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No me llores más est un Son Montuno de Luis Martinez Griñan, qui fut enregistré vers 1950 par le conjunto d’Arsenio Rodriguez.

La subtilité du texte contraste avec la simplicité des paroles de certains autres Sones. Au premier abord, pourtant, le thème en paraît justement assez simple : un homme demande à une femme d’arrêter de pleurer pour lui, car il ne la croît pas sincère. Mais cette requête laisse ouverte toutes sortes d’interprétations. Les larmes de cette femme sont-elles réellement mensongères ? Ou bien a-t-elle vraiment du chagrin et l’homme, aveuglé par la peur d’être trompé, commet-il une tragique méprise ? Lui-même semble exprimer à plusieurs reprises une émotion réelle devant la souffrance de son amie. Cela ne signifie-t-il pas qu’il est en fait, malgré sa dureté affichée, profondément amoureux de cette femme ? Et sa méfiance ne lui fait-elle pas alors perdre l’occasion d’un grand bonheur partagé si, par aventure, la femme était sincère ?

Tout ces questions, l’auditeur se les pose, de manière plus ou moins consciente, en écoutant ce très beau texte, dont le mérite est justement de les suggérer sans les exprimer de manière explicite. La complexité et l’ambiguïté du sentiment amoureux sont ainsi rendues avec intelligence.

Au-delà de sa grande valeur musicale, l’histoire de No me llores Más constitue également une intéressante illustration de la manière dont le Son Montuno, à travers son influence sur la musique nord-américaine dans les années 1950 et 1960, a contribué, par évolutions successives, à la naissance de la musique de Salsa. Au début des années 1950, en effet, Arsenio Rodriguez décida de venir s’installer aux Etats-Unis. Commença alors pour lui à New York une phase d’intense innovation musicale : intégration dans l’orchestre de Son de nouveaux instruments comme la flûte ou les timbales, renforcement de la section des cuivres, emprunts au Jazz et à l’afro-cubain, invention de nouveaux styles comme le Swing Son et ou le Quidembo…

Cette sonorité nouvelle influença profondément à l’époque de jeunes artistes de musique latine, comme Larry Harlow, Eddie Palmieri puis Willie Colón, qui, quelques années plus tard, vont jeter les bases de la Salsa. En témoigne notamment la reprise au début des années 1970 par Larry Harlow, avec la voix de jeune Ismael Miranda, de Nos me llore más, dans un style encore très proche du Son Montuno, mais déjà dopé par l’éclatante stridence des cuivres.

On notera également Que Wille Colón et Héctor Lavoe enregistrèrent en 1971, dans leur album Cosa Nuestra – un an après la mort de Arsenio Rodriguez, – un thème intitulé No me llores más. Celui-ci par son titre, par son texte (le chanteur demande de ne pas le pleurer quand il mourra), et par certaines similitudes mélodiques, peut être considéré comme un hommage, au moins indirect, à Arsenio Rodriguez. Mais il nous fait aussi entièrement basculer, cette fois, dans l’univers de la Salsa : la continuité entre les deux formes musicales est ainsi clairement établie.

Mais No me llore más a également continué sa carrière à Cuba en tant que Son montuno, comme en témoigne un très bel et récent enregistrement de la chanteuse Omara Portuondo avec l’orchestre Buena Vista Social Club.

Fabrice Hatem

 

Ses interprétations

Par le conjunto d’Arsenio Rodriguez

Par Ismael Miranda et l’orchestre de Larry Harlow (avec une intéressante analyse du texte en commentaire)

Par Omara Portuondo accompagnée par l’orchestres Buenas Vista Social Club

Nos me llores más, chanson de Héctor Lavoe et Willie Colon (Album Cosa Nuestra 1970).

Ses paroles en espagnol[1]

Sa traduction en français

No me llores más
(Luis Martinez Griñan)

Mima no me llores lagrimitas
Que me siento una cosita
Que me acaba con el alma.
Tata tú me pones una carita
Que me siento desvalido,
Que me perturba la calma.

No me llores, no me llores más

No me llores, no me llores más

No quiero que me llores,
Que me digas « papacito de mi alma,
Eres mi vida ».
Sabes que ese disco está rayado,
Ya de oírlo tengo canas
[2],
Todo es mentira.

No me llores, no me llores más

Siempre me está haciendo cuentecitos
Y llorando lagrimitas,
Ya me tiene confundido.
No pienses que yo trago mi negrita
Ese cuento no me manga
Ni me turba los sentidos.

No me llores, no me llores más
No me llores, no me llores más (bis)

No me llores mi negrita,
Me vas a matar.

No me llores, no me llores más,

No…

No me llores, no me llores más

Que no me llores vida mia, que no puedo más…

No me llores, no me llores más

No me llores, no me llores
No me llores, no me llores
No me llores, no me llores mas…
No me llores,…

Ne me pleure pas
(Traduction de Fabrice Hatem)

Chérie, ne pleure pas ces petites larmes
Car ça me fait quelque chose
Qui pourrait bien achever mon âme.
Bébé, tu me fais une de ces têtes
Qui me rend tout déboussolé,
Et qui me perturbe le calme.

Ne pleure pas, ne me pleure plus

Ne me pleure pas, ne me pleure plus

Je ne veux pas que tu me pleures
Que tu me dises « petit papa de mon coeur,
Tu es mon bonheur ».
Tu sais bien que ce disque est rayé
ça me fatigue de l’écouter
Tout est mensonge.

Ne pleure pas, ne me pleure plus

Tu me racontes des histoires
Et avec toutes tes simagrées
Tu me donnes de fausses pensées.
Mais ne croies pas que j’avale tout ça mon bébé
Je les gobbe pas tes petits contes
Et je garde les idées claires.

Ne me pleure pas, ne me pleure plus
Ne me pleure pas, ne me pleure plus (bis)

Ne me pleure pas, petite chérie.
Tu vas me tuer.

Ne me pleure pas, ne me pleure pas

Non…

Ne me pleures pas, ne me pleures plus

Ne me pleure pas, ma vie, je ne peux plus …

Ne me pleure pas, ne me pleures plus

Ne me pleures pas, ne me pleure pas
Ne me pleure pas, ne me pleure pas
Ne me pleures pas, ne me pleures plus
Ne me pleure pas,…

Références complémentaires

Une bio-discographie de Arsenio Rodriguez


[1] Paroles basées sur la version originale d’Arsenio Rodriguez. Les paroles interprétées par le chœur (ou en duo) figurent en italiques.
[2] Littéralement : cela me donne des cheveux blancs.