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Quel paradoxe ! Les danseurs européens de Salsa sont tous attirés par un « ailleurs » latino teinté de fantasmes exotiques. Dans leur imaginaire, c’est à la Havane ou à Porto-Rico que se trouvent les épicentres de ces rythmes tropicaux, dont seuls quelques échos affaiblis parviendraient jusqu’aux villes du Vieux Continent. Mais savent-ils, quand on examine froidement les chiffres, que c’est aujourd’hui, de très loin, en Europe, que se trouvent le plus grand nombre d’écoles, de lieux de danse nocturne, ou encore de grands festivals internationaux de Salsa ? Savent-ils que c’est vers Paris, Londres, ou Madrid, que viennent le plus massivement converger, via l’immigration d’artistes en provenance de tous les pays du Nouveau monde, les formes stylistiques les plus diverses, permettant aux publics de ces villes de pratiquer, à leur guise, tous les types de danse latines, alors que l’offre n’atteint pas, de très loin, le même degré de variété dans les villes sud-américains elles-mêmes ?
Mais cette Salsa européenne possède des traits bien différents de celle pratiquée dans les pays d’Amérique latine : conçue essentiellement comme un loisir de masse destiné à la classe moyenne, elle a un peu perdu dans le Vieux continent – à l’exception de villes, comme Londres ou Madrid, où existent de forte communauté latinos immigrées – sa dimension de pratique populaire spontanée et festive. Et, même si un intérêt croissant s’affirme aujourd’hui dans le Vieux continent pour les folklores populaires – Afro-cubain, Rumba – dont est plus ou moins directement issue la Salsa, celle-ci ne s’est pas autant affirmée en Europe que dans certaines villes d’Amérique du sud comme une pratique de différenciation culturelle prisée des milieux intellectuels progressistes ou de la jeunesse underground (photo ci-contre : un night-club latino « mainstream » à Madrid).
A la notable exception de l’Espagne, l’Europe n’a pas été très exposée historiquement à l’influence des musiques populaires latino-américaines. Certes, un intérêt commence se manifester pour celles-ci à partir de l’entre-deux-guerre, avec la venue en Europe d’un certain nombre d’artistes du Nouveau monde, comme le chanteur cubain Antonio Machin (photo ci-contre). Mais cette dynamique naissante est cependant brisée par la seconde guerre mondiale, puis par la domination des rythmes nord-américains dans l’après-guerre : Jazz et Be-bop, puis Rock, Pop, enfin Disco.
Les musiques latines ne commencent à sortir à nouveau de leur marginalité qu’à partir des années 1970, lorsque la jeunesse progressiste d’Europe se tourne vers les paroles de la canción protesta portées par les réfugiés politiques latinos chassés par les dictatures militaires (photo ci-contre : le groupe chilien Los Quilapayun). Au cours de la décennie suivante, un premier greffon musical salsero se produit sur ce noyau originel, dont il contribue à élargir les contours en suscitant l’intérêt d’un public mélomane moins politisé. Ensuite, c’est dans les années 1990 l’explosion de la mode de la danse, drainant vers les boites de nuit latino un important milieu autochtone « mainstream » attiré par l’exotisme et la sensualité supposées de la Salsa, tandis que les immigrés latinos de Londres et Madrid développent leur propres réseaux de salsa festive et populaire.
3) enfin, le renforcement de l’offre musicale européenne avec l’apparition de nombreux orchestres dont certains de grande qualité (photo ci-contre :La Mecanica Loca en concert), mais qui cependant peinent parfois à conquérir l’intérêt du public des danseurs.
– Une pratique intense et omniprésente, depuis les dizaines de lieux et d’écoles de danse que l’on peut recenser dans chacune des plus grandesmétropoles, jusqu’aux deux ou trois soirées hebdomadaires organisées dans les villes moyennes (photo ci-contre : soirée au Bar Rumba De Londres). Aujourd’hui, une bonne dizaine de métropoles européennes peuvent offrir à ceux de leurs habitants qui le souhaitent une immersion complète et de qualité dans l’univers latino, avec écoles spécialisées, professeurs de stature internationales, vie culturelle riche, grands festivals et événements quotidiens (soirées dansantes, concerts, stages, etc.)
– Une communauté divisée en groupes aux motivations et aux pratiques assez diverses : mélomanes et interprètes surtout attirés par la musique, immigrés d’origine latino aimant retrouver dans les soirées salseras l’atmosphère de fête chaleureuse de leur barrio d’origine, noctambules aimant de temps à autres boire une verre dans l’ambiance latino d’un bar cubain, esprits curieux désirant découvrir la riche culture populaire caribéenne, passionnés de ballroom dancing et de danse sportive…. Sans oublier bien sur le groupe le plus nombreux : celui des simples danseurs amateurs de Salsa cubaine ou portoricaine, venus en majorité de la classe moyenne, fréquentant plus ou moins assidument écoles et lieux de danses nocturnes spécialisés (photo ci- contre : soirée à El Son de Madrid) ; un milieu lui-même divisés en plusieurs sous groupes, selon l’intensité de la pratique (danseurs occasionnels ou pratiquants acharnés..), le style privilégié (cubaine, portoricaine… ).
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