L’œuvre
Vecina Préstame El Cubo est un Son Montuno composé par Arsenio Rodríguez, qui en fut également le premier interprète avec son célèbre Conjunto. La fraîcheur populaire et coquine des paroles ferait presque oublier la virtuosité technique des interprètes.
Cette œuvre apparaît en effet, à l’instar de beaucoup d’autres Sones, comme une petite scène comique, tirée d’une chronique de la vie quotidienne dans les quartiers populaires de Santiago de Cuba ou de Centro Habana, avec ses discussions et ses petites disputes entre voisins, l’inévitable intervention des badauds, etc.
Sa subtilité particulière tient au fait que c’est ici la structure même du Son Montuno – le dialogue entre le soliste improvisateur et le chœur répétant de manière obsédante son petit refrain, tandis que la partie instrumentale monte progressivement vers un climax – qui est utilisée au service de la théâtralisation. Il est clair en effet que l’insistance intrusive du voisin (exprimé par le refrain), alors même que le personnage féminin a d’emblée exprimé son refus de prêter son seau, provoque chez elle une exaspération progressive. Celle-ci se traduit par de savoureuses improvisations utilisant toute les nuances du « non », depuis le refus poli jusqu’à l’expression d’une colère ouverte, tandis que la montée en puissance de l’orchestre souligne son agacement croissant.
Le second ressort comique tient, bien sur, à l’utilisation d’un double-sens licencieux. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que derrière la demande du prêt d’un ustensile domestique, se cache une solicitation beaucoup plus intime. Cette formule est fréquente dans la chanson cubaine populaire – notamment dans les guarachas -, comme en témoignent les quelques exemples suivants :
Tula est comme une flamme / Appelle les pompiers / Elle est vraiment brûlante, Tula !! / Eh ! Les gars !! Elle est chaude / Tendez les cuirs de vos tambours !! (El cuarto de Tula, improvisation d’Ibrahim Ferrer, sur un texte original de Gonzales Siaba Sergio Eulogio).
Quand Juanica et Chan Chan / Tamisaient le sable dans la mer, / Et qu’elle remuait son petit panier / A Chan Chan, ça lui f’sait d’l’effet (Chan Chan, Francisco Repilado, 1987).
Je connaissais un cuisinier / Qui préparait le mabinga / Et il écrasait les gousses d’ail / Avec la tête de son mortier / Comme dansait la Tomasa / Dans le quartier de la Timba[1](La Negra tomasa, Guillermo Rodríguez Fiffe)
Petite chatoune et gros kiki[2](Cucarachita, cucarachon, Roberto Roena).
Mélange d’humour, de talent musical et de modestie, Vecina Préstame El Cubo prend place selon moi au rang des chefs d’œuvre majeurs du génie populaire cubain. En témoigne d’ailleurs le succès jamais démenti de ce titre, encore repris récemment dans des versions Timba décoiffantes, par d’aussi prestigieux orchestres que NG la Banda ou Pupi y lLos que Son, Son.
Fabrice Hatem
Quelques-unes de ses interprétations | |
– Pupy y Los que Son, Son, concert à Bordeaux, 2009 – Pupy y Los que Son, Son, émission TV – Omara Portuondo avec Pupy y los que Son Son (désactivé) | |
Le texte en espagnol | La traduction en français |
Vecina, préstame el cubo Vecina, vecina! ¡Préstame el cubo! Vecina, vecina, vecina préstame el cubo No te lo puedo prestar Vecina, vecina, vecina préstame el cubo ¿Chico hasta cuándo me vas a pedir el cubo, chico? Vecina, vecina, vecina préstame el cubo Veras que ahorita me subo Vecina, vecina, vecina préstame el cubo Compadre pídeselo a Alejandrina Vecina, vecina, vecina préstame el cubo ¿Qué hubo viejo, qué hubo? Vecina, vecina, vecina préstame el cubo Te lo dije ayer te lo digo hoy Vecina, vecina, vecina préstame el cubo Y allí viene Cotó[4] Vecina, vecina, vecina préstame el cubo | Voisine, prête-moi ton petit seau Voisine, voisine, prête-moi ton petit seau Voisine, voisine, prête-moi ton petit seau Je ne peux pas te le prêter Voisine, voisine, prête-moi ton petit seau Dis, petit, pendant combien de temps tu vas me le demander, petit ? Voisine, voisine, prête-moi ton seau Eh, tu commences à me fatiguer, dis ! Mais mon gars, demande-le à Alejandrina Je te l’ai dit hier, et j’te l‘répète, voila, Ecoute, louloutte, te mets pas en pétard comm’ça Et maintenant voila Cotó |
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