par Ahinama | Oct 4, 2013 | Films et DVDs
Documentaire de Fernanda Trueba, France-Espagne, 2000, 60 minutes
Cet excellent documentaire sur l’histoire du Jazz latino possède deux particularités. D’une part, il est presque exclusivement construit autour d’entretiens avec une douzaine de musiciens latinos de premier plan, pour la plupart installés aux Etats-Unis. D’autre part, il n’est illustré que par un nombre très réduit de documents d’archives : photos, matériel audio-visuels ou enregistrements sonores.
Ces caractéristiques s‘expliquent par la genèse de ce film, qui apparaît en quelque sorte comme le « petit frère » d’un autre documentaire, presque entièrement musical celui-là : le magnifique Calle 54, dont la matière principale est constituée de très beaux enregistrements en studio réalisés par une douzaine de musiciens de Latin jazz. Ceux-ci ont également accordé à cette occasion de longs entretiens au réalisateur, souvent sur les lieux mêmes où ils ont passé leur jeunesse et où s’est construite leur carrière : rues et nights-clubs du Bronx ou de Broadway, cabaret de la Havane, plages de Porto-Rico… Seule une petite partie de ce précieux matériel a été utilisée dans Calle 54, le reste étant « recyclé » dans Side B.
D’un côté, donc, un film de pure énergie musicale : Calle 54. De l’autre, une série très dense de témoignages de première main sur le vécu et la trajectoire de musiciens latinos de grand talent : Side B. Deux approches très complémentaires, dont chacune frappe d’ailleurs si fortement le spectateur par son intensité monochrome que celui-ci se prend parfois à regretter qu’elles n’aient pu être combinées – diluées aurait-on envie on dire – au sein d’un film unique.
Les passionnants témoignages des grands anciens, comme Chico O’Farril ou Tito Puente, dont la jeunesse se confond avec celle du Latin Jazz, nous permettent de remonter jusqu’aux sources de ce style, lorsque, au cours des années 1930 et 1940, commence à se rassembler à New-York une communauté de plus en plus importante de musiciens latinos. Le cubain Mario Bauza va alors jouer un rôle pionnier dans la recherche d’une fusion entre Jazz et musique des Caraïbes. Ce style métissé s’appellera successivement mambo instrumental, puis Cu-bop et Afro-Cuban jazz, avant de prendre au cours des années 1960 sa dénomination toujours en usage de Latin Jazz.
L’alchimie du métissage constitue le sujet récurrent de plusieurs entretiens. Bebo et Chuco Valdès rappellent la longue histoire des influences réciproques entre Jazz et musique cubaine, rendues possibles par un va-et-vient permanent de musiciens entre La Havane, New York et la Nouvelle Orléans. Eliane Elias évoque la combinaison génétique particulière de la samba brésilienne, où l’on perçoit, en plus du mélange hispano-africain commun à toutes les musiques caraïbes, quelques influences indiennes. Chano Dominguez décortique, travaux pratiques à l’appui, les similitudes rapprochant les rythmes cubains de ceux du flamenco.
Le bouillonnement musical New-yorkais des années et 1950 et 1960, la fertilisation croisée qui se produit alors entre be bop et musique latino sont évoqués d’une manière particulièrement vivante par le trompettiste Jerry Gonzales : arrivée aux Etats-Unis de grands percussionnistes cubains comme Mongo Santamaria ou Chano Pozo, qui jouera un rôle éminent dans l’orchestre de Dizzy Gillespie ; influence de grands jazzmen comme Charlie Parker ou Georges Coleman sur les jeunes musiciens latinos auxquels ils se mêlent dans de mémorables jam sessions. L’évocation savoureuse par Jerry de sa rencontre avec Dizzy Gillespie constitue une illustration presque parfaite de ce métissage entre rythmes caraïbes et improvisation jazz. Incorporé dans l’orchestre du jazzman nord-américain pour y exercer ses talents de percussionniste, Jerry en profite pour se former à ses côtés à… l’art de la trompette jazz.
Paquito de Rivera évoque pour sa part l’aventure du groupe cubain Irakere, tiraillé entre deux pôles esthétiques : d’une part, une démarche plutôt commerciale orientée vers la musique de danse caraïbes qui en fait un prédécesseur direct de la Timba cubaine ; et d’autre part, une sensibilité plus tournée vers l’expérimentation musicale et le concert, qui l‘intègre pleinement dans le processus évolutif du Latin Jazz.
Le documentaire se termine par quelques scènes de jam sessions improvisées entre les musiciens ayant participé aux deux films. Une manière peut-être de nous dire que ce processus de métissage et de recréation permanente intrinsèquement lié au Latin Jazz, loin d’être un phénomène du passé, se poursuit directement sous nos yeux à l’occasion du tournage du film, qui passe ainsi du statut de documentaire à celui d’espace de création musicale…
Fabrice Hatem
par Ahinama | Mar 10, 2013 | Films et DVDs
Fiction de Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío, Cuba-Espagne-Mexique, 1993, 100 minutes
David, jeune militant communiste au physique d’éphèbe, est courtisé par Diego, esthète homosexuel et contestataire. D’abord réticent à ses avances, il finit par se prendre d’amitié pour lui, ainsi que pour sa voisine Nancy, qui va l’initier à l’amour. Mais le régime n’apprécie ni l’homosexualité ni la dissidence artistique…
Cette comédie pleine d’humour et de gentillesse aborde également, avec une causticité remarquable, les thèmes sensibles de la liberté d’expression artistique et de la répression de l’homosexualité. Les longs plaidoyers de Diego en faveur de la tolérance, qui expriment visiblement l’opinion des réalisateurs, sont cependant livrés sans lourdeur démonstrative, grâce notamment au talent de Jorge Perugorría, qui réalise d’un bout à l’autre du film une prestation émouvante et inspirée.
Film de grande qualité, perçu à l’époque de sa sortie comme le possible signe avant-coureur d’une libéralisation du régime, Fresa y chocolate reçut un accueil chaleureux de la critique et du public international. C’est l’avant-dernier film du grand réalisateur Cubain Tomás Gutiérrez Alea, qui déjà très malade, fut largement assisté comme pour le suivant, Guantanamera, par Juan Carlos Tabio.
Fabrice Hatem
Pour visionner le film : http://www.youtube.com/watch?v=NinKUbwQvR4
par Ahinama | Mar 10, 2013 | Films et DVDs
La sélection commentée de films sur la culture populaire cubaine que j’ai réalisée pour Fiestacubana.Net ne couvre évidement pas tout le champ de la production cinématographique dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle je vous propose ici une première liste complémentaire de films ou de liens internet intéressants qui peuvent être utiles à ceux désireux d’approfondir le sujet. J’ai divisé celle-ci en deux parties : d’une part, les documentaires sur la culture cubaine et la salsa, d’autre part les films cubains ou ayant pour thème principal Cuba (tous genres confondus).
Je présente en annexe une critique de deux de ces œuvres, très intéressante, mais que j’ai renoncé à intégrer à ma sélection principale malgré leur grand intérêt parce qu’elles étaient mal référencés, mutilées, ou un peu hors sujet. Vous noterez enfin que je n’ai pas créé de section consacrée aux enregistrements de concerts in vivo et autres captations musicales, extrêmement nombreux sur le net, mais qui n’appartiennent pas au domaine de la production cinématographique stricto sensu.
1. Documentaires et docu-fictions sur la culture populaire cubaine et la salsa
Concert de Larry Harlow pour fêter les quarante ans de la Fania (avec de nombreuses vedettes de la grande époque). Je fais ici une exception à ma règle de ne pas mentionner dans cette sélection de captation de concerts du fait du caractère de témoignage historique de ce document. Pour visionner celui-ci, cliquez sur : Larry.
Del danzon al cha cha cha, auteur inconnu (deux petits films sur l’histoire de ces styles musicaux – voir critique du premier d’entre eux en annexe) : pour visionner ces deux films, cliquez sur film1 et film2
Frankie Ruiz (petit documentaire assez mal fait et larmoyant sur le chanteur Portoricain). Pour le visionner, cliquez sur : Frankie
Histoire del son cubano (empilement d’intéressantes archives audio-visuelles non commentées sur le Son). Pour les visionner, cliquez sur : son
Historias de la música cubana, série de cinq films de réalisateur différents dirigés par Manuel Gutiérrez Aragón, 2008. Je n’ai intégré dans ma sélection principale que l’un d’entre, le seul que j’ai pu visionner : Lo mismo se escribe igual, de Arturo Sotto. Pour une présentation rapide des autres films de cette série, cliquez sur : Historias
Medellin en su salsa, 2011,Helvira Hernández, 59 minutes (sur la salsa colombienne et la vie d’une radio musicale de Medellin). Cliquez sur : Medellin
Mi oficio de cantor, homenaje a Oscar d’Leon,Chuchito Sanoja , 2011 (sur Oscar d’Leon). Pour visionner le trailer de ce documentaire, cliquez sur : leon
Our latin thing,Jerry Masucci, 1972 (le film témoignage de la Fania Records sur la vague salsa, malheureusement incomplet sur internet). Voici des liens vers quelques parties du film :lien1, lien2, lien3, lien4, lien5, lien6 Ces liens permettent également de naviguer vers de très nombreux enregistrements en live d’artistes de la Fania.
Para bailar, La Habana,Documentaire de Santiago Alvarez, Cuba, 1997, 46 minutes (sur la danse à la Havane. voir ci-dessous). Pour quelques renseignements succincts, cliquez sur : bailar
Para bailar, La Habana(sur la danse à La Havane – Voir une critique en annexe). Je ne connais ni la date ni le nom de l’auteur de cet excellent documentaire trouvé mutilé sur Internet : il pourrait s’agir d’extrait du film homonyme de Santiago Alvarez, mais je n’en suis pas sûr. Pour visionner cette oeuvre, cliquez sur : habana
Rythmes afro-cubains et Salsa aux percussions,Michel Bontemps (intéressante vidéo pédagogique présentant les rythmes afro-cubains traditionnels joué aux congas, ainsi que les claves et les rythmes modernes : Salsa, Mozambique et Songo). Pour plus d’informations, cliquez sur : rythmes
They call me La lupe (film en cours de finalisation, sur la grande chanteuse cubaine). Rens : Lupe
Tributo à la salsa columbiana(série d’enregistrements in vivo de musiciens de salsa colombienne sans commentaires). Cliquez sur : Tributo
Notez également l’existence de deux intéressantes bases documentaires :
Para Bailar (Très riche site internet sur la musique et la danse cubaines). Cliquez sur : para
Canal internet de la télévision cubaine.Entre deux documentaires de propagande sur l’impérialisme américain, vous pouvez regarder quelques excellentes émissions consacrées à la musique et à la danse cubaine sur le canal internet de la télévision cubaine. Cliquez sur : télé.
Pour connaître les programmes, cliquez sur l’onglet « Carteleras »
2. Film cubains ou ayant pour thème Cuba
La production cinématographique cubaine couvre évidement un champ beaucoup plus large que celui de la musique et de la danse, même si celles-ci y sont omniprésentes, reflétant en cela leur place centrale dans la vie des habitants de l’île. Vous pourrez trouver sur le lien suivant une liste de 250 des films cubains les plus marquants :http://www.imdb.com/list/pk4OhdY60Dk/. Une partie importante de ces films est assez facilement accessible sur internet, mais par contre difficile à trouver dans le commerce.
Vous pouvez également consulter mon lexique des grands réalisateurs du cinéma cubain et le documentaire de Ramón Suárez surL’âge d’or du cinéma cubainau cours des 10 années qui ont suivi la révolution.
Fabrice Hatem
Annexe : présentation critique de deux films non intégrés dans la sélection principale
J’ai renoncé à intégrer ces deux œuvres très intéressantes dans ma sélection principale parce qu’elles sont mutilées et d’auteur inconnu ou incertain. Je vous en livre cependant ici une petite présentation.
Del Danzon al Cha cha cha
Documentaire d’auteur et de date inconnus, 15 minutes
Il s’agit d’un excellent travail musicographique, illustré avec soin par de riches archives sonores et visuelles sur l’histoire du Danzon, depuis ses origines à la fin du XIXème siècle, où il trouve ses racines dans la Habanera et la Contradanza, jusqu’à sa mutation en Mambo puis en Cha Cha Cha, en passant par son évolution vers la Danzonette sous l’influence du Son oriental.
Le film est ponctué de très intéressants témoignages de musiciens et de musicologues, comme Odilio Urfé, fils d’un des grands créateurs du Danzon, de Antonio Arcañio, précurseur du mambo ou de Enrique Jorrin, inventeur du Cha Cha Cha.
Pour visionner ce documentaire, cliquez sur : http://www.youtube.com/watch?v=Y2noAAIaSuQ
Il est présenté sur internet accompagné d’une « seconde partie » moins intéressante, qui me semble assez largement redondante avec la première et ne provient peut-être pas du même film. Pour visionner cette seconde partie, cliquez sur : http://www.youtube.com/watch?v=E8SPoDldhAs
Para bailar, La Habana
Documentaire d’auteur et de date inconnus, 30 minutes
Ce film aborde simultanément deux sujets : d’une part, un survol de l’histoire de la danse populaire cubaine ; d’autre part, un panorama de sa pratique à l’époque où le documentaire a été réalisé, il y vraisemblablement une vingtaine d’années.
Il présente de nombreuses et intéressantes images d’archives sur une grande variété de danses : Contredanse, Danzon, Mambo, Cha cha cha, Mozambique, Pilon, bals populaires…
Il propose également des entretiens avec des musicologues éminents, parmi lesquels on reconnait Helio Orovio, Bladimir Zamora, José Loyola, et de musiciens, comme Miguel O’Farril, Enrique Jorrin (inventeur du Cha Cha Cha), Pello el Afrokan (inventeur du Mozambique), etc.
Cet agréable empilement d’entretiens et d’images de danse, aéré par de nombreux témoignages d’aficionados, permet de prendre la mesure du rôle central joué par la pratique de la danse dans la vie collective cubaine, tout particulièrement à la Havane. Cependant, manquant un peu de fil directeur et de structure, il n’approfondit véritablement aucun sujet, que ce soit sur le plan de l’histoire de la danse ou de sa sociologie contemporaine.
Cette faiblesse apparente, cependant, est peut-être imputable aux coupes dont il pourrait avoir été l’objet au moment de sa mise en ligne : je soupçonne en effet, sans en avoir la certitude, qu’il s’agit du documentaire homonyme de Santiago Alvarez Para bailar, La Habana, réalisé en 1997, qui dans sa version complète, dure 47 minutes.
Pour visionner ce documentaire (dans une version vraisemblablement réduite) : http://www.youtube.com/watch?v=OgQt7u6gCus&list=PL4057A0ADAAE32636&index=15
par Ahinama | Mar 9, 2013 | Films et DVDs
Malgré la production de quelques longs métrages avant 1959, le cinéma cubain n’a pris véritablement son essor qu’au début des années 1960, avec la création de l’ICAIC (Institut Cubain d’Art de production cinématographique) par le régime castriste. Nous présentons ici une liste commentée des metteurs en scène les plus représentatifs de ces cinquante dernières années.
1. Articles généraux sur le Cinéma cubain
Pour des articles généraux sur le cinéma cubain, on pourra notamment consulter :
http://en.wikipedia.org/wiki/Cinema_of_Cuba
Une bonne synthèse historique, assez précise et bien documentée.
http://www.seances.org/html/cycle.asp?id=140#h
Fournit une liste des prinicipaux films cubains.
http://www.cubantrip.com/cuba_la_faillite_fr/cinema_cubain.php
Une analyse assez rigide idéologiquement, mais assez bien documentée, du rôle politique supposé « progressiste » du cinéma cubain.
2. les principaux metteurs en scène
Parmi les principaux metteurs en scène de ces cinquante dernières années, on peut notamment mentionner :
Alea, Thomas Gutierrez (Titon) (1926-1996) : Mort d’un bureaucrate (1966), Mémoires du sous-développement (1968), Fraise et Chocolat (1993). L’un des co-fondateurs de l’ICAIC, considéré comme l’un des piliers du cinéma cubain contemporain.
http://en.wikipedia.org/wiki/Tom%C3%A1s_Guti%C3%A9rrez_Alea
Alvarez, Santiago (1919 – 1998) : Hasta la Vitoria Siempre (1967), Now (1965). Connu notamment pour ses courts-métrages en forme de « clips ».
http://en.wikipedia.org/wiki/Santiago_%C3%81lvarez
Colina, Enrique (? – ) : Entre Deux Cyclones (2003), Los Bolos En Cuba (2009). Une vision douce-amère et désabusé du Cuba d’aujourd’hui par un jeune auteur post-révolutionnaire.
http://www.cadrage.net/entretiens/colina/colina.html
Espinoza, Julio Garcia (1926 – ) : Cuba baila (1960), Le Jeune Rebelle (1961), Aventuras de Juan Quinquin (1967), Cet apparatchik de la culture (il a été président de l’ICAIC et vice-ministre de la culture) est connu pour ses films historiques et politiquement engagés.
http://www.soycubano.com/pena/cine/garcia_espinosai.asp
Gomez, Octavio (1934 – 1988) : Première Charge à la Machette (1969).
http://en.wikipedia.org/wiki/Manuel_Octavio_G%C3%B3mez
Gomez, Sandra (? – ) : Las Camas Solas (2006), El Futuro Es Hoy (2008). Une jeune réalisatrice qui décrit le quotidien morose des cubains d’aujourd’hui. Gomez, Sara (1943 – 1974) : De Cierta Manera (1974): Décédée très jeune, Sara Gomez m’a pu réaliser qu’un seul long métrage assez échevelé, décrivant sous forme de docu-fiction le quotidien d’un quartier populaire de La Havane:
Gomez, Sara (1943 – 1974) : De Cierta Manera(1974): Décédée très jeune, Sara Gomez m’a pu réaliser qu’un seul long métrage assez échevelé, décrivant sous forme de docu-fiction le quotidien d’un quartier populaire de La Havane:
http://www.filmreference.com/Directors-Fr-Ha/G-mez-Sara.html
ICAIC. Une grande partie de la production cinématographique locale à Cuba est liée à l’ICAIC, l’Institut Cubain d’Art de production cinématographique, fondé en 1959. Pour une présentation officielle – donc non critique – de cet institut, on pourra consulter le site suivant :
http://www.cubacine.cu/aniversario/index.htm
Solas, Humberto (1941-2008) : Lucia (1968), Le Siècle des Lumières (1991), Barrio Cuba (2005). Un des grands noms du cinéma cubain contemporain, très connu pour ses grandes fresques historiques comme Lucia
http://en.wikipedia.org/wiki/Humberto_Sol%C3%A1s
Tabio, Juan Carlos (? – ) : Fraise et Chocolat (1993), Guantanamera (1995), Lista de Espera (2000), El Cuerno de la Abundancia (2008). Elève et ami de Alea, Il l’a aidé à terminer ses deux derniers films, Fraise et Chocolat (1993), Guantanamera (1995). Ses films décrivent avec une ironie douce-amère, où le rêve et l’humour sont constamment présents, le difficile quotidien des cubains, miné par l’absurdité bureaucratique et la faillite de l’économie locale.
http://en.wikipedia.org/wiki/Juan_Carlos_Tab%C3%ADo
Fabrice Hatem
par Ahinama | Mar 9, 2013 | Films et DVDs
Fiction de Mikhaïl Kalatozov, Cuba- URSS, 1964, 145 minutes
Chacune de quatre histoires qui constituent ce film est articulée autour de la même rhétorique : face aux injustices dont il est victime (exploitation économique ou sexuelle, oppression policière, violence militaire), le peuple cubain, pourtant profondément pacifique, n’a d’autre choix que la révolte armée pour conquérir sa liberté sous le leadership éclairé du mouvement castriste.
On peut être, ou non, en accord avec cette œuvre de propagande orientée et manichéenne, imputant tous les malheurs de Cuba au capitalisme américain et ne proposant d‘autre alternative politique que la violence. Mais je m’abstiendrai d’entrer dans cette polémique. Je ne parlerai ici que d’histoire et d’esthétique cinématographique. Deux domaines où l’apport de Soy Cuba est important.
Réalisée en 1964, quelques années après la prise de pouvoir par Fidel Castro et la création de l’Institut Cubain du Cinéma (ICAIC), Soy Cuba marque un étape importante dans la renaissance du cinéma cubain. Celui-ci a effet connu au cours des années 1960 une brève période de grande vitalité, produisant de nombreux films dont le caractère apologétique ou de propagande (Le jeune rebelle, 1961) n’exclut pas une certaine qualité formelle (Hasta la victoria Siempre, 1967 ; Première Charge à la machette, 1969), ni même une prise de distance critique, pleine d’humour, face à une bureaucratie en cours d’ossification (Mort d’un bureaucrate, 1996). Signe des temps, Soy Cuba est d’ailleurs une co-production soviéto-cubaine, où des acteurs locaux jouent sous la direction du cinéaste russe Mikhaïl Kalatozov.
Malgré ou du fait même de la lourdeur de son attirail de propagande, le film possède un certain nombre de qualité narratives. Tout d’abord, l’exemple des cinémas nazis et soviétiques des années 1930 et 1940 montre que les discours manichéens, mettant en scène une opposition frontale et sans nuances entre le Bien et le Mal, peuvent constituer, pour peu que le metteur en scène ait un peu de talent, le ressort d’un œuvre captivante. Il en est ainsi dans Soy Cuba : comment ne pas partager la colère de ce jeune vendeur des rues dont la fiancée a été achetée pour quelques dollars par un touriste américain, de ce vieux paysan dont la terre vient d’être vendue à la United Fruits, de ce jeune étudiant qui voit son meilleur ami assassiné par le chef de la police de Batista, de cet autre paysan dont l’enfant est tué par une bombe de l’aviation du même Batista, etc.
Il faut d’ailleurs reconnaître au metteur en scène russe une certaine subtilité dans le traitement psychologique des personnages. Même si la trame en est un peu répétitive (une lutte entre réticence individuelle à la violence et prise de conscience de la nécessité politique de celle-ci), ce conflit moral donne lieu au cours du film à toute une série de situations intéressantes : comme ce militant renonçant au dernier moment à assassiner le chef de la police, alors qu’entouré de ses enfants celui-ci se comporte en père de famille attentionné ; comme ce paysan viscéralement hostile à la violence, qui ne rejoint la guérilla castriste qu’après avoir vu son enfant assassiné par les bombes de Batista ; ou encore comme cet américain sensible et raffiné, répugnant au départ à pratiquer le tourisme sexuel comme le font ses amis, avant de se laisser finalement entraîner par la tentation. Un peu simpliste, peut-être, mais, justement pour cette raison, très efficace émotionnellement.
Mais le film brille surtout par ses très grandes qualités formelles. Le parti- pris du réalisateur est, pourrait-on dire, celui du réalisme subjectif : ce qui nous est montré tout au long du film est bien la réalité pure, mais telle qu’elle est perçue à travers la sensibilité et les émotions des personnages. Le contre-champ montrant le paysan dominé par son patron à cheval expriment le sentiment d’écrasement par une société injuste ; la vision en gros plan de visages labourés d’ombres, l’agressivité et la menace ; les effets de sur et sous-exposition de la pellicule, la peur et la violence ; les cadrages mouvants ou obliques, l’angoisse de l’inconnu ; la camera mobile se déplaçant avec le personnage, le stress et le suspense d’une scène d’action : les cadrages non conventionnels (par exemple sur un détail du décor), le sentiment d’étrangeté et de menace qui se dégage de la réalité apparemment la plus banale ; le faux pas dans un escalier sans fin, le glissement sur une pente boueuse, la lutte angoissante d’un personnage vulnérable face à un environnement hostile.
Quant à la bande sonore, elle fait alterner de long silences avec la focalisation sur des sons isolés (une petite musique lancinante…), amenant ainsi le spectateur à partager plus intensément les perceptions sensorielles et le vécu psychologique du personnage. En conclusion de chaque histoire, un texte en voix off en tire une morale de manière suffisamment imagée et poétique pour éviter – de justesse – de tomber dans la plate propagande.
Malgré la longueur de certains plans, qui peut parfois générer l’ennui, malgré son caractère d’œuvre de propagande, il s’agit donc d’un film intéressant, non seulement sur le plan historique, mais également en matière narrative et surtout formelle.
Fabrice Hatem
Renseignements : www.mk2.com
par Ahinama | Mar 9, 2013 | Films et DVDs
Documentaire de Sandra Padilla, Venezuela 2001 (?), 37 minutes
Née en 1936 à Santiago de Cuba, Guadalupe Victoria Yolí Raymond, diteLa Lupe fut l’une des chanteuses populaires cubaines les plus célèbres du milieu du XXème siècle. Provocante, excessive, elle a marqué la scène cubaine des années 1950 par sa vitalité volcanique et par une gestuelle suggestive au parfum de scandale.
En délicatesse avec un régime castriste soucieux de moralité, elle s’exila en 1962 de Cuba pour New-York. Elle y devint rapidement l’une des reines de la Latin Soul, enregistrant avec Mongo Santamaria et Tito Puente. Marginalisée dans les années 1970 par le succès de Celia Cruz et de la Fania, rongée par la drogue et l’alcool, elle partit pendant quelques années habiter Porto Rico où elle finit par être bannie des ondes du fait d’attitudes considérées comme indécentes. Entièrement ruinée, elle connut alors une période d’effacement et même de déchéance avant de retrouver un équilibre personnel dans l’adhésion à l’église évangélique. Elle est morte en 1992 dans le quartier du Bronx, a New-York.
Le film de Sandra Padilla nous propose un survol de la vie de cette artiste, appuyé sur de nombreux témoignages de contemporains, comme le grand auteur de chansons populaires Tite Curet, et d’historiens comme Rafeal Viera ou Roberto Perez Leon. Très riches en informations, il souffre cependant de l’insuffisante quantité d’images d’archives concernant la Lupe, notamment celles où on la voit chanter. Bref, c’est trop verbeux, et, par moments, presque ennuyeux.
De plus, je n’ai pas été entièrement convaincu par les qualités artistiques de la Lupe, dont les prestations vocales tiennent parfois autant du glapissement vulgaire que du chant. On peut comprendre que les gérants de la Fania lui aient préféré une Celia Cruz au psychisme plus équilibrée, à la vois plus posée, et aux nuances plus subtiles, pour tenir le rôle de vedette féminine de leur Label.
Les passionnés d‘histoire de la musique cubaine et de Latin Jazz New-Yorkais peuvent prendre le temps de visionner ce documentaire un peu poussif. Mais les autres catégories de salseros pourront s’en abstenir, sans dommage grave pour leur culture musicale et sans rien rater d’exceptionnel du point de vue artistique.
Fabrice Hatem
Pour consulter quelques extraits du film : http://www.youtube.com/watch?v=NReyhYHTWWc
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