En guise d’introduction…
Installé à Bruxelles depuis 2003, le tresero et chanteur Rey Cabrera est aujourd’hui l’un des représentants les plus éminents de la tradition musicale populaire de Santiago de Cuba. C’est un plaisir immense de l’écouter jouer le Son avec son Septet Rey Cabrera y Sus Amigos. Ces excellents artistes interprètent, avec talent et sans chichis, un répertoire composé de thèmes à la facture simple et forte, souvent composés par Rey lui-même. Une musique merveilleusement propice à la danse, mais que l’on peut aussi goûter en mélomane, tranquillement assis devant un mojito.
Mais Rey Cabrera est aussi une mémoire vivante de l’histoire du Son Santiaguero aux cours de la seconde moitié du XXème siècle. Né comme cette musique dans les collines des alentours de la ville, il a commencé très jeune tôt sa carrière comme musicien de rue en duo avec… Eliades Ochoa, avant de donner vie, pendant plusieurs décennies de travail artistique à Cuba, à la musique populaire sous toutes ses formes : émissions de radio et de télévision, concerts et descargas en compagnie des nombreux groupes auxquels il a participé dans les différents lieux de spectacles de Santiago – au premier rang desquels la fameuse Casa de la Trova…
Il a bien voulu égrener pour nous ces riches souvenirs, bourré d’anecdotes souvent drôles, toujours pleines d’enseignements sur la vie quotidienne des artistes cubains et sur l’histoire de la musique populaire. Cela pourrait fournir la trame d’un véritable roman, dont les péripéties rappellent celle des fameux musiciens du Buena Vista Social Club – un groupe dont il aurait pu de toute évidence faire partie.
Je vous propose de découvrir ce témoignage, enrichi par des captations réalisées lors du concert donné par Rey aux Hangar d’Ivry le 14 juin dernier, dans l’article suivant. Vous y découvrez également une présentation de son dernier CD, Controversia, révélé au public lors d’un concert à Bruges le 5 octobre dernier, et qui s’inscrit comme le reste de l’œuvre de Rey dans la tradition du meilleur Son cubain.
Rey Cabrera : L’histoire du Son au bout des doigts
La vitalité spontanée, le jaillissement multiforme de la culture populaire cubaine m’ont toujours fasciné. Là-bas, le talent artistique peut naître et grandir dans le quartier le plus déshérité, dans le village le plus reculé, dans la maison la plus modeste, comme une vigoureuse semence d’arbre tropical qui bientôt dépasse la taille humaine pour lancer ses feuillages vers le ciel. La densité en est telle que, dans certains quartiers de la Havane de Santiago, chaque pierre semble cacher un artiste. La musique et la danse jaillissent, vivantes et pures, de chaque cour, de chaque fenêtre, de chaque place, de chaque jardin public…
Une scène du film « Buena Vista Social Club » illustre à mes yeux, de manière particulièrement émouvante, cette vitalité. On y voit Eliades Ochoa, marchant, sa guitare à la main et son éternel chapeau de cow-boy sur la tête, dans ce qui semble être une gare de triage ou un dépôt de vieux trains désaffectés (ce qui, à Cuba, revient un peu au même). Il évoque ses débuts de musicien lorsque, encore enfant, il allait jouer dans les rues du port de Santiago, qui était aussi le « quartier chaud » de la ville, pour recueillir quelques pièces de monnaie.
Vivante à jamais dans mon cœur, cette scène présentait cependant pour moi le caractère d’un mythe. Il s’agissait forcément d’un passé hors d’atteinte, dont je ne pourrais jamais que rêver sans pouvoir le rencontrer réellement. Les vieux musiciens étaient morts, les bordels de Santiago étaient fermés depuis longtemps et plus aucun bateau ne déchargeait plus dans le port sa cargaison de marins en goguette… Tout cela était donc définitivement rangé sur les étagères de la mémoire, derrière une transparente mais infranchissable paroi de verre….
Et puis, un soir de juin 2013, j’ai assisté, dans la salle du Hangar d’Ivry, à un concert du vieux tresero Rey Cabrera et de son Septet de Son. Sa voix et des doigts ressuscitèrent alors pour moi ce que le Son Santiaguero avait de plus vivant, rythmé et amical dans sa vigoureuse simplicité qui fait vibrer les coeurs. J’ai alors voulu en savoir davantage sur lui. J’ai interviewé ce musicien. Et brusquement; sans crier gare, a resurgi devant le monde évoqué par Eliades Ochoa – mais pas cette fois sur une inaccessible toile de cinéma : bien vivant, en chair et en os, conté par une voix proche, amicale et chaleureuse.
C’était dans les années 1950, un peu avant le début de la dictature castriste…
Mais n’anticipons pas, et parlons tout d’abord du concert de juin 2013.
C’est sur le conseil de Dj Pascualito je me rendis ce soir-là, avec Salsero Loco Volante Olivier, au concert du Septet Rey Cabrera y Sus Amigos. Il s’agit d’une formation de Son assez traditionnelle avec deux chanteurs (Rey Cabrera au tres accompagné d’une seconde voix aux percussions mineures), un trompettiste, un pianiste, un bongocero, un conguero, et un bassiste. Tous excellents, notamment le pianiste, le trompettiste et Rey Cabrera au tres (voir la liste des musiciens en fin d’article).
Situé sur un terrain très dégagé, juste derrière la mairie, le Hangar d’Ivry est une salle de spectacle installée, comme son nom l’indique, sur les lieux d’un ancien hangar. Si le bâtiment, rectangulaire et longiligne, ne paye pas vraiment de mine de l’extérieur, il abrite une salle moderne et bien aménagée, beaucoup plus longue que large. La piste de danse, où le public se presse debout les soirs de concerts, est assez étroite, un peu coincée entre la scène et la guérite de mixage, qui trône sur une sorte de mezzanine le long du mur faisant face à la piste.
Cette disposition a priori un peu étrange – on a le nez littéralement collé sur la scène – possède un mérite immense, celui de créer une très forte proximité entre les artistes et le public. Et accessoirement, de créer des conditions idéales pour les captations, comme vous pourrez le constater vous-même en regardant les vidéos associées à cet article. Les caméras sont en effet installées en hauteur, à quelques mètres de la scène. Le confort de tournage est encore accru par l’accueil chaleureux, serviable et efficace de l’équipe technique (Pour écouter quelques enregistrements de ce concert, cliquez sur les liens en bas de cet article).
Le concert commença donc, à peu près à l’heure, devant une audience assez fournie de danseurs, dont la présence joyeuse en face de la scène encourageait les artistes à donner le meilleur d’eux-mêmes. Rey Cabrera trônait assis, la guitare à la main devant ses musiciens, imperturbable, hiératique, avec sur son visage rond et boucané un imperceptible sourire qui le faisait un peu ressembler à un sphinx. Il nous interpréta un répertoire de Son à la sonorité très traditionnelle, bien ancrée dans la terre et dans le rythme, avec des solos de trompette, de piano et de tres capables de réveiller un paralytique. Une musique à la fois sans prétention, terriblement dansante, et originale, puisque la plupart des morceaux ne sont pas des reprises de thèmes existants, mais des compositions de Rey Cabrera lui-même. Des compositions d’ailleurs de très bonne facture malgré leur simplicité apparente, et dont plusieurs seraient parfaitement digne d’être intégrées d’emblée dans le noyau du répertoire traditionnel, suivant l’exemple du récent mais déjà intemporel Chan Chan de Compay Segundo.
Une présence scénique forte et tranquille, sans aucune trace d’histrionisme ; une relation simple et amicale avec le public, des compositions de valeur, des interprètes de grande qualité, un mélange d’immense professionnalisme et de décontraction bonhomme : tranquillement assis sur sa chaise, Rey Cabrera son chante la poésie des collines de Santiago, avec ses guateke (petits restaurants), ses bohios (petite chaumière), sa récolte de café, ses bons plats de viande mijotée, les jolis yeux de la fille du voisin…
Un monde mythique, disparu, réinventé par un compositeur moderne en mal de couleur locale ? Pas du tout. Ce monde, c’est celui de l’enfance de Rey, né en 1943 dans une famille de paysans pauvres des environs de Santiago. Et c’est de ce monde pas encore complètement disparu (on peut encore entendre aujourd’hui, au lever du jour, des marchands ambulants chanter leurs pregones dans les rues de la vieille ville de Santiago) dont il m’a parlé lors des entretiens qu’il a bien voulu m’accorder.
L’enfant-musicien : des collines de San Luis au port de Santiago
« Mon père vivait dans les collines autour de Santiago, dans un lieu appelé Los chivos, près du village de Dos Caminos de San Luis. Il était paysan, il cultivait le café et la canne à sucre. Nous étions une famille pauvre, même s’il était propriétaire de sa terre : un lopin de terre, avec quelques animaux, des yucas et des goyaves. Il travaillait aussi pour des plus grands propriétaires.
Notre famille avait 11 enfants. J’étais l’un des plus jeunes. Nous travaillions tous dans les champs avec mon père, avec des bœufs et des machettes. A 4 ans je travaillais déjà dans les champs.
Mon père aimait la musique et jouait du tres, et mes frères aînés aussi. Ils avaient formé un groupe musical, Los complacientes, et, en fin de semaine, le soir, pour un anniversaire, pour les cérémonies de la Santeria ou du Bembé, ils allaient jouer chez les voisins. Mais je suis le seul à avoir suivi une carrière musicale professionnelle.
J’étais doué pour la musique et j’ai été intégré très jeune dans le groupe Flor de oriente. Mes frères m’emmenaient avec eux à la ville en cachette pour jouer et pouvoir se faire offrir un tonneau de rhum. Une fois, nous sommes allés à Guantanamo pour passer une sorte de radio Crochet. Mais mon père s’en est aperçu et a été très fâché.
Mon père était très ami avec le papa d’Eliades Ochoa, qui habitait du côté de Mayari. Ils se sont rencontrés parce que sa sœur était notre voisine. Le père d’Eliades a vu que j’étais doué pour la musique et m’a emmené à Santiago lorsque j’avais 14 ans. C’est là que j’ai commencé à jouer dans la rue, avec Eliades. C’était dans le quartier des prostituées, du côté de Alameda, de Baracones (photo ci-contre). Il y avait beaucoup de cafés, de musique… Nous jouions ensemble pour qu’on nous donne des pourboires. Nous vendions aussi des fleurs. Je faisais les chœurs, la second voix, et Eliades faisant la voix principale. Parfois, nous nous chamaillions, car il voulait être toujours le premier. Il a toujours été leader partout. On se séparait et puis on revenait ensemble. Je jouais aussi avec le groupe Los populares.
Une jeunesse sous la révolution
Ma famille a été pauvre sous Batista, mais elle est restée tout aussi pauvre après la Révolution. Sous Batista, chaque famille pauvre recevait un cadeau de Noël, la Cena de Navidad, mais cela a disparu après l’arrivée au pouvoir des castristes. Quand Fidel est arrivé, il a exigé qu’on apprenne à lire et à écrire. Je savais lire, mais Maria, la sœur d’Eliades (photo ci-contre), ne savait pas, et c’est à ce moment-là qu‘elle a appris. Les musiciens ont dû passer des examens pour obtenir leur diplôme professionnel et exercer légalement. Mais nous, avec Eliades, nous avions toujours joué de la musique spontanément. Nous sommes allés à l’école de musique, mais nous n’aimions pas cela car nous savions déjà plein de choses d’oreille. Nous avions envie de gagner de l‘argent, pas d’aller à l’école. Alors, le professeur nous a dit : « Si vous êtes aussi mauvaises têtes, on va vous renvoyer de l’école ». Nous avons été renvoyés, et nous avons dû faire à la place une sorte de service civil. Nous travaillions toujours dans une école de musique, mais pas comme musiciens. Nous faisions de petits travaux. Par exemple, avons été facteurs pour un théâtre. Mais rien n’a duré longtemps, car ni moi ni Eliades n’avions de discipline. Un jour nous étions en train de distribuer du courrier à bicyclette. Eliades conduisait, moi assis derrière. Nous sommes tombés, et tout le courrier était par terre. Alors ils nous ont retiré ce travail.
J’ai ensuite abandonné la musique et je suis parti vivre de nouveau avec mes parents à la campagne. Puis je suis rentré dans l’armée pendant quelques années.
Pendant la révolution, Raoul Castro avait un camp avec ses troupes près de la maison de mon papa. Je les regardais revenir des combats en me cachant dans un arbre. Alors j’ai compris qu’en me faisant enrôler dans l’armée, j’aurais un petit salaire et à manger. Je me suis donc engagé après la Révolution. J’ai alors suivi une formation militaire avec une discipline très dure. Je suis parti avec mon bataillon vers la région de la Havane. Je me suis même battu dans la baie des Cochons, où mon unité a abattu un avion américain que l’on peut encore voir au musée là-bas. Cela a duré 3 ou 4 ans, et pendant tout ce temps, je n’ai pas eu la possibilité de jouer de la musique.
Puis j’ai quitté l’armée, car j’étais malade et je suis rentré à la maison pour me faire soigner par ma mère. A vrai dire, je n’ai demandé à personne l’autorisation de m’en aller, mais ils ne sont jamais venus me chercher.
J’ai alors repris la musique dans le groupe aficionado Los Populares de San Luis entre 1962 et 1967. Je jouais alors de la guitare électrique.
Musicien professionnel à Santiago de Cuba : l’aventure de Trincheria agraria
Je suis aussi allé à Santiago retravailler avec Eliades dans un groupe non homologué qu’il dirigeait et qui s’appelait Trinchera agraria. Nous allions jouer à la Casa de la trova et pour des émissions de radio. Puis, en 1968, j’ai finalement passé le diplôme de musicien professionnel (photo ci-contre, avec Eliades, de dos).
L’orchestre Trinchera Agraria animait un programme du même nom pour la Radio CMKC et un autre pour Radio Mambi, qui s’appelait Ecos de Nuestra agricultura. Nous devions jouer tous les jours pour être payés. Nous n’avons pas gardé d’enregistrements ni de photos de cette période, mais on voit quelques scènes dans un documentaire d’Yves Billon où nous jouons dans un hospice pour gens âgés.
Au cours de l’émission de radio Trinchera Agraria, j’ai accompagné de grands interprètes, comme Maria Ochoa, Ofelia Suarez, Ramon Galobos, Sita Cuba, Isabelita Perez, ainsi que les poètes Rey Costafreda et Luis Bello.
Les programmes Trinchera agraria et Ecos de Nuestra agricultura était très écouté par des gens de la campagne. Ils pensaient que j’étais poète et parfois ils m’appelaient pour que je chante in vivo une chanson pour une voisine ou une fille dont ils étaient amoureux. Mais en fait je ne savais pas écrire les paroles et j’ai demandé à Rey Costafreda qu’il m’écrive des décimas.
Avec Eliades, nous avons beaucoup travaillé pour le programme de Trincheria Agraria. Puis il a quitté cet orchestre pour rejoindre Cuarteto Patria et je suis devenu directeur de ce groupe. Nos chemins se sont donc un peu séparés à ce moment, mais nous sommes restés très amis. Quand Eliades est venu en Belgique avec le Buena Vista Social Club, il nous a appelés et nous avons fait un grand diner avec lui (photo ci-contre).
J’animais aussi une émission en « live » à la télévision de Santiago, Tele rebelde, qui s’appelait Rumores de la campina. Celle-ci était aussi reprise dans l’émission de la télévision nationale Palmas y caña tous les dimanches soirs. J’ai accompagné à cette occasion beaucoup de grands chanteurs cubains, qui venaient de la Havane à Santiago pour faire les enregistrements : Celina Gonzales, au tempérament très fort et très gai, Gigero de Cienfuegos, Martica Moregon, Ramon Velos, le Quarteto Los Sakras… Cette période a été très heureuse pour moi.
Tout cela a duré pendant une dizaine d’années, jusqu’à la seconde moitié de la décennie soixante-dix. Puis je suis parti me battre en Angola, et je suis revenu à Santiago en 1976. J’ai alors recommencé mes programmes radio, je me suis marié et j’ai intégré le Trio Oriente, dont faisaient partie Fausto (guitare, voix principale), Rafael (guitare d’accompagnement, voix seconde) et moi-même (troisième voix, première guitare). Nous jouions dans différents hôtels : Balcon del Caribe (dans le quartier Versailles), Buccanero, ainsi que dans des restaurants, comme la Parillada de Vista Alegre. J’ai aussi travaillé à l’hôtel Daiquiri, dans la périphérie de Santiago, en même temps que Compay Segundo. Il jouait dans un groupe et moi dans un autre, qui s’appelait le Cuarteto Daiquiri (photo ci-contre).
Il y avait déjà quelques touristes étrangers, mais pas beaucoup. Les musiciens qui travaillaient comme moi pour Cubanacan (l’organisation cubaine du tourisme) avaient un peu plus de possibilités que les autres, mais ils n’avaient pas le droit de recevoir directement des pourboires.
Un jour, à l’hôtel de Las palmas, nous jouions une chanson qui s’appelait Piense en mi. Et, devant nous, deux dames se sont mises à pleurer. On leur a demandé pourquoi. Elles ont dit que c’était à cause de la chanson, qui les rendait très tristes. Alors nous leur avons chanté une chanson gaie et nous avons pris une bière avec elles pour qu’elles d’arrêtent de pleurer et qu’elles oublient.
Au cours de ces années, j’ai bien connu de très grand musiciens, comme ñico Saquito, Adalberto Alvarez, Omara Portuondo (photo ci-dessus), on encore l’orchestre Buena Vista Social Club, dont j’ai accompagné de nombreux musiciens dans le programme Rumores de la campiña.
J’ai beaucoup joué à la Casa de la Trova, avec la Vieja Trova Santiaguera et d’autres musiciens, comme Eliades Ochoa, Felix Dima, Alejandro Almenares, le trompettiste El Paisan. Nous faisions souvent des descargas. Un jour, au début des années 1990, on nous a demandé de venir jouer pour une fête dans un guateke (restaurant) de Puerto Boniato. Mais nous avons bu tout le cachet qu’on nous avait donné. Alors, nous avons dû faire à pied les 20 kilomètres du retour. Heureusement qu’une charrette nous a pris en cours de route !!!
Au cours des années 1990, j’ai commencé à travailler comme chauffeur, au Ministère provincial de l’éducation. Et, à la même époque, je jouais dans le groupe de Maria Ochoa, Corazon de Son (photo ci-dessous). Maria est une très bonne chanteuse du genre campesino, avec un style un peu semblable à celui de Celina Gonzales.
L’installation en Europe et la formation du septet Rey Cabrera y sus amigos
Nous faisions des tournées en Europe avec Maria Ochoa. A l’occasion d’un passage en Belgique, au mois de mai 2002, j’ai rencontré Lydia, puis je suis revenu en tournée en France au mois de septembre. Je suis alors resté en Europe, j’ai rassemblé mes papiers, puis nous nous sommes mariés à Santiago en 2003. Lorsque qu’elle est arrivée là-bas, ils avaient mis tous ses bagages dans une belle voiture pour touristes. Mais quand ils se sont aperçus qu’elle était avec Maria et moi, ils l’ont mise avec nous dans une vieille Lada pour cubains.
Quand je suis arrivé en Europe, j’ai cherché des musiciens pour jouer avec moi. J’ai d’abord rencontré un guitariste et bassiste, Humberto Gonzalez, avec lequel j’ai formé un duo. Humberto avait un cousin, un jeune trompettiste qui habitait à Cienfuegos, Rubén Hernandéz. Nous l’avons aidé à faire venir Rubén, qui est arrivé en novembre 2005 et a tout de suite fait son premier concert avec le groupe. Il a ensuite fréquenté le conservatoire de jazz de Bruxelles. Puis le septet s’est constitué avec l’arrivée d’autres musiciens, comme le pianiste Andrés Fernández « El paisan ».
Le compositeur et son oeuvre
Beaucoup de titres de mon répertoire sont autobiographiques, comme El bohío de Rey Cabrera (qui parle de ma maison dans les collines), La luz de mi corazón (écrit pour Lydia), Camilla (une chanson écrite pour la petite-fille de Lydia, Camilla), Me voy a recoger café (dans mon enfance, je semais et récoltais le café), Canto a Bruselas (un Danzon en l’honneur de ma nouvelle ville d’adoption où je vis depuis 2003). J’écris à la fois la musique et les paroles, comme dans Mi prieta azucarada.
J’interprète aussi des thèmes d’autres musiciens, comme El Guateke de Don Tomas, écrit par Angel Villavicencio, du groupe Guitaras y trovadores.
J’ai déjà publié deux CD en Europe, Color Cuba en 2007 et Cubel Son en 2011. Mon nouveau CD, Controversia, a été inauguré à Bruges le 5 octobre dernier.
Propos recueillis par Fabrice Hatem
Ecouter Rey Cabrera
Rey Cabrera nous propose dans ses CD Cubel Son (2011) et Controversia (2013) un florilège de la musique de l’oriente cubain dans (presque) tous ses états : Son (El guateke de Don Tomas, El bohio de Rey Cabrera, Quien sabe, Ivon, Merci beaucoup, Mi prieta azucarada, Guateke criollo, El cochero, Me voy a recoger cafe,Mi niña mari, Los refrancitos, Le Canto al palenque, El Canto al Sol), Son-boleros (La luz de mi corazon), Changüi (Changüi Mundial, El Yatera), Cha cha cha (Camilla) Fuki Fuki[1] (El Fuiki Fuiki) Danzon (Canto a Brusselas), Bolero-Cha (Pot pourri), avec aussi des reflets de Rumba (Los Testigos, La Calabaza).
Ces thèmes sont écrits et interprétés dans une facture musicale simple et solide, fidèle à la tradition, avec de jolies mélodies bien marquée rythmiquement et le plus souvent très entraînantes pour la danse, qu’il s’agisse des tempos endiablés du Son ou de la voluptueuse langueur du Boléro et du Danzon.
Les paroles, presque naïves, nous font rêver de l’Oriente et de Santiago, en évoquant, avec gouaille ou nostalgie selon les cas, mille petites situations de la vie quotidienne : bons repas dans des bouis-bouis accueillants, amourettes heureuses ou malheureuses, personnages familiers ou picaresques, anecdotes burlesques ou touchantes… Quel miracle que tant de poésie puisse émaner d’un propos aussi simple !!!
Le talent des instrumentistes éblouit à chaque mesure : transparence presque cristalline de la section des percussions qui permet de distinguer clairement chaque instrument ; qualité des solos éclatants de trompette, des improvisations de piano aux reflets très jazzy et de celles, plus traditionnelles mais étincellantes, du tres de Rey Cabrera ; échanges haletants entre soliste et chœurs dans des montunos à l’énergie tourbillonnante.
Ces grandes qualités sont particulièrement marquées dans les enregistrements en « live » : L’orchestre de Rey Cabrera se nourrit alors – suivant en cela la grande tradition de la musique cubaine et tout particulièrement santiaguera – de la forte interaction qui se noue entre musiciens, public et danseurs, dans un échange d’énergie à somme positive ou chaque protagoniste restitue à l’autre davantage qu’il n’a absorbé.
Les musiciens du septeto « Rey Cabrera y sus amigos »
Tres et chant : Rey Cabrera
Piano : Andres Fernandez « El Paisan »
Trompette : Rubén Hernandéz
Bongo, timballes : Gilberto Quevedo
Congas : Amel Serra
Percussions mineures et chœur : Renato Mora
Basse : Humberto Gonzalez ou Dennis Nicles
Le CD Controversiasera bientôt en vente sur i-tunes à partir du 10 décembre et dans les bacs à partir de janvier 2014. Sinon, contacter par e-mail : lydiarey230103@yahoo.fr
Prochaines dates de concerts en Belgique :
23/11/2013 : Concert de Rey Cabrera, Watermael Boitsfort
06/12/2013 : Concert du trio Rey Cabrera, Ogenblik Haren
18/12/2013 : Présentation du film-documentaire « Gol de Cuba », musique de Rey Cabrera, Roma Anvers.
7/02/2014 : Présentation du CD Controversia à Bruxelles, avec la présence de nombreux musiciens, au Théâtre Molière (Muziekpublique) avec une after-party au Midi-Station (place Victor Hortal).
21/02/2014 : soirée Haïti, Roma Anvers
03/05/2014 : Mayito Rivero & Rey Cabrera, Roma Anvers
Quelques titres à écouter sur Youtube :
Me voy a recoger Café
https://www.youtube.com/watch?v=f3Ai1eZXZVI
El guateke de Don Tomas
https://www.youtube.com/watch?v=vwjWFJrGVE4
El bohío de Rey Cabrera
https://www.youtube.com/watch?v=7WV244b5LX0
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[1] Forme de Son pratiquée dans l’île de la jeunesse
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