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Comme beaucoup de danseurs qui liront cette interview, nous avons appris à danser la « salsa cubaine » dans les années 2000.
Cette « salsa cubaine » a pour particularité de mettre en avant l’immense richesse culturelle de Cuba. C’est donc naturellement que nous avons cherché un peu à comprendre ce que l’on mettait derrière cette dénomination de « salsa cubaine ». La réponse est simple : ce terme « salsa » que nous utilisons plaît plus aux touristes qu’aux Cubains, où l’on danse là-bas le « Casino »…

L’excellent livre de Barbara Balbuena, « El Casino y la Salsa en Cuba », nous apprend énormément de choses sur la naissance du Casino, son évolution. Une chronique de ce livre, par Negrita, est visible en cliquant sur cette phrase.

Le Casino continue encore et toujours à évoluer. Cependant sa structure de base, ses déplacements plutôt circulaires, permettent de le différencier des autres styles de « salsa ».

Une faiblesse du Casino est certainement son manque de reconnaissance et de standardisation à Cuba, qui laisse donc l’opportunité aux autres pays du monde de s’approprier à leur sauce cette danse. Par exemple, aux Etats-Unis, où les salsas que l’on définit dans la catégorie « Porto » sont majoritaires, est né le courant de la salsa « Miami Style », où les éléments stylistiques de la danse en ligne rejoignent les passes et la rueda de Casino.

Cependant, de plus en plus de Cubains veulent se réapproprier le Casino, et dans une démarche d’investigation en ce sens, nous avons découvert quelqu’un qui a réfléchi à la standardisation du Casino, et qui a créé sa propre méthode d’enseignement. Il s’agit de Yoel Marrero et de sa méthode : « El Método del Cuadro del Casino ».

Yoel Marrero n’enseigne pas le Casino de la rue, avec ses tembleques et ses despelotes, celui qui se danse sur la timba, mais enseigne un Casino élégant tel qu’il se dansait dans les salons dans les années 80. A Cuba on appelle ce courant le Casino Clasico, ou le Casino limpio…

Nous étions sûrs qu’il avait plein de choses à dire, plein de choses à nous apprendre, et nous étions impatients de mieux connaître l’homme qui a pris le temps de développer, de structurer sa vision du Casino. La première partie de cette interview nous permet de découvrir Yoel, de comprendre son parcours, ses inspirations et ses aspirations, et sa vision du Casino…

Nous étions également sûrs que son discours serait celui d’un homme convaincu par ses recherches, et qu’il nous permettrait d’en apprendre plus sur sa vision du Casino, que nous cherchons à approfondir. Nous nous sommes également intéressés à son point de vue sur l’origine du Miami Style, cette branche dérivée que beaucoup de salseros pratiquent, sans le savoir 😉 Ceci sera abordé dans la seconde partie de l’interview.

Yoel Marrero pratiquait le Casino alors que nous ne savions pas encore ce que c’était, il l’a vu évoluer et vous verrez qu’il a choisi de ne pas suivre/cautionner toutes ces évolutions. Évolutions qui nous semblent faire partie intégrante du Casino, car comme cela est précisé plus haut, la majorité d’entre nous sommes de la « génération Timba », ce courant moderne de la musique cubaine qui nous fait vibrer et qui nourrit notre passion pour le Casino.

En ce sens, bien que nous ne partageons pas tous les points de vue de Yoel Marrero, nous vous proposons de retranscrire les réponses qu’il a eu la gentillesse et l’amabilité de fournir, avec tout son cœur, aux questions que nous lui avons posées.
A l’issue de cette interview, son travail sur la modélisation du Casino Clasico nous paraît plus qu’intéressant, et important pour la défense du patrimoine cubain, et il nous semblait donc de bon ton de le faire découvrir à celles et ceux qui ne le connaissaient pas encore.
Tous les travaux et recherches que Yoel a menés ont aiguisé sa vision et lui ont permis d’arriver à l’aboutissement de sa réflexion.

En aucun cas en vous proposant cette interview nous affirmons que sa vision est LA vision universelle définissant le Casino, son histoire et sa façon de danser. Mais de par son développement et son argumentation, la vision de Yoel est forcément pertinente dans la réflexion que vous, lecteurs, menez déjà, et qui vous a amenés à partager ces questions.

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Partie 1 – Yoel Marrero et le Casino

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Pour me présenter, je dirais que je suis un chercheur cubain dédié, engagé et dévoué à conserver le Patrimoine des Danses Cubaines dérivées du complexe générique du Son, et plus particulièrement le Casino. Pionnier dans la diffusion internationale de la danse du Casino dans son style orthodoxe et classique. La personne qui a caractérisé et défini pour la première fois les cotes chorégraphiques du Casino, afin de le conserver à travers les générations.
Je suis né et ai été élevé à Cuba, où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 26 ans. Ex-membre du groupe de danses populaires de l’Université de la Havane : « Alma Mater ». Ex-membre de l’équipe nationale de Karaté de Cuba. Diplômé en Chimie de l’Université de la Havane, et ex-professeur de la même faculté. Ex-réalisateur pour la chaîne de télévision NHK, au Japon.
Actuellement, je mets toutes mes connaissances à profit, afin de modéliser un système d’enseignement appelé MCC (Metodo del Cuadro del Casino – Méthode du Carré du Casino), qui reproduit avec le plus haut niveau de fidélité possible le Casino, dans sa dimension de danse culturelle.
Je travaille à approfondir d’un point de vue chorégraphique la relation génétique entre les différentes danses populaires Cubaines qui ont été à l’origine du Casino. Je m’efforce aussi de récupérer des figures traditionnelles du Casino qui se sont perdues dans le temps et que ne connaissent pas les générations actuelles.
Je me dédie à la recherche de la perfection technique et à l’optimisation des mouvements avec comme objectif d’arriver à atteindre des standards qui permettraient de perpétuer le Casino sans tomber dans les déformations tant techniques que stylistiques.

Quel chemin t’a conduit à la danse ?

Quand j’étais petit, je dansais de façon empirique devant l’émission « Para Bailar ». Je disais à mon papa que je voulais danser comme Rosendo, le grand casinero de Cuba. Grâce à ce programme, il y avait des concours locaux dans tous les coins du pays, où participaient les enfants et les jeunes. En gagnant mon premier concours à l’âge de 11 ans, j’ai pu me faire remarquer parmi les danseurs de ma ville natale, Jaguey Grande. Plus tard, pendant ma scolarité secondaire, durant laquelle j’étais interne, nous échangions nos trucs entre élèves entre chaque cours, dès que nous avions dix minutes, pour pouvoir inviter les filles d’autres groupes lors des soirées qui avaient lieu chaque vendredi. Celui qui ne savait pas danser ne trouvait pas de fiancée, c’est pourquoi j’ai toujours fait de mon mieux pour suivre deux objectifs : bien danser, et trouver des petites amies (et j’étais meilleur en danse).
Plus tard, à l’Université, je suis allé à une fête de la Maison des Loisirs de la Fédération Étudiante Universitaire, et le Maestro Farut, directeur et chorégraphe du groupe Alma Mater, m’a proposé d’auditionner pour entrer dans le groupe. Une semaine plus tard, j’étais en train de danser au Festival de la Culture de l’Université de La Havane. A la mort de Farut, nous avons continué à répéter la chorégraphie de façon fidèle, comme s’il ne nous avait pas quittés. Nous avons d’abord travaillé sur les comptes, puis nous nous sommes appliqués au « nettoyage » de la chorégraphie.
Je crois que ce concept de nettoyage fut ce qui m’a poussé à créer la méthode d’enseignement MCC pour le Casino. « Nettoyer », c’est basiquement épurer et standardiser chaque détail de chaque mouvement individuel de chaque danseur. Ce que nous faisions au millimètre : le pied droit en appui sur la pointe, à 45° vers l’extérieur, les genoux tendus, le torse bombé, sans courber le dos, le talon gauche levé au maximum, les épaules relâchées, le cou bien droit, le menton levé, le sourire… le regard…
Les membres de Alma Mater changeaient chaque année, avec le diplôme de certains et l’arrivé d’autres étudiants, mais le style Alma Mater créé par Farut fut conservé de façon intacte grâce à l’opération de « nettoyage » que nous avions effectué. C’est cette méthode que j’applique des années après pour le Casino.

As-tu suivi une formation spécialisée en danses avant ou après tes recherches ?

Après avoir enseigné 5 ans au Japon, à partir de 1998, je suis rentré à Cuba en 2003, pour enquêter de manière approfondie sur la stylistique et l’esprit qui émanent de la rumba. J’ai pris des cours au Conjunto Folklorico National, et j’ai passé une année à apprendre les détails stylistiques de la rumba avec le Maestro Luis Chacon Mendive (« Luis Aspirina »). C’est un professeur qui enseigne de façon empirique, c’est pourquoi je pouvais rester jusqu’à 24h à ses côtés pour apprendre par mimétisme. Je peux dire qu’après avoir profité de l’enseignement systématique du Maestro Farut, pour les danses populaires durant mes années universitaires au sein du groupe Alma Mater, j’ai dû reprendre mon étude de la stylistique populaire dans l’école de la « rue » pour la rumba. Pendant presque une année, j’ai écumé chaque fin de semaine toutes les places de rumba de la Havane, pratiqué avec les meilleurs maestros et danseurs de rumba de Cuba, parmi lesquels se retrouvaient Domingo Pau, Sergio Larrinaga, Manguero, Lazaro Pedrozo (Mujica), qui d’ailleurs était mon professeur de danses à la Maison de la Culture de mon village natal, Jaguey Grande, après la mort de Farut.

Il semble que tu veuilles définir et structurer le Casino de la manière dont il se dansait avant l’avènement de la Timba ? Nous trompons-nous ?

Vous avez tout à fait raison. La Timba est une sous-catégorie musicale, et la danse a évolué aussi, mais il n’y a pas de changement réel, structurel, du point chorégraphique concernant le Casino. En d’autres mots, on a changé les vêtements mais le squelette reste le même. Ce que j’essaie de donner c’est une référence pour ce squelette, une carte de cette danse. Que le casinero danse à chaque moment comme s’il avait un GPS, sachant à quel point exact de sa carte de danse il se situe, et qu’ainsi il puisse dominer toutes les possibilités de combinaisons logiques qui s’offrent à lui, à l’intérieur de la définition du Casino.
Je suis Cubain et je défends ma musique mais personnellement j’ai quelques observations sur la Timba tant comme musique que sur sa déclinaison en danse, car pour moi il est clair que la Timba n’est pas un genre, ni une danse (comme ne l’est pas non plus la mal nommée Salsa). La Timba propose des cassures musicales, des breaks, qui tombent au milieu d’un cycle de Clave, d’une phrase musicale, en résulte que le danseur, s’il n’est pas attentif, se retrouve à danser inversé aux niveaux des pieds (ndlr : par exemple pour un garçon le 1 à droite au lieu de gauche). Jusque là c’est acceptable, mais le phénomène de la Timba a augmenté la proportion de danseurs qui dansent « atrevesados », c’est-à-dire sur 345 – 781 (ndlr : ici on parle de « danser sur le 3 », habitude largement répandue à l’heure actuelle à Cuba, notamment à La Havane). Je le regrette.
Mais il est certain que les musiciens ont le droit d’exprimer leurs envies créatives et que le danseur doit s’en accommoder.
En ce qui me concerne par exemple je trouve que les blocs de coros à répétition sont très ennuyeux et je crois que cela influe dans la « composition » de la danse. Souvenons-nous de l’ordre : introduction, développement, Montuno, conclusion. La bonne musique Cubaine suit toujours ce fil, mais certaines chansons de Timba commencent et terminent de la même façon. La Timba, tu ne pourrais pas la siffler parce qu’il lui manque une ligne mélodique de qualité et ceci fait de la danse un marathon.

Pourquoi cette décision de définir et structurer le casino ?

Bonne question !
Dans les années 90, les gens ont peu à peu cessé de danser en couple. Aujourd’hui tu vas rencontrer une fille et le simple fait de la regarder danser et bouger t’incite fortement à aller l’inviter. Et lorsque tu vas l’inviter elle te répond qu’elle ne sait pas danser en couple, ou elle accepte ton invitation, n’arrive pas à te suivre et te dit : « fais-moi danser suave et ne me fais pas trop de passes ».
J’ai décidé de mettre au point cette méthode pour que les gens continuent à savoir danser et que le transfert de cette tradition à travers les générations soit plus facile, avec comme résultat personnel, de continuer à trouver des gens qui savent danser de cette manière.
Egalement pour que le Casino puisse se conserver et se transmettre à l’étranger, cela me dérangerait qu’il lui arrive ce qui est déjà arrivé, avec le fait de nommer « salsa » notre musique et de se l’attribuer comme l’ont fait les Portoricains de New York par le passé.
Une autre raison est que je n’aime pas les inventions. Je vais confesser quelque chose un peu cru : beaucoup de ceux qui se prétendent danseurs professionnels, la majorité même s’il y a des exceptions, manquent de méthode et d’intelligence dans ce qu’ils font.
Ils ne savent pas ce qu’ils font eux même quand ils dansent le Casino et ne sont pas conscients de sa structure. Pour ces raisons, ils le déforment quand ils l’enseignent.
Quand tu vas à un de leurs cours tu peux seulement les entendre dire : « gozalo!, relajate!, muevete! rico, ahi na ma! ». De cette manière, la seule solution est d’apprendre par imitation, mais parfois ils expliquent un mouvement exactement à l’inverse de ce qu’il est en réalité. Ils ne sont pas capables de reproduire ce que eux-mêmes dansent…
C’est comme ça que le style commence à se déformer : ils enseignent une chose différente de ce qui existe et ils mélangent le tout de manière incohérente.
Il fallait vraiment que quelqu’un fasse ce travail de définition de ce qu’est le Casino, et c’est ce que je m’efforce de faire.

Comment les gens apprennent le Casino à Cuba ? En cours ou dans les fêtes ?

Je ne crois pas que le Casino s’apprend à Cuba de manière systématique ni avec une orientation pédagogique adéquate, mais principalement de manière empirique et par transmission orale. Les parents l’enseignent à leurs enfants. Si le Père n’est pas danseur par exemple, l’enfant peut apprendre à l’école avec ses camarades de classe.
En général, à Cuba il n’y a pas de fête sans musique, et ainsi les fêtes se convertissent spontanément en un endroit d’apprentissage pour le Casino.
Les cours qui ont été inventés dans les hôtels ou les institutions l’ont été en majorité pour les touristes, et comme il s’agissait d’enseigner à des touristes, on s’est peu soucié de l’orientation académique. Un exemple : en général ceux qui enseignent à des étrangers considèrent qu’il est plus facile d’enseigner au début le pas devant-derrière, pas qui dans le Casino n’est utilisé qu’occasionnellement, et ce genre de choses provoque une mauvaise interprétation du Casino, et sa transmission déformée. Au moment de passer à l’apprentissage en couple les messages se contredisent, et même s’ils enseignent quelques figures, ça ne ressemble souvent que de très loin à ce que danse le Cubain en réalité.
Le Conjunto Folkorico Nacional l’enseigne durant les cours de l’évènement international FolkCuba comme partie intégrante du cycle Danses populaires, mais sur ce que j’ai vu personnellement, leur méthodologie ne reproduit pas vraiment le fait culturel du Casino. Je ne crois pas que ce qu’ils enseignent soit applicable quand on va sortir danser dans les lieux nocturnes de la Havane.
Bien sûr il y a des Maitres de Danse professionnels qui ont leurs contacts avec des étrangers qui viennent à Cuba pour prendre des cours, mais à en juger sur ceux que j’ai vus danser, il s’agit plutôt de la reproduction de multiples styles très personnels plutôt qu’une règle générale qui définirait une danse populaire établie comme l’est le Casino.
Les bons Casineros que je connais ont appris d’autres bons danseurs plus âgés, mais si chacun a son propre style, le squelette du Casino continue à se transmettre tel qu’il doit être.

Penses-tu que le Casino est une danse de Salon ou une danse de rue ?

Le Casino se danse dans un salon ou dans un espace ouvert et n’est pas une danse « Callejera » (nldr : callejero est utilisé dans le sens péjoratif du terme qu’on lui connait à Cuba, « de la rue » ou plutot « du caniveau » ..).
De la rue, nous en sortons tous mais nous ne nous comportons pas tous comme des « callejeros ». Le Casino peut être dansé par un « Callejero » ou pas, mais du point de vue social son lieu d’expression au départ n’est pas l’endroit dit « de Mal Ambiente » (ndlr : on pourrait dire ici : « la zone »), pas plus que du point du style ce n’est pas une danse de « Chavacano y de Guaperia » (ndlr : une danse de grossiers, d’insolents, de voyous).
Et même si dans ses enrichissements stylistiques il contient une grande partie de la gestuelle de la Rumba, je considère que ce n’est pas une danse de la rue dans le sens péjoratif du terme.
Dans les années 80, malheureusement c’était majoritairement les « Guapos » (ndlr : traduction différente du terme espagnol, guapo à Cuba = fier, parfois même belliqueux) qui dansaient le Casino. Ceux qu’ont appelait dans le Jargon Cubain « los maleantes callejeros » se sont appropriés la piste de danse et ont créé peu à peu des problèmes à répétition.
C’est pour cette raison qu’à cette époque ont pratiquement disparus les concerts en plein air.
Le Casino, bien sûr peut se danser dans des lieux ouverts, jusque sur la plage si on veut, mais il n’est pas question du lieu sinon des codes et de la morale sociale avec laquelle il se pratique. Une fête à la maison par exemple est une réunion sociale informelle dans lequel on pratique très fréquemment le Casino…
C’est pour cela que je considère le Casino comme une danse sociale plutôt qu’une danse de rue.
Le Casino pour moi se danse en couple et pas seul, il se danse avec élégance même si c’est au milieu de la rue…
Si l’appeler danse de rue implique de danser bossu, avec une posture accroupie, les pieds tournés vers l’intérieur, en jean ou en survêtement et tricot de peau, avec une casquette et en train de se jeter par terre à 4 pattes pour bouger exagérément les hanches et le pelvis (ndlr : ce qu’on appelle el Perreo), montrant ainsi un acte outrancier devant les enfants et les vieux, alors je ne suis pas d’accord et je peux t’assurer que le Casino n’est pas une danse de la rue et devrait rester une danse de salon, caractérisée avant tout par le bon goût.

Qui sont tes exemples en Casino ? (Bailarines o bailadores)

Le défunt Rosendo, Angel Santos (la Havane), le couple d’anciens Piloto et Esther (La Havane), Lazaro Pedrozo « Mujica » (Jaguey Grande, Matanzas), Hermes Marrero (mon jeune frére qui vit au Japon), Ivan Sardinias (Osaka, Japon). Tous ceux ci se conforment au moins partiellement et de manière cohérente au style orthodoxe qui est le mien.
J’ai également une liste de mauvais exemples qui sont une menace pour la conservation du Casino véritable et qui, même si certains d’entre eux sont très connus, ne rentreront pas dans mes références.
J’ai également une liste de très bons amis qui sont des Casineros terribles mais qui considèrent absurde de se rendre célèbre pour quelque chose d’aussi banal, et qui du coup se retrouvent dans l’ombre, même si ce sont de grands Maestros…

Comment as-tu eu l’idée d’étudier la manière de se déplacer dans le Casino ?

Quand je suis arrivé au Japon en 1997 et qu’en assistant à un cours de salsa j’ai vu les gens danser sur une ligne sans bouger de l’endroit où ils étaient, j’ai cru qu’ils étaient punis…
Ensuite, en dansant dans une soirée, j’ai commencé à me déplacer et là j’ai noté que les femmes ne savaient pas faire quelque chose d’aussi simple que marcher.
C’est ce qui me fit penser que le prétendu pas basique qu’ils apprenaient les transformait en danseurs limités du point de vue moteur (ndlr : au niveau des déplacements).
Il y avait une erreur motrice dans le pas basique qui les habituait à ne pas noter que les comptes 2 et 6 quand ils sont marqués sur place (quand ce n’est pas un peu en arrière comme je l’ai vu souvent) n’étaient pas de vrais pas, s’ils ne décollaient pas le pied du sol, suivi d’un transfert du poids du corps.
Je me suis rendu compte que dans le Casino, dont les bases le rapprochent d’une danse de salon (c’est une influence directe du son), est inclus ce que nous appelons « marquage du territoire » ; les déplacements existaient d’une forme naturelle (saloneo, floreo, paseo, arriba, abajo, adios continuado) et les danseurs étaient habitués à se déplacer comme s’ils marchaient, même s’ils dansaient sur place, de la même manière, ils marquaient les temps 2 et 6 avec la même amplitude que les autres pas, et de manière certaine, les pas ne se marquaient pas vers l’arrière, à l’exception du pas de Son en position fermée.
Un jour vint au Japon une super Star de la Salsa de Los Angeles : Josie Neglia, et je l’ai invitée à danser. Elle a failli se casser la figure : elle non plus n’arrivait pas à se déplacer sur la piste de danse, bien qu’elle était considérée comme une danseuse professionnelle.
L’année suivante, je suis retourné à Cuba et j’ai rendu visite à tous les vieux danseurs et j’ai commencé à tirer de l’oubli les pas de déplacements qui existaient dans le Casino : « saloneo », « floreo », « paseo »… Il y a au moins une dizaine de déplacements que j’ai pu grâce à eux récupérer.
Jusqu’à une paire d’années on voyait très peu ce genre de déplacements sur des vidéos publiques. À partir de la publication de mon premier DVD : Cuban Dance Selection Vol. 1, et d’autres vidéos sur Internet j’ai remarqué que les gens ont commencé à faire ces pas avec une plus grande fréquence.

En quoi peux tu dire que ces déplacements sont spécifiques du Casino ?

Le Casino, dans sa structure, est un conglomérat d’éléments chorégraphiques de diverses danses populaires cubaines, plus concrètement le Son urbain, le Danzon, le Chachacha, et au niveau du style, il contient les ornements de la Rumba.
Mais le Casino hérite majoritairement ses types de déplacements du Son, qui, soit dit en passant, est lui assez libre quand à son graphisme géométrique, pas comme le Casino, qui a la contrainte d’être comme dans une rueda invisible, avec une angularité caractéristique dans la danse. On peut dire que ces pas sont caractéristiques du Son et du Casino.
Les danseurs des années 50 ne pouvaient pas danser le Casino ni en rueda ni en couple sans se détacher des éléments importés du son. Ainsi le Casino des années 50 était encore dans son etape primitive, de formation, et beaucoup de ses pas étaient des pas de déplacement.
Quand est venu le moment de pratiquer en rueda, ces pas de déplacement se sont avérés trés pratiques pour faire tourner la rueda dans les 2 directions tout en dessinant d’innombrables créations chorégraphiques qui ensuite resteront comme éléments caractéristiques du Casino.

En quoi consiste ta méthode d’enseignement : la méthode du carré du Casino ?

C’est une modélisation géométrique qui reproduit l’angularité réelle de la danse du Casino.
Partons de la rueda : le triangle qui se forme (comme une part de pizza) entre l’arc de cercle de la rueda se situant entre l’homme et la femme de chaque couple, et le rayon sur lequel se termine toujours une figure basique de 8 temps définit la position relative et l’angle correct dans le couple. Chaque 8 temps le couple se retrouve sur l’une des trois Positions Basiques ou Point de Combinaison : la Position Fermée, la Position de Caida (ndlr : ouverture avant le dile que no/paseala/sacala, quand la fille est à la droite du garçon) ou la Position Ouverte. Et quel que soit le lien entre les mains, si tu les lâches en continuant les mêmes déplacements, tu te rendras compte que tu te retrouves toujours dans l’une de ces positions chaque 8 temps, et passer de l’une à l’autre grâce à un des 35 chemins possibles que l’on peut emprunter en 6 pas.
Si l’on enlève la pointe de ce triangle, qui est le centre exact de la rueda dans lequel le couple ne se rend pas, il nous reste une espèce de carré. Ce carré devient une référence pour le couple, et si l’un et l’autre se déplacent d’un coin à l’autre du carré chaque 4 temps dans les 2 sens de circulation, cela permet de se déplacer en marquant les angles et donc de se retrouver chaque fois dans une position commode pour garder une évolution fluide de la danse, quelles que soient les figures.
C’est comme se servir d’un GPS, quelque chose qui te dit en quel point tu te situes et où tu peux aller. Cela te permet de comprendre la danse que tu exécutes comme si tu la voyais du dessus.

Il y a trois types de guidage : le Guidage avec le Poids, le Guidage à Une Main, et le Guidage à Deux Mains (pivote et guide) qui, s’ils sont exécutés à la perfection, permettront au cavalier de conduire sans équivoque sa partenaire sur l’orbite qu’il souhaite lui faire prendre, comme s’il dessinait sa danse avec un crayon imaginaire. Ces guidages peuvent changer parfois à la moitié d’une figure, et si l’homme guide bien, même une danseuse débutante pourra être guidée juste en marchant et en suivant ce que lui propose le cavalier.

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PARTIE 2 – Casino et Miami Style

Qu’est-ce que la Salsa Miami Style ?

Présenter une vérité sans se référer à un mensonge est très difficile. Je précise que mon intention n’est pas de critiquer avec mauvaise intention, ni d’ôter le mérite du travail des autres, mais plutôt de donner l’opportunité aux gens de discerner la différence entre l’original et authentique, et la création commerciale. Pour ces raisons je serai par nécessité catégorique et critique.

Pour commencer, j’aimerais préciser que bien que la terminologie « Salsa Miami Style » domine chez les gens qui prennent des cours, il y a beaucoup de Cubains qui, danseurs ou non, ne s’imaginent pas que cela existe, et qui, en voyant ce que l’on appelle le Miami Style, diront sûrement : « Non ! Que c’est laid ! C’est du Casino mal dansé ! ». Croyez-moi, je l’ai vérifié plusieurs fois.

C’est comme les gens qui dansent cette Rumba qui n’en est pas une, et ceux qui savent réellement ce que c’est, diront : excusez-moi, mais tu danses la « Danse de Juanito » (version miami du pas de base de la rumba qui est devenue populaire grâce à la chanson Conga de Gloria Estefan).
Pour entrer en matière, j’aimerais expliquer de façon générique ce que signifie pour moi le Miami Style.

Prenons des exemples pour illustrer : à Miami tu trouves des sushis dans des buffets de restaurants Chinois, et dans des restaurants Thaï et Sushi. Comme si le sushi était Thaïlandais ou Chinois. Mais peu de gens connaissent les vrais restaurants japonais qui proposent des sushis authentiques. Et tout le monde à Miami pense qu’il mange des vrais sushis. Aux Etats-Unis, le pays des inventeurs, cela se passe souvent comme cela. Le même exemple se retrouve dans les « Ecoles de Karaté » où l’on t’enseigne le Taekwondo, ou dans la danse arabe Raqs Sharqi à qui on a donné le triste nom de Danse du Ventre, ainsi que pour la musique cubaine jouée par d’autres qui l’ont appelé « salsa ».

Miami est une ville faite pour les « amateurs », comme on dirait en bon cubain : les choses sont faites « à la machette », et la devise des gens paraît y être : « invente quelque chose et mets-y un nom ». Peu importe si cela est authentique ou non, si cela se vend, tout est pardonné.

Miami me paraît être une ville sans personnalité. Pas de structure et un ambiance urbaine sans âme. Il n’y a qu’un seul lieu à Miami où tu trouveras l’aspect d’une ville : Miami Beach. Mais ce centre urbain est un pôle touristique, et nous ne pouvons pas dire qu’il apporte beaucoup à la personnalité globale de Miami, en tant que ville. Il y a aussi un autre aspect de la ville, le Down Town, mais nous n’en tenons pas compte, car c’est une zone de concentrations de bureaux.
Faute d’un véritable cœur de ville où les gens pourraient se rencontrer et partager une vie sociale, les seuls endroits où les gens transitent à la recherche d’achats ou de rencontres sont les centres commerciaux. Cette ambiance crée au final une foule qui suit la dernière mode sans réfléchir sur le bon goût, et qui fait du « estilo Miami » le « no tener estilo ». Au final la grande ville Miami nous transforme en une grande masse portant les mêmes vêtements et pensant tous pareils.
Par rapport au Casino, la mal nommée Salsa Miami Style suit les mêmes règles. Quelque chose que les gens suivent sans réfléchir. Si c’est incommode à danser ou pas, pas d’importance. Si le résultat est laid ou le rendu ridicule, ils ne s’en rendent même pas compte. Ils suivent la foule en disant : « esto es lo que hay ».
Mais en réalité, le Miami Style n’est rien de plus que la danse de Casino cubain déformée par des méthodologies d’enseignement erronées qu’avaient commencé à transmettre les premieres personnes qui se sont consacrés à ce commerce à Miami, tout cela orné d’éléments incongrus et de mauvais goût, comme peuvent le faire ici les gens pour leur tenue vestimentaire.
Comment le Miami Style a obtenu sa méthodologie ? En copiant la copie !
En se laissant guider par les premières vidéos instructives de salsa qu’ont sortis les new-yorkais et qui elles même étaient déjà une déformation linéaire du Casino surgi dans les années 50. Je dis une déformation linéaire parce qu’ils ont déformé les dessins spatiaux du Casino original pour simplifier les classes en mettant les hommes sur une ligne et les femmes sur l’autre, avec le professeur et son assistante en tête de chaque file et en apprenant les difficiles figures du Casino simplifiées à une ligne droite.
Par exemple le « dile que no » qu’ils ont transposé sur une ligne droite et l’ont appelé « cross-body-lead ». (ndlr : théorie à vérifier, le dile que no de Son se faisant également sur une ligne)
Cependant il faut reconnaitre le mérite aux pionniers du Casino à Miami d’avoir commencé à transmettre cet élément de la culture cubaine. C’est clair que j’aurai préféré qu’ils maintiennent le nom original de danse de Casino avec dignité. Mais ils ont créé de nouveaux noms comme Rueda de Miami pour Rueda de Casino ou Salsa Miami style pour la danse de Casino dansée en couple.
Ces changements de nom viennent par la nécessité d’avoir « une marque » qui puisse être identifiée au milieu d’une liste de styles de salsa (ndlr : LA style, NY style…) pour pouvoir être compétitive sur le marché des congrès de salsa, monopolisés par le Portoricain Alberto Torres. Ce qui est sûr c’est que les propres pionniers de la prétendue Salsa Miami style m’ont confessé en entretiens privés qu’ils savaient bien eux-mêmes que ce nom était utilisé par « los de afuera » mais qu’entre nous Cubains, c’était du Casino. Et aussi que quand ils avaient essayé de l’appeler Casino, les gens confondaient avec les jeux de Casino et qu’ils se sont vus obligés de l’appeler Salsa, avec l’appellation Miami Style.
En écoutant toutes ces excuses, je me suis souvenu qu’à mon arrivée au Japon, personne ne disait ni ne connaissait la danse de Casino, parce que les premiers Cubains qui était arrivés là avaient dû faire un compromis, inventer un nouveau style en le nommant salsa, pour pouvoir gagner leur pain. Quand j’ai quitté le Japon au bout de 13 ans de travail, tout le monde disait Casino et savait différencier ce qui était du Casino ou pas. Je crois que le fait de conserver le nom est une question de constance et de principes.
Ensuite vient une autre raison de s’accrocher à ce nom de Miami Style : quand les danseurs de Miami style se sont rendus compte que dans le monde, il y avait des cubains qui leur disaient que leur façon de danser était laide, que ce qu’ils tentaient de déguiser était en fait du Casino mal dansé, alors pour justifier des déformations techniques qui les éloignait du Casino, ils ont dit qu’ils avaient inventé un autre style. Mais personne à ce jour n’a défini quelles sont les côtes techniques et chorégraphiques du Miami style.
Ce qui est sûr aussi, c’est qu’à Miami, il y a beaucoup de Cubains qui dansent le Casino et qui sont réticents à prendre des cours de Miami style, parce qu’ils considèrent ça comme une invention, et qu’aux congrès de ruedas qui ont lieu ici ne vient aucun Cubain, même pas de Miami. Tout ceci parce que le Cubain danseur de Casino ne reconnait pas le Miami Style comme authentique.

Nous voyons qu’il existe des différences notables et concrètes entre le « Estilo Mayamero » et le « Baile de Casino Cubano original »

1. Où existent-elles ?

Le Casino existe dans la culture du Cubain qui est né et a grandi à Cuba, et chez les élèves de tous ces pays ou il s’est exporté. C’est un fait culturel.
Le style Miami « existe » dans des vidéos pédagogiques, et dans les écoles de Miami où vont les descendants cubains et latinos qui ne connaissent pas le style original. Il se pratique également dans les écoles d’autres pays où l’on apprend grâce à des vidéos, tout en essayant de se mesurer aux véritables Maestros cubains de ces pays, qui tiennent des écoles proposant le véritable style du Casino, mais qui, limités par un manque de méthodologie efficace, finissent par imiter d’autres styles au moment d’enseigner.

2. Comment se sont-elles établies ?

Le Casino était en gestation à Cuba depuis les années 40, sous une forme de Son Urbano et de Guaracha.
Mais il n’est officiellement né avec une nouvelle structure chorégraphique distincte, que dans la seconde moitié des années 50, passant par une première « Etape de Formation », très courte, qui dura jusqu’au début des années 60.
Etape durant laquelle les figures étaient primitives et sans finition technique, et où beaucoup de danseurs de cette époque ne savaient différencier la Guaracha ou le Son Urbano et le Casino naissant, et donc conservaient les éléments de ces danses dans son style.
Suit à ceci, une pause dans le développement de la musique cubaine, qui dure jusqu’au milieu des années 70.
Commence ensuite une « Etape d’Optimisation et de Développement » jusqu’à la fin des années 80, parallèlement à l’apparition d’une nouvelle façon de jouer la « Musica Cubana Bailable », qui, grâce à sa richesse innovatrice, permit l’incorporation de nombreux éléments stylistiques de la rumba dans la danse, allant de pair avec la pratique massive du Casino, sans distinction de race, grâce à l’émulation de la télévision cubaine et de son programme phare, Para Bailar, et la réhabilitation d’anciens centres de loisirs populaires.
Dans les années 90, le Casino dansé en couple entra dans une « Etape de Stagnation » pour différentes raisons, entres autres le manque de discipline sociale dans les endroits dansants, puis le début de la danse sans partenaire durant les concerts publics.
La quatrième étape : « Etape de Sauvetage et de Revalorisation » commença avec l’émigration cubaine et la possibilité pour les groupes de partir en tournée à l’étranger, phénomène au cours duquel beaucoup de cubains insulaires ou émigrés ont revalorisé l’importance de ces manifestations comme symbole de leur identité, et le sonero Adalberto Álvarez et son ami le directeur de télévision Víctor Torres prirent l’initiative de remettre au goût du jour les concours de danse à Cuba, en encourageant la pratique systématique du Casino.
C’est ainsi que les maisons de la culture de beaucoup de villes se sont enthousiasmées et ont développé leurs propres groupes de Rueda de Casino.
Parallèlement à cela, la systématisation de l’enseignement du Casino s’est renforcée au-delà du bloc culturel (au-delà de Cuba), ainsi que les recherches méthodologiques liées à la reproduction de cet élément culturel à l’attention des étudiants étrangers.

A Miami, il s’est passé la chose suivante : le Casino est arrivé à divers moments historiques de l’émigration cubaine aux USA.
La première correspond à l’époque de la première « Etape de Formation » de 1959, quand il n’existait pas à Cuba de nom officiel pour les Ruedas de Casino ou la danse Casino simplement dansée en couple. Ces anciens danseurs de Miami se référèrent à la guaracha, au son, à la « rueda » sans son appellation « de Casino », et par manque à Miami de scène musicale s’y rapportant, ils n’arrivèrent pas à imposer leur tradition de danse de société.
Il est de bon ton de rappeler qu’à cette époque à Cuba, les premières ruedas n’était pas de Casino, mais de Danzon et de Chachachá. Plus tard à La Havane, quand, dans le centre de loisirs récréatif appelé « Casino Deportivo » de Miramar, une rueda est née grâce au rythme de la nouvelle sonorité apportée par Benny More, on a commencé à parler de Rueda du Casino, mais quand bien même, les ruedas continuaient à se danser avec des guarachas et des sons montunos.
La seconde étape apparut après l’exode massif des années 80, connu avec l’épisode du bateau El Mariel, mais comme il s’agissait d’une population récemment arrivée, avec pour nécessité de s’installer rapidement dans cette nouvelle vie, ils ne contribuèrent pas non plus de façon importante à la formation dudit Miami Style.

Alors, quand et comment est apparu le Miami Style ?

Avec l’apparition, dans les années 70, du phénomène de reproduction de la musique Cubaine sous le nouveau nom commercial de Salsa à New York, et après l’apparition ultérieure des Congrès de Salsa à la fin des années 90, monopolisés par le Portoricain Alberto Torres, les cubanos-américains de Miami ont ressenti le besoin de donner un nom à leur style de Casino à moitié oublié de leur vie précédente, afin d’entrer en compétition avec d’autres styles correspondants à d’autres points de chute d’immigration comme Los Angeles (les mexicano-américains) et New-York (Newyoricans = Portoricains de New-york).
Les Cubains arrivés à Miami en différentes étapes historiques du Casino ont essayé de se souvenir de ce Casino originel, et on commencé à combler leurs trous de mémoire en les remplissant par des éléments qu’ils copiaient d’autres styles.
Produire des vidéos instructives et enseigner le Miami Style était pour eux une nouvelle source de profit…
Des vidéos produites à bas coût, avec une seule caméra, ne donnant qu’un angle de vue, exigeait une simplification dans les angles et les déplacements de la danse : ceci a offert aux « nouveaux élèves du Casino » et aux acheteurs de dvd un « nouveau Casino » avec une configuration spatiale spéciale et différente de l’originale.

Dans les cours, pour pouvoir faire comprendre aux nouveaux élèves, les nouveaux enseignants du Miami Style ont dû exagérer les mouvements subtils du Casino original et donner des noms aux choses, en ayant oublié les noms originaux, ou en les traduisant dans un spanglish de Miami qui n’exprime ni la fonction, ni l’idée exacte du mouvement original. Un exemple significatif est l’appellation « tap » (marquage du 4/8 avec le pied) du Miami Style, qui n’est autre qu’une exagération déformée d’un mouvement du pied gauche de l’homme et droit de la femme, accompagné d’un mouvement de guidage de la main de l’homme, utilisé comme un frein pour le changement de direction rapide quand on passe de la « position de caída » à la position ouverte, et qui, à Miami, s’est propagé d’une façon mécanique, à cause de la mauvaise interprétation de sa fonction originelle.
C’est à dire qu’ils séparent le pied du sol en tapant la pointe du pied avec le talon relevé et le genou fléchi, ce qui est réellement anti-esthétique et non fonctionnel.
Pour couronner le tout, ajoutez un mouvement de guidage bien trop exagéré au lieu de privilégier le naturel et le déplacement.

3. La musique sur laquelle elle se danse. Le monopole mayamero (anticubano) de la musique (ndlr : auto-question que YM s’est posée dans le développement de son agrumentation)

Le fameux incident d’opposition qu’a montré Miami avant un concert de Los Van Van au « Miami International Arena » est un exemple très illustratif de ce qui se passe avec la musique cubaine dans cette ville. Il est un fait que, ceux qui vivent à Cuba avec l’envie de vivre à Miami, n’écoutent ou ne valorisent jamais la musique cubaine à Cuba, mais ont une tendance plutôt snob pour la musique en anglais. Pas tous, mais une grande majorité. Il suffit de savoir avec quelle musique on danse à Miami et qui sont ceux qui contrôlent cette distribution et promotion médiatique pour réaliser ce qui arrive avec la danse.
Les seuls cubains connus sont Gloria Estefan, Willy Chirino et Celia Cruz. C’est ce qu’il est permis de jouer dans cette ville sans opposition des mayameros. Que cela serve à danser le Casino ou pas.
Même les artistes cubains émigrés comme Isaac Delgado, Manolin « el Medico », Carlos Manuel, etc. n’ont pas ici une promotion décente, et doivent naviguer dans un marché marginal.
Jusqu’aux DJs auto-proclamés « DJ de Musique Cubaine » qui ont fait campagne pour les « antivanvaneros » à travers leurs pages sociales (facebook).
La radio ne passe pas de musique en provenance de l’île, mais de la « salsa portoricaine ».

Imagines-tu danser le Casino sur une salsa romantica de Marc Anthony ?

Ceci a évidemment une grande influence dans la façon de danser, puisqu’ils utilisent une musique qui n’exige pas que l’on optimise les mouvements et qui est plus facile à suivre sans avoir à bouger les pieds vu les simplifications qu’ils ont fait au Casino original, à cause de tous ces manques évoqués précédemment.

4. Quelques différences techniques concrètes

(Le mieux aurait été d’éditer une vidéo.)
Le Miami Style marque en arrière le 1 et le 5, sans utiliser les temps 4 et 8 pour transférer le poids du corps ou changer de direction, ou, en faisant ce qu’ils appellent un « tap » exagéré et sans sentiment.
Dans le Casino original, les déplacements se font toujours en avant, et les changements de direction se font sur les temps 4 et 8 quand c’est nécessaire, et il faut se déplacer vers l’avant, sur le pas suivant. Cela crée une différence de fluidité notable.
Dans le Casino original, les trois formes de « llevar y seguir » (guider et suivre) sont bien délimitées :

  • La première est « con el peso » (avec le poids du corps – vient du Son), quand on se déplace dans la même direction en position fermée ou ouverte, connectés avec les mains, sans se tirer dans des directions opposées. Par exemple, dans les « paseos », et « floreos », des figures de transition.
  • La seconde : « con una mano » (avec une main) quand on utilise l’action et la réaction et que l’homme guide la partenaire dans la position opposée dans laquelle il se déplace, et interchangeant de position avec la femme qui suit le mouvement en se déplaçant toujours vers l’avant.
  • La troisième : « con dos manos » (avec deux mains – « pivot et guide »), en gardant toujours une base fixe avec la main que l’on appelle « pivot » et guidant la femme autour de ce pivot avec l’autre main, appelée « guide » qui propose le dessin de la figure, comme si l’on faisait un dessin en utilisant un stylo imaginaire au-dessus de la tête de la partenaire, contrôlé à travers son bras (ndlr : un peu comme un compas).

Tout cela permet à l’homme, dans le Casino, de pouvoir diriger sa partenaire selon sa volonté et ses improvisations sur une « orbite sans ambiguïté » que suit la femme en temps réel, sans nécessité de connaître mécaniquement les figures et combinaisons.

Dans le Miami Style, ces règles subtiles sont inconnues, et tout le temps violées.
Exemple : quand l’homme est en position ouverte et souhaite que sa partenaire exécute un « enchufla » (correctement dit : « enchufa ») :

  • Dans le Casino original l’homme avance dès le premier pas en passant derrière la femme selon un demi-cercle, et la femme suit le déplacement en passant devant l’homme de façon semi-circulaire, sur le 4ème temps elle finit son tour et se déplace derrière l’homme de façon semi-circulaire pour se retourner sur le 8, sans se tirer l’un l’autre, pour revenir en position de caida, en face du centre d’une rueda imaginaire.
  • Dans la version déformée du Miami Style, l’homme marque le premier pas en arrière, et les deux autres en avant, et de la même manière fait marquer le premier temps à la femme en arrière en poussant sa main, avant de la tirer sur les deux temps restants.

Cela marque une grande différence dans la fluidité, dans la fonctionnalité et le dynamisme de la danse.

5. Niveau technique réel d’optimisation des mouvements (ndlr : autre auto-question)

Avec l’apparition des différents styles, beaucoup de gens souhaitent les placer au même niveau, et insistent pour établir une « démocratie de l’égalité » entre ceux-ci, afin de pouvoir survivre à la concurrence du marché de l’enseignement.
C’est une grande erreur si nous considérons que certains styles ne sont rien d’autre qu’une version brute et techniquement non optimisée = une non-évolution du Casino. Les styles apparaissent de l’impossibilité et de l’incapacité d’imiter le style original, né comme un fait culturel et optimisé à travers les temps parallèlement au développement de la musique, qui petit à petit exige du danseur moins de mouvements illogiques et non nécessaires. Ou disons à l’inverse qu’elle exige des mouvements optimisés.
Ces sous-styles ont la particularité d’être moins sophistiqués quant à la capacité de mouvements de référence et un peu plus ornés de gestuelle, plus dans les goûts de l’endroit.
Un exemple serait de parler des styles en ligne, de Cuba sont sortis le Son, la Guaracha, et le Son Urbano desquels sont nés le Casino.
En arrivant à New York, elles ont été moulées en ligne afin de permettre d’enseigner dans des classes avec des lignes d’hommes et de femmes. Cela a privé ces styles en ligne de la véritable structure des danses sociales avec des déplacements sur la piste qu’avait apportée le Son.


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