis passé directement d’un petit groupe de mon village à un orchestre comme la Aliamen. Mais finalement, non, toute modestie mis a part, j’ai eu une intuition musicale qui est comme un don. Je suis capable de m’adapter de la même manière à un grand orchestre, comme celui de Manolio Simonet, tout comme a une Sonora. J’ai chanté avec la Orquesta Aragon et avec beaucoup de groupes de différent styles comme les Conjuntos, les Septetos,.. et je ne sais pas pourquoi, mais je me suis adapte et je n’ai pas eu peur.
Leonel – Comment as tu attiré l’attention de Manolito Simonet?
El Indio – En fait, quand Manolito n’était pas encore un musicien, je chantais déjà! Manolito était très jeune quand il a commencé avec La Maravilla De Florida. Quand j’ai connu La Maravilla de Florida de Camaguey, Manolito n’y était pas encore, parce qu’il était très jeune. Je chantais depuis bien longtemps avant même que Manolito ne soit musicien. Ce qui s’est passé c’est que Manolito a intégré La Maravilla de Florida et, à partir de là, il s’est développé comme musicien jusqu’à être nommé directeur de La Maravilla de Florida. C’est à cette époque que Manolito me connaît. Il allait souvent voir et écouter l’Aliamen et il venait pour m’écouter chanter. A partir de là, nous avons partagé et collaboré. Les 2 orchestres s’unissaient et on se parlait entre musiciens. La relation entre Manolito et moi est une vieille histoire. Lorsque Manolito quitte La Maravilla pour La Havane, c’est moi qu’il a en tête (comme futur chanteur) !
Il y a une histoire que je n’aime pas raconter a tout le monde mais j’ai eu 7 opportunités de rentrer dans Los Van Van. C’est arrivé pour chacun des chanteurs qui sont entré dans Los Van Van, on m’avait déjà offert la place avant de la leur proposer ! Mais j’etais amoureux de la Orquesta Aliamen et comme je vivais dans ma Province, je ne souhaitais pas aller a La Havane. Je suis un Guajiro ! (je suis un paysan !)
Quand Manolito est venu à Santa Clara avec son groupe, Le Trabuco qui n’avait que 3 ou 4 ans…
Leonel – En quelle année?
El Indio – Au debut des annees 90, je ne sais plus, 1994 ou 1995. Je vais donc à l’endroit où Le Trabuco doit jouer et il me demande de chanter avec eux. Il demande ensuite aux musiciens de La Aliamen que j’aille avec eux à Pinar del Río et à La Havane. Manolito a beaucoup insisté et un matin il est apparu très tôt chez moi et il m’a dit : « Viens avec moi a La Havane ! ». Je lui ai repondu « Je te promets que quand j’aurai terminé le Carnaval avec la Orquesta Aliamen, je te rejoindrai à La Havane pour intégrer ton orchestre. » Si bien que je suis venu le 9 Aout à La Havane. J’ai commencé avec Aliamen le 2 Aout 1973 et j’ai commencé avec Manolito le 9 Aout 1997. Quelle coïncidence ! J’ai commencé le même mois pour les 2 orchestres. Quand je suis arrivé, la première chanson que j’ai chantée fut « Marcando La Distancia ». Ca a été mon ouverture avec Manolito Simonet.
Leonel – Ce fut le morceau qui a propulsé le Trabuco sur la scène internationale même si ils étaient connus avant. Ca leur a donne beaucoup de notoriété grâce a toi !
El Indio – Le Trabuco était sur un chemin très positif.
Leonel – Quels sont tes morceaux favoris Dans Le Trabuco?
El Indio – Tous! Aprés “Marcando La distancia” mon morceau préféré a été “Llego La Musica Cubana”. Manolito est un grand directeur et il écrit de très bonnes paroles. Avec le Trabuco j’ai beaucoup appris et ca m’a donne l’opportunite de connaître le monde entier. Avec La Aliamen j’étais allé seulement en Espagne.
Claudio – Pourquoi cette si belle collaboration professionnelle avec Manolito, qui a duré tant d’années et qui a projeté la lumière sur toi comme sur l’orchestre El Trabuco, a pu s’interrompre ?
El Indio – Le problème est que j’avais l’ambition de faire mes propres projets. Je vais te montrer la quantité de paroles de chansons que j’ai toutes prêtes. Le problème est que je n’ai pas pu me développer personnellement. Manolito a joué un morceau de La Aliamen qui s’appelle « Guajirita Ven », nous avons aussi fait un Guaguanco, nous avons fait « Aqui cada uno viene con lo suyo », il a pris ces morceau de mon répertoire. Mais vraiment, je me suis décidé à partir parce que je me suis rendu compte que le temps allait de l’avant et que je devais tôt ou tard ce que j’avais a l’intérieur. Des choses que je voulais jouer avec un Septeto, avec un orchestre plus petit. Je voulais aussi prendre mes distances avec le mouvement récent du Reggaeton. Je ne veux pas parler mal des Reggaetoneros parce que je n’aime pas parler mal d’un style ou d’un mouvement musical. Je voulais me retirer de ce jeu scénique devant l’orchestre, parce que je suis un chanteur Sonero et que j’appartiens à un autre monde. Si bien que j’ai cédé ma place afin qu’ils puissent faire ce dont ils avaient envie.
Si bien que je suis parti et je fais mes propres choses, je chante mon son et ma Guaracha. J’ai consacre toute ma vie a la Musique Traditionnelle Cubaine, alors que le courant musical actuel requiert beaucoup plus de mouvement et de jeu scénique.
Mais j’entretiens de très bonnes relations avec eux et ils restent mes meilleurs amis.
Claudio – Un jour nous avons eu une conversation où tu expliquais la différence entre être Sonero et être Repentista…
El Indio – Les Repentistas son deux qui chantent la musique créole a la campagne. Ils ont un talent particulier pour relier une phrase à une autre. Ce sont eux qui chantent dans l’émission qui s’appelle « Palma y Caña” (à la TV Cubaine), ce sont des poètes. Les Soneros le sont aussi un peu… Ils sont un peu poètes mais moins que les Repentistas. Le Repentisme ne nait pas avec l’inspiration de ce qu’on est en train de chanter, mais il reste dans le corps de la chanson et des paroles. Si un morceau a une trame, il doit se maintenir dans cette trame.
Leonel – Quel est ton critère pour être un bon Sonero?
El Indio – Un bon Sonero chante toute la gamme de la Musique Cubaine. Un bon Sonero doit chanter une Guaracha, un Son, un son Montuno.. Un bon sonero chante de la Timba. « Elige Tu Que Canto Yo » (Décides, toi ! Ce que moi je dois chanter!) comme disait El Benny (Benny Moré). Un bon Sonero doit chanter juste avec une belle voix! Toutes les voix sont différentes et il y a des timbres très différents. El Nene (Pedro Lugo – Los Jovenes Clasicos Del son – Son Del Nene) a son timbre de voix différent, Mayito (los Van Van) a un timbre différent, tout comme Pedrito Calvo, Roberton ou même Candido Fabré, mon ami, mon frère!
Leonel – A propos de Candido et de toi. Candido est un grand improvisateur mais toi aussi. Mais au niveau mélodique, qu’est-c qui se passe… Candido est un maitre de créativité mais au niveau mélodique il sonne un peu monocorde, alors que…
El Indio – Ecoute, ce qui se passe c’est que nous sommes tous différents. Candido a sa propre ligne mais son point fort c’est qu’il est Repentista, très inspiré. Il a une faculté de faire des rapprochements et d’associer des phrases a d’autres. Il est très bon.
Leonel – Ce qui me stupéfait, c’est ta manière de chanter le Son. Au niveau mélodique, quand tu improvises il y a toujours des surprises. Tu accélères, tu frênes..
El Indio – Ca s’appelle « jouer avec les intervalles », faire des variations, ne pas chanter de manière plate. C’est comme faire un gâteau, tu prépares la pâte mais si tu n’y ajoutes pas des meringues, des décorations, des petites fleurs de roses, si tu n’écris pas « Félicitations »… Ce n’est pas un gâteau même si il est bon. C’est un gâteau mais personne ne va te l’acheter. C’est ca « jouer avec les intervalles » !
Leonel – Dans ce pays on commence par parler de musique et on finit toujours par parler de cuisine. Ca se finit toujours avec de la sauce !
El Indio – Oui, ca se termine avec de la Salsa mais aussi du Son! Parce que la Salsa est la fille aînée du Son !
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